Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Yuri-G le 22 mai 2007
paru le 26 mars 2007 (Vicious Circle / Quarterstick)
Cela devait forcément arriver, à un moment ou à un autre. Que Shannon Wright se laisse approcher par la sérénité. On l’avait déjà pressenti lors de sa collaboration avec Yann Tiersen en 2004, le temps d’un album. La mélancolie vive, l’angoisse fiévreuse étaient exhumées par des chansons davantage recueillies qu’à l’ordinaire, de la part de cette artiste assiégée par le désespoir, torturée par un spleen insondable. Maps Of Tacit, Dyed In The Wool puis Over The Sun : Shannon Wright, figée dans une tristesse étouffante, en avait fait des hurlements salutaires, un folk à l’électricité tout sauf aimable, prolongé de compositions brillantes et noires, si noires. Des disques dont la durée était celle de ces vertiges qui saisissent brutalement. Puis faiblissent. Impriment leur marque dans l’âme.
Shannon Wright depuis, a connu maternité et amour. Le silence de ces trois années séparant Over The Sun et Let In The Light recelait une délivrance, un apaisement heureux. Le lien organique qui peut exister, pour une artiste ébréchée - et particulièrement au sein du folk - entre œuvre et vécu, l’une se présentant en miroir révélateur des tourments et des douceurs de l’autre, se devait d’avancer une musique sereine. Pas de mensonge dans le titre, la lumière est entrée. Des rayons hésitants, certes, mais soulignant immédiatement les teintes dorées et caressantes, autrefois bannies, du paysage, un paysage qu’on imagine aujourd’hui ocre, automnal, alors qu’auparavant il n’était qu’orage charbonneux, amas de nuages menaçants aux tensions pesantes.
Cependant, transition délicate : en se dérobant à l’emprise de ses démons, Shannon Wright sera-t-elle toujours aussi captivante ? Les premières approches de Let In The Light déçoivent. L’album est très bref, religieusement partagé entre piano (les accords solennels de Defy This Love) et guitare (des lignes claires, égrenées avec sensualité, comme dans When The Light Shone Down), chacun dans des registres cependant plus classiques et tempérés, presque ternes face au bouillonnement passé. On reste guidé par cette voix incroyable, mais ici étonnamment économe. La volonté ferme de ne plus côtoyer le dénuement impitoyable, le danger de l’angoisse exsudée, viscéralement, hors des limites de la chair ; ce chant habité, qui avait bouleversé et hanté les œuvres précédentes. On guette nerveusement, presque malgré nous, l’instant où Shannon Wright se laissera débordée et recouvrira la colère. En vain.
C’est en dépassant ce regret que Let In The Light se dévoile vraiment. Après tout, ce sont de belles compositions, aux arrangements justes et parcimonieux. Everybody’s Got Their Own Part To Play est purement un morceau pop, libéré, magnifique, d’un éclat que n’aurait jamais permis Maps Of Tacit. Un souffle de blues rugueux (St. Pete), ou l’état de grâce poignant de You Baffle Me balaient les ultimes réticences. Plus pop alors, bien que l’extase et la liesse ne soient pas encore tout à fait de mise. Des angles subsistent, la batterie brute et solide de Kyle Crabtree, déjà présente sur Dyed In The Wool, et le doute, tapi aux coins. Mais la surprenante chaleur granuleuse de la voix de Shannon, l’ensemble désormais crépusculaire et langoureux de son folk nous intiment tout de même que, oui, l’orage est passé. Peut-être pour de bon.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |