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Roseland NYC Live

Roseland NYC Live

Portishead

par Sylvain Golvet le 13 mars 2007

4

paru en novembre 1998 (GoBeat ! / Barclay)

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Coincé entre un Massive Attack vite devenu coqueluche bobo et un Tricky un peu trop enfumé pour gérer sa carrière, Portishead s’est retrouvé affilié à la scène trip hop. Avec deux albums studios et ce live, ils ont su prouver leur spécificité et surtout l’inanité des étiquettes. Pourtant, tout ce qui fait le mouvement est là : la rythmique hip hop, les scratchs, la basse dub, l’accent porté sur les ambiances prenantes. Sauf que Portishead s’est toujours baladé au dessus de ça, grâce au supplément d’âme et d’émotion porté sur un plateau par la divine Beth Gibbons.

Et en 1998, le groupe se met lui-même des bâtons dans les roues et se lance tête baissée dans le piège de l’orchestre symphonique. Mais peut-être pas si tête baissée que ça, et Geoff Barrow, le chef de bande, est peut-être trop malin pour tomber dans la pompe wagnérienne. Il a toujours puisé ses arrangements dans les sixties et sa pop ciselée, où Lee Hazlewood n’est jamais loin, ajouté à une vraie volonté de privilégier les ambiances. L’orchestre se fait donc assez discret, très souvent mixé en retrait par rapport à la voix ou à la guitare, et ne prend jamais le pas sur la rythmique sensuelle, comme sur Roads. Ce qui n’empêche pas les musiciens de se lâcher un peu, notamment sur le final puissant de Mysterons.

L’album fait office de best of des deux albums, avec un partage plutôt équitable : six morceaux du deuxième contre cinq du premier. Il est quand même à noter que le nom de l’album est trompeur. Même si la plupart des morceaux ont été enregistrés lors du concert du 24 juillet 1997 au Roseland Ballroom de New York [1], Sour Times est issu d’un concert à San Francisco et Strangers d’un festival à Kristiansand au Danemark.

Onze morceaux donc, parmi lesquels on peut y croiser Cowboys. Si le terme de « bande-originale-de-film-qui-n’existe-pas » a été plus que galvaudé, il est ici plus que jamais pertinent. Portishead a d’ailleurs commencé sa carrière en tant que vidéastes, ayant tourné To Kill A Dead Man, un film noir très sixties, avant de sortir son premier album. L’atmosphère du titre y est donc volontairement inquiétante, elle suinte le polar urbain et stylé. Les violons insistent sur la même note, les scratchs de Geoff Barrow fendent l’air et la voix de Beth Gibbons implore la pitié. All Mine, elle, révèle le penchant pour le jazz du groupe. L’orchestre symphonique se fait alors big band sur ce morceau génial où les cuivres font merveille.

Le groupe se refuse aussi à l’excès, comme le prouve le magnifique et délicat solo de Rhodes sur Only You ajouté au son limpide de guitare d’Adrian Utley. Et puis il y a l’énorme morceau qu’est Glory Box, le tube du groupe, en tout cas son chef-d’œuvre s’il ne fallait en retenir qu’un. Avec son motif de corde entêtant, ce son de clavier et sa construction, c’est le moment incontournable du concert et l’interprétation ne déçoit pas. « I Just Wanna Be A Woman ». Qui en doutait ?

Car impériale est Beth Gibbons. Voix parfaite du white jazz, tout en fragilité, elle est toujours au bord de la rupture, entre le feulement et les trémolos. Elle peut se faire caressante mais peut aussi tout donner (Sour Times, Strangers). Il faut voir cette femme, au milieu de cette imposante masse masculine, tenant en haleine musiciens et public, à l’affût de la moindre note de celle-ci. Cette classe énorme porte le groupe au-delà du simple groupe electro et rend leur son intemporel. Même s’il se perd un peu quand les arrangements se lancent dans la trituration de sa voix et que la mélodie se fait plus lâche (Half Day Closing). Plaie des concerts (en version album en tout cas), le public ne peut retenir ses ardeurs de tapage dans ses mains pour le rappel débutant avec Roads, morceau d’une rare mélancolie. Puis l’album se clot en beauté sur Strangers.

On peut regretter l’absence d’inédit sur ce live. D’autant que ces versions ne sont pas si différentes que celles des disques et ne justifie pas de ne pas se les procurer d’urgence. Pourtant, la magie opère grâce à la chaleur particulière du spectacle live où les intruments sonnent vrais. Et ça fera toujours patienter en attendant leur hypothétiques troisième album, leur Chinese Democracy à eux.



[1à noter que le concert est sorti également en DVD avec la playlist intégrale

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Tracklisting :
 
1. Humming (6’37”)
2. Cowboys (5’02”)
3. All Mine (4’02”)
4. Mysterons (5’44”)
5. Only You (5’20”)
6. Half Day Closing (4’12”)
7. Over (4’13”)
8. Glory Box (5’37”)
9. Sour Times (5’21”)
10. Roads (5’50”)
11. Strangers (5’20")
 
Durée totale : 57’18”