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par Vyvy le 13 novembre 2007
Paru le 17 avril 1970 (Apple)
John le lui a annoncé, les Beatles, c’est fini. Mais chut, car un album (Let It Be) est en production, un autre (Abbey Road) vient d’être fini, et ça ne sert a rien d’ébruiter la chose. John s’en repart donc faire du bagisme avec Yoko, laissant à Paul qui s’en doutait, mais à qui ça fait quand même un peu mal, le soin d’aller déprimer gaiement dans les bras de sa douce Linda, ainsi que de la petite et nouvellement née Mary.
Nous sommes en 1969 et les Beatles agonisent. McCartney, comme les autres, est dans l’étrange état d’entre-deux. L’avant est facilement définissable. Depuis les Quarry Men, sa vie tournait beaucoup, beaucoup autour d’un objet fascinant, The Beatles, qui a fasciné les foules et façonné le rock. L’après ?...En 1969, Paul a 28 ans, un peu tôt pour partir à la retraite. Et puis... Et puis peut être que les Beatles se reformeront plus tard ? Qu’en sait il alors, qu’en savent ils tous ? Pas grand-chose, bien évidemment. Alors Paul rentre chez lui, dans sa ferme écossaise, puis à Londres dans sa jolie maison où l’attend le centre de son nouveau Monde ; elle qui, aussi, a un peu annexé l’ancien : Linda Eastman, épouse McCartney.
Que faire ? Que faire pendant que Let It Be est produit, par un producteur dont il regrettera tellement le travail, qu’en 2003 il supprimera des walls of sound a tout va, pour sortir un Nu plus simple et franc ? Que faire ? Quand on s’appelle Paul McCartney, que depuis une dizaine d’année on est habitué à écrire, à composer dans les pires conditions ?... Et bien on écrit, on compose. Quand on est, de plus, multi-instrumentiste, et à tendance réclusionnaire, alors on se dit qu’on fera tout (mais alors tout : basse, batterie, lead et acoustique guitare, piano, xylophone, mellotron…) tout seul, comme un grand. Comme pour montrer que seul, on vaut tout de même quelque chose.
Il commence par The Lovely Linda. Enregistre les différentes parties dans son petit studio à domicile. Le résultat lui plaît et c’est, début 1970, le premier album solo d’un Beatles qui prend forme.
Mais là encore, l’étrange état dans lequel sont les Beatles au tournant 69-70 va influer sur Paul et son enregistrement. Home sweet Home, certes, mais quand on veut faire un album et qu’on est habitué à la fine fleur technique du moment, il faut à un moment aller dans un vrai studio. Chassez le naturel, il reviendra au galop... Et Paul de se précipiter, sous un nom d’emprunt (Billy Martin) -discrétion oblige- aux studios Abbey Road.
Billy Martin enregistre jusqu’en mars 1970. Paul revient alors sur le devant de la scène, et ses bientôt ex-comparses aussi. La date de sortie est prévue pour le 17 avril soit avant Let It Be (le 8 mai). Cela fait plutôt tache, alors que le groupe n’a pas officiellement annoncé de séparation. Ringo est mandaté par les deux autres pour porter le message à Paul. Reporte ta sortie, pour le bien du groupe.
Début 1970, Paul McCartney prend sa décision, congédie Ringo, s’émancipe. Le disque sortira le 17 avril, mais après qu’il ait, le 10 avril, annoncé la fin des scarabées. Coup de pub, césure, ou les deux ? Quoi qu’il en soit McCartney, car tel est le nom de l’album, cartonne des deux côtés de l’atlantique. Numéro 1 chez l’oncle Sam, il est scotché en numéro 2 outre-manche car Simon and Garfunkel et leur Bridge Over Troubled Water occupent la place.
L’album, comme exposé ci-dessus, est très original, et dans sa forme (un Paul, seul), et dans son timing. Un nouveau départ, calfeutré, d’un pas sûr mais discret. Le premier album solo de Paul McCartney étonne. Dedans, à part Maybe I’m Amazed, peu de chansons ont passé l’épreuve du temps, et pourtant cet album à la pochette sublime (contribution géniale d’une Linda McCartney qui avant d’être lovely était photographe) mérite vraiment qu’on s’attarde dessus.
Paul, entouré de ses instruments, en oublie même parfois de chanter. L’album est ainsi doté de plusieurs instrumentaux d’une qualité dépassant largement certains titres chantés. McCartney n’est pas un album remarquable pour sa cohésion. Les chansons n’ont parfois pas grand-chose à voir les unes avec les autres, car elles renvoient à des imaginaires différent. Mais l’album est un exemple génial de ce qu’on peut faire quand on est seul, doué, et aidé par la technique. Paul orchestre sa petite entreprise musicale à force d’overdub, de collages et, on l’imagine, de beaucoup de patience et de vision. Cela donne Valentine Day, Kreen Akrore du nom d’un peuple d’Amazonie (d’où les chants d’oiseaux introductifs), Hot Sun/Glasses, collage heureux d’ambiances festives ou l’on entend le mellotron qui fera les joies du rock progressif. À cette petite beauté, qui se finit sur un extrait de Suicide (chanson de McCartney qui ne sortira jamais officiellement), on ajoute Momma Miss America, au son de guitare dur et si prenant, aux glorieuses vagues de piano et aux éclatantes cymbales, qui dans son côté tape-à-l’œil et rentre-dedans, est très bien ficelée de même. Mais, les 5 instrumentaux digérés, on se rappelle que l’album a 13 pistes et que donc….
…Parfois, Macca chante. Avec plus ou moins de bonheur. Oo You est sympathique, mais ne décolle pas vraiment. À l’inverse, une petite chanson simple comme Junk qui ne cherche pas a décoller, s’ancre en vous, du genre tenace, autant que sa version instrumentale Singalong Junk. Jolie mélodie, douce voix, paroles attendrissantes, une de ces petites perles de pop que façonne si bien McCartney, de même pour Teddy Boy.
Décidemment l’ensemble de l’album est ainsi fait qu’on ne s’ennuie certainement pas à son écoute. Les instrumentaux, originaux et vivants, en deviennent fascinants quand on s’imagine Paul enregistrer chaque piste séparément pour ensuite les assembler. Mais, pour tout ce qu’il a de sympathique, cet album reste et restera sûrement comme l’écrin d’une petite poignée de très bonnes chansons : Every Nights et Maybe I’m Amazed, succès intergalactique et intemporel.
Every Nights et Maybe I’m Amazed, toutes les deux écrites pour/à/sur Linda, s’éloignent des Beatles pour faire du McCartney, celui qu’on retrouvera dans Ram et chez les Wings. Et cet artiste n’a pas à rougir de ses accomplissements. McCartney, premier du nom lance un message clair en avril 1970 : les Beatles sont morts, vive Paul McCartney ! Bientôt ses congénères lui emboîteront le pas. Mais pour l’heure, c’est Paul qui occupe la piste avec un album qui, décidément, mériterait d’être plus connu.
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