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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 15 février 2011
A paraître le 28 février 2011 (Domino)
Paradoxalement, Malachai est plus connu des amateurs du jeu Fifa que des aficionados de rock. Et pour cause, la simulation de foot n°11 sortie fin 2010 contenait la petite pépite Snowflake, un riff simple et génial qui tient en quelques accords et une voix qu’on remarque. Un titre qui aurait pu sonner le début de la célébrité, et puis finalement non. Il faut reconnaître que le changement orthographique du nom du groupe, passé de Malakai à Malachai pour des raisons d’homonymie avec un rappeur semble-t-il, n’a pas dû arranger les choses pour la notoriété du duo (Inside Rock en sait quelque chose, anciennement B-Side Rock contraint de modifier son intitulé et par conséquent de se refaire un - petit - nom). Leur premier album, The Ugly Side of Love, avait pourtant été à juste titre salué par la critique comme une tentative réussie de faire renaître un certain esprit psychédélique ainsi qu’un certain type de pop bien anglais. Repéré par Geoff Barrow de Portishead et signé chez Domino, les Malachai possèdent aussi un beau pedigree. Restait à savoir si la suite allait tenir ses promesses.
A cet égard, la première écoute de ce Return To The Ugly Side perturbe un peu, voire déçoit. Il n’y a ici rien d’aussi accrocheur que sur le précédent opus, et l’entrée en matière se révèle ardue. Le disque va devoir s’apprivoiser, se combattre même. Il faut en effet lutter avec lui pour passer outre l’aspect rebutant du premier abord, dû notamment aux sonorités trip-hop beaucoup plus prégnantes qu’autrefois. Et le trip-hop, on n’est pas très fan, pour être honnête. Mais il y a bien davantage sur ce disque, qui après un terrible combat auditif finit par dévoiler ses qualités. L’image de la pochette, un portique ouvrant sur une forêt hivernale et sombre, annonciatrice d’une musique froide, épurée, glauque, prévient tout de suite que les chansons n’ont à offrir que leur inquiétante étrangeté. Souvent, le résultat fonctionne, en dépit de l’aspect répétitif et de l’austérité des mélodies. Et si les rythmiques peuvent en effet rappeler celles du trip-hop (Massive Attack, Portishead, etc.), elles ont aussi une parenté avec la pop psychédélique via les chœurs et les arrangements, celle des Beatles sur Anne qu’on croirait extraite de Sgt. Peppers, ou des Who avec (My) Ambulance (morceau syncrétique des sixties, où Floyd, Kinks et Beach Boys se mêlent confusément).
A cause de cette atmosphère trip-hop, certains critiques ont noté que Return To The Ugly Side semblait sortir tout droit des années 90, et il est vrai qu’on entend également beaucoup de Björk sur l’album. L’utilisation par exemple des samples de cordes et des ambiances glaciales ne sont pas sans évoquer l’Islandaise. C’est très net sur des chansons telles que le superbe Monster ou l’ennuyeux How You Write, pour le coup vraiment daté. Les nineties s’invitent aussi par des ressemblances avec la lo-fi d’un groupe comme Eels, auquel le très sympathique No More Rain No Maureen fait penser. Toutes ces influences, claires et précises, n’empêchent pas Gee et Scott de modeler un son à eux, qui resplendit sans doute mieux lorsqu’il s’affranchit un peu de ces modèles. Car les meilleurs morceaux sont ceux-là qui ne ressemblent à rien de connu ou presque, à l’instar de l’agressif Mid Antartica (Wearin’ Sandals) et ses guitares qui grondent, de la délicate ballade Rainbows, de l’étrange The Don’t Just, où la voix de Gee fait enfin parler la poudre tandis que résonne une espèce de glas terrifiant. Autre clou du disque, Let ’Em Fall est un très bon morceau qui là encore nécessite trois, quatre, cinq écoutes pour s’apprécier, même si à l’image de l’ensemble on aurait souhaité qu’il décolle un peu plus.
Il reste toutefois difficile d’adorer Return To The Ugly Side sans concessions. Par ces côtés répétitifs, son ambiance trip-hop un brin trop prononcée, ses intermèdes sans intérêt, il bride l’auditeur dans son plaisir. Heureusement, la courte durée des chansons lui donnent à l’inverse une durée de vie extensible, qui fait qu’on l’aime un peu plus au fur et à mesure qu’on l’écoute, prenant conscience des beaux instants qui s’y cachent et se dérobent parfois à notre oreille, juste le temps qu’il faut pour qu’on leur mette finalement la main dessus.
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