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par Emmanuel Chirache le 29 septembre 2009
Paru le 21 septembre 2009 (Atmosphériques)
Supposition : vous vous appelez Jean-Christophe Le Saoût et vous voulez vous lancer dans le hip hop. Que faites-vous ?
1) vous gardez votre nom, il est cool, c’est le succès assuré ! Deux ans plus tard, vous vous reconvertissez dans la vente de patates sur internet.
2) votre nom craint trop, mais pas question de l’abandonner. Vous jetez l’éponge et vous lancez dans l’audit financier.
3) vous changez votre nom et trouvez un pseudo à consonnance anglo-saxonne, comme Johnny Hallyday.
C’est la réponse 3 que Wax Tailor (avec un "i", attention !) a choisie depuis plusieurs années. La réussite de ses disques successifs lui a donné raison, même s’il doit son succès davantage à son immense talent qu’à ce petit détail marketing. Après avoir été rappeur et animateur radio, Wax Tailor s’appelle Wax Tailor à partir de 2005 et son opus Tales of the Forgotten Melodies. Mais c’est surtout avec son excellent deuxième disque Hopes and Sorrow qu’il cartonne, notamment grâce au single Positevely Inclined qui va passer en boucle sur Nova et charmer les branchouilles de tout poil. Il faut reconnaître que le morceau est une petite bombe hip hop, un beat irrésistible rythmé s’il vous plaît par un violoncelle sexy et ornementé de flûte aérienne. Un coup de vieux pour la scène hip hop française, qui rêve de devenir Timbaland ou Jay-Z sans y parvenir. Wax Tailor, lui, lorgne du côté du jazz et de la soul, voire de la pop et du funk.
Bref, quand on apprend que le monsieur se prépare à sortir son nouveau bébé, In The Mood For Life, on fonce. Une fois qu’on tient l’objet, on constate tout d’abord qu’il est beau. Pochette agréable, designée par Tenas, livret sympathique et CD instrumental en bonus, si jamais l’envie d’un karaoké vous prenait soudainement après deux whiskys, trois vodkas et cinq mojitos. Pour le reste, le fidèle n’est pas dépaysé : toujours les mêmes featurings (Charlotte Savary et Mattic, des habitués, mais aussi Charlie Winston, Dionne Charles ou encore ASM, Speech Defect et Sara Genn), toujours les mêmes effets cinématiques avec cette voix américaine semblant sortir d’on ne sait quels film ou émission de radio, toujours les mêmes ambiances, fruits d’un savant mélange d’influences. Pour Wax Tailor, le risque est clair : tourner en boucle et ne pas se renouveler. La crainte se justifie à l’écoute de certains titres comme Dragon Chaser, B-Boy On Wax ou Go Without Me, qui ressemblent fortement à ce que le compositeur a déjà réalisé par le passé. Même le très bon single Say Yes fait parfois penser à Positevely Inclined, à la différence qu’on y a inséré une dose de jazz swing qui fait merveille.
Pour autant, on serait bien en peine de bouder notre plaisir face aux climats que Wax Tailor s’ingénie à fabriquer. Premier titre à véritablement nous marquer, No Pity est un admirable instrumental samplé sur un morceau du grand Jackie Wilson. Lancinant, trippant (trip-hop, les amis, tout est dans le nom), le motif mélodique nous berce délicieusement. Par-dessus le sample original, Wax Tailor a rajouté des cordes et des imbroglios de voix qui s’accordent très bien avec le reste. N’empêche, l’artiste ne touchera pas un centime sur No Pity car il a sacrifié ses droits : c’est le prix de l’échantillonnage de Jackie Wilson. Autre réussite, Until Heaven Stops the Rain en duo avec Mattic ramène les cuivres sur le devant de la scène et le hip hop dans la place. Manque peut-être un brin d’agressivité à l’ensemble, même si le rythme impulsé par de somptueuses cordes s’avère délectable. Suit un Leave It très rétro, bien dans l’air du temps, à tel point qu’il ne ferait pas tâche sur le Back To Basics de Christina Aguilera, laquelle pourrait chanter dessus sans qu’on s’en offusque. Parmi les pépites du disque, il faut compter l’excellent Sit & Listen, son tempo tranquille, sa trompette hispanisante jouissive et ses formidables gimmicks vocaux. Ajoutons à tout cela le single Say Yes, et quelques passages de I Own You. Sur les titres plus lents et délicats, tels que Dry Your Eyes, Go Without Me, Greenfields, Wax Tailor paraît moins à l’aise. Sa musique verse alors dans de l’easy listening sympathique, sans plus, de la matière pour fond sonore de fin de soirée arrosée.
Quoiqu’il en soit, nul doute que In The Mood For Life contient de grands moments et démontre un savoir-faire et une sensibilité peu courants. la culture musicale de Wax Tailor, son art du mix et des arrangements rendent sa musique éminemment séduisante et attractive. Presque trop facilement, serait-on tenté de penser. Non pas qu’il s’agisse d’avoir honte d’aimer des chansons aussi efficaces. L’inconvénient serait plutôt que les mélodies de Jean-Christophe Le Saoût nous sont aimables et percutantes aussi immédiatement qu’elles risquent de nous lasser. Cela dit, In The Mood For Life reviendra régulièrement sur la platine, la chose est certaine.
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