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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 28 mars 2006
paru le 13 mars 2006 (Hut / Virgin Record)
Que va devenir Placebo ? Tous ceux qui ont apprécié le groupe très tôt, et qui se sont par la suite vus chiper leur trésor par des hordes de teenagers affolés, se sont au moins une fois posés la question. Gageons que le trio lui-même s’est déjà confronté à cette interrogation. Car devenir une grosse machine, ça implique une vigilance accrue pour ne pas se perde de vue, pour ne pas se dissoudre dans l’attente des fans, au détriment de ses propres aspirations. Placebo, ça a toujours été de l’excellente musique à portée de chacun. Le groupe ne se cache pas, au contraire, s’affiche crûment, se rend disponible. Mais du coup, il prête le flanc à la critique bien plus souvent qu’à son tour. Il subit donc adorations autant que lapidations, et lorsqu’on a de l’affection pour eux, on s’en inquiète : pourvu qu’on ne nous casse pas notre Placebo, pourvu qu’il reste entier. On se répète ça comme un leitmotiv au moment où l’on pose ou repose Meds sur la platine.
Lorsqu’on prétend au retour aux sources, quoi de mieux que de rappeler les vieux standards ? L’intro de Meds rappelle furieusement la guitare sèche frottée de Every You Every Me. Et non seulement ça ressemble, mais c’est encore meilleur. Une voix féminine seconde celle de Molko, un timbre familier : c’est VV, la chanteuse de The Kills, groupe dont le guitariste fut compagnon de fac avec Brian. Le monde est petit. Un titre brut, en tout cas, très Placebo, dans ce qu’il a de meilleur. Les premiers instants de Infra-Red, le morceau suivant, peuvent faire penser à du Depeche Mode période Songs Of Faith And Devotion. La suite est un gros tube baveux, comme le groupe en composait déjà pour Black Market Music (cf. Taste In Men), mais en mieux encore, avec de grosses saturations, une basse grondante et une batterie poids lourd. Drag est plus sautillant, plus disco dans sa rythmique. Ça, c’est du futur grand moment live, un titre très frais, pas très long, avec des paroles simples, l’histoire d’un gars dont la nana (ou le mec ?) fait toujours tout mieux que les autres. Trois morceaux déjà, et toujours pas de ralentissement. Il advient piste 4, avec ce truc étrange nommé Space Monkey, un peu trip-hop, très sombre, des lyrics hallucinées, on nage en plein onirisme sous substances. Placebo sait toujours aussi bien composer de grands moments intimistes, preuve avec Follow The Cops Back Home, mais cette fois-ci, il ne subsiste strictement aucune mollesse, aucune longueur, juste une langueur, une mélancolie qui ne figerait rien mais maintiendrait en mouvement. Post Blue rappelle English Summer Rain, mais là encore sans les défauts de son prédecesseur : le groupe parvient à amener les toutes petites variations qui empêchent cette scie de sombrer dans la monotonie et pousse l’auditeur au fredonnement sans même qu’il s’en rende compte. Cet album sonne parfois comme un bilan de carrière : Post Blue sonne comme du Sleeping With Ghosts, et se retrouve enchaîné à Because I Want You, le single britannique, qui lui rappelle l’album Placebo qu’on aurait voulu moderniser. Puis, une nouvelle chanson d’amoureux transis qui n’a que le tort de s’éterniser un brin, mais rien de trop larmoyant ni de vraiment pénible, et puis le groupe a toujours fait dans l’épanchement, c’est un peu sa raison d’être. Rien de surprenant, rien de transcendant dans Blind, donc, mais une bien belle chanson, en toute simplicité. Molko, voix nue avec de l’écho, fait dans la juste mesure sur la ballade Pierrot The Clown. Je le répète, le groupe est meilleur que jamais, tout ce qu’il fait, il le fait mieux qu’avant. On peut dire que c’est logique, mais on peut aussi remarquer que ça n’est pas si fréquent, la bonification au temps qui passe. Broken Promise est une merveille. C’est un duo, avec un Michael Stipe lugubre et méconnaissable. Une histoire de cocufiage, Molko dans le rôle du mari trompé. Ça peut prêter à sourire, dit comme ça, mais c’est balancé avec une soul incroyable. Brian hurle, qu’il se vengera, qu’il attendra le bon moment pour le faire, et que Michael ne l’emportera pas au paradis. Les guitares enflent au fur et à mesure que sa colère se déchaîne. La fin du morceau est monstrueuse. La musique cesse, et Molko continue de vociférer, puis sa voix s’étiole et retombe sur le dernier vers. Rarement cette alternance rage/désespoir que l’on a tous connu au moins une fois aura si bien transparu, et en quelques lignes seulement. Mais ça n’est pas fini. Placebo repart à l’attaque sur One Of A Kind, où la démonstration de ce qui différencie puissance et boursouflure. Encore une tuerie qu’on attend au tournant lors de la tournée à venir. Soudain, l’ambiance retombe dans des tréfonds de morosité : In The Cold Light Of The Morning est effrayant. Jamais Molko n’avait chanté si bas, jamais le groupe n’avait si bien évoqué la déchéance, celle qui voit défiler chaque point de non-retour sans la force de redresser la tête. C’est le bon moment pour le final : A Song To Say Goodbye, ce pourrait être la réponse au titre précédent. Une sorte de The Bitter End plein de larmes, l’adieu de celui qui aura tout tenté pour venir en aide, mais qui doit à présent penser à se sauver lui-même au risque de sombrer avec l’être cher. Une chanson désespérée et déchirante.
Le choix de ce titre en guise de conclusion laisse songeur. Je l’ai dit, l’album sonne comme le rappel en même temps que la quintessence de tout ce qui fait l’identité et la valeur de la musique de Placebo. « Une chanson pour dire au revoir », ça sonne comme la fin d’un truc. Le passage à « autre chose », peut-être ? Une évolution voulue et programmée ? Dix ans de carrière, tout pile, c’est un cap, un tournant, aussi pour le groupe. Bien aidé (cocorico) par Dimitri Tikovoï, le Français de Londres, notre pays les a toujours mieux compris, de toute manière. Et quoi qu’il advienne de l’aventure Placebo (car il faudra bien qu’un jour le déclin survienne), on ne les laissera pas tomber : « see you at the bitter end », promis.
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