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mercredi 15 avril 2015
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par Parano le 15 juin 2010
paru le 10 novembre 1992 (Epic / Sony Music)
Pas de grand disque sans bonne pochette. Vous imaginez le Velvet Underground sans la banane de Warhol ou le White Album des Beatles couleur vert pomme ? Non, non et non, le visuel doit marquer les esprits autant que la rétine, et donner envie à n’importe quel ado boutonneux de se ruer sur la chaîne hi-fi, bousculer mémé et écraser la queue du chat, avant de glisser fébrilement la galette dans le lecteur et mettre le volume à 11. Il y a les albums qu’on ne voit même pas, et puis il y a ceux qui foutent le feu à la platine. Quand le premier album de RATM est apparu dans les bacs, en novembre 1992, avant d’envahir les ondes dans les semaines suivantes, l’image du bonze enflammé a eu l’effet d’une bombe (track !). Perdu au milieu des pochettes laides, tristes, inutiles, écœurantes ou futiles, on ne voyait qu’elle. Un véritable uppercut, suivi d’une grande claque dans la gueule, à l’écoute du premier titre Bombtrack.
Pochette choc pour un groupe engagé, au discours enragé. RATM n’a jamais fait dans la dentelle pour matraquer son message politique révolutionnaire, n’hésitant pas à faire de ses clips un outil de propagande. Quitte à faire (in)volontairement fermer la bourse de New York, lors du tournage de Sleep Now. Imaginez : « Ici Jean Pierre Gaillard, en direct de Wall Street, il y a du bruit dehors, c’est quoi ce bordel, à vous les studios ». Un grand moment. La rythmique buldoozer, les guitares imparables et le rap teigneux de Rage Against The Machine sont à jamais associés à des images d’émeute, de guerilla, et de violence. Pas étonnant, donc, que le groupe s’approprie la célèbre photo du bonze Thich Quang Duc s’immolant par le feu à Saïgon, pour protester contre les persécutions religieuses du régime sud-vietnamien.
Le cliché original a été pris le 11 juin 1963 par Malcolm W. Browne, et a incité le président Kennedy à retirer l’appui des États-Unis au gouvernement de Ngo Dinh Diem. Quatre mois plus tard, le régime de Diem sera renversé. On mesure donc à quel point cette photographie, désignée « photo of the year » par le prestigieux World Press Photo, a pu peser sur l’histoire du Viêt-Nam. Il fallait avoir les "couilles" d’en faire une pochette d’album, et ne pas craindre les accusations de détournement mercantile d’une photo de presse. Aujourd’hui, c’est plus simple. Pour signifier au bon public qu’un groupe est carrément insolent, voir grande gueule, on colle un sticker « parental advisory » sur la pochette de l’album, et l’affaire est dans le sac. S’il est une vérité que le journaliste de B-Side Rock doit crier haut et fort, c’est celle-ci : les fous furieux du PRMC auront grandement facilité la tâche des directeur marketing des majors.
Avec ce premier album et sa pochette brûlante, RATM entrait en guerre contre l’ordre mondial et ouvrait une brèche dans le conformisme ambiant. À la clé, aucune révolution politique, mais un terrible séisme dans l’histoire du rock.
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