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par Thibault le 1er avril 2008
Paru en 1985 (EMI/Capitol)
Freaky Styley. Rarement un album a aussi bien porté son nom. Parce qu’avant d’être des quadras pépères qui décrochent le jackpot en faisant la tournée des stades à l’occasion de sorties d’albums bâclés vendus à l’aide d’un ou deux excellents singles (Californication, Can’t Stop, Dani California, etc.), avant qu’Under The Bridge concurrence Stairway To Heaven dans la catégorie « chanson-que-l’apprenti-guitariste-doit-apprendre-au-plus-vite-s’il-veut-réussir-à-draguer » et avant que la préoccupation principale du groupe soit la pose du double vitrage dans leur nouvelle villa, les Red Hot étaient de sacrés Freaks. Pour s’en convaincre il suffit de regarder à quoi ressemble le paysage musical en 1985 lors de la sortie de leur deuxième album, entre la new wave, le thrash métal, le rock indé des Sonic Youth et autres Dinosaur Jr, le rap politique de New York naissant et la daube FM à synthés odieux, les branleurs paysagistes que sont les Red Hot ont l’air d’être totalement anachroniques, décalés, hors de l’époque. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce Freaky Styley refuse insolemment de vieillir, un fait rare pour un album réalisé en plein milieu d’une décennie au son aujourd’hui très daté.
Mais parlons un peu du groupe, après un premier album éponyme vite fait mal fait pour cause de line-up improbable et de je m’en-foutisme total, la formation se stabilise et prend en 1985 Anthony Kiedis au chant, Michael Peter Balzary dit Flea à la basse (surnom attribué à cause de sa façon de sautiller comme une puce sur scène), Cliff Martinez à la batterie et Hillel Slovak à la guitare. Rodé par des concerts déjantés dans les boites de strip-tease de L.A. (concept qui sera repris plus tard par une autre bande d’allumés, j’ai nommé les éphémères et injustement oubliés Snot) le groupe se taille une réputation qui dépasse peu à peu la seule ville de Los Angeles, au point de séduire l’un des grands manitous du funk 70’s, rien de moins que George Clinton (Parliament, Funkadelic… What Else ?). Celui-ci prend le groupe sous son aile et décide de produire leur deuxième album et apporte ainsi avec lui une section de cuivres comprenant un saxophone, un trombone et une trompette [1] ainsi qu’une douzaine de choristes. Et comme dans la plupart des cas où un excellent musicien collabore avec d’autres excellents musiciens le résultat est bluffant. George Clinton écoute les démos et comprend vite l’enjeu du défi, il choisit judicieusement de mixer la basse bien en avant, ce qui a pour effet de mettre en relief tout le groove du jeu de Flea. Un jeu très complémentaire de celui de Martinez à la batterie qui varie les tempos et les beats avec force et dextérité, de fait les deux comparses forment une section rythmique parfaite et permettent une véritable assise pour leur guitariste Hillel Slovak.
Lequel offre tout simplement une leçon de grattage de guitare. Véritable pistolero de la 6 cordes, le futur junkie déploie un arsenal guitariste étonnant de modernité. Sa sobriété chirurgicale évoque le Jeff Beck des Yarbirds mais son jeu est résolument hendrixien, comme en témoigne les dérapages de feed-back contrôlés sur le morceau éponyme. Mais réduire Hillel Slovak à un sous-Hendrix serait ridicule, captant l’énergie punk de groupes comme Gang Of Four (influence majeure du groupe) et optant pour un son légèrement psychédélique mais précis, le guitariste développe un style où se croisent riffs simples et millimétrés (Catholic School Girls Rules, Jungleman), solos au frein à main d’anthologies comme sur l’express Sex Rap ou Hollywood (reprise des Meters) ou rythmique presque ska comme sur Nevermind. Là encore le mixage de George Clinton est crucial, voulant préserver le groove sexuel de la section rythmique tout en mettant en valeur les excellentes parties de guitare d’Hillel Slovak il fait aller et venir la guitare, de telle manière qu’elle puisse surgir à tout moment tout en zigzaguant de façon continuelle entre la basse et la batterie. Un tour de maître qui ne s’arrête pas là car l’ajout toujours à bon escient des cuivres et des choeurs donne à l’ensemble de l’album une tonalité encore plus funky et incroyablement sexy ! Illustration avec l’une des perles inestimables de l’album, la reprise d’If You Want To Stay de Sly Stone, après une irrésistible intro basse/guitare millimétrée au quart de poil de mollet de fourmis Kiedis fait une entrée fracassante accompagné de la batterie et des cuivres. Son chant délicieusement nonchalant et sensuel est entouré de choeurs chauds mais juste dans la bonne mesure. Là dessus Slovak s’amuse et distribue des notes sucrées savoureuses. Fantastique, absolument imparable, la chanson vaut à elle seule toute la discographie d’Oasis et de Blur (qui a dit c’est pas difficile ???)
Injustement ignoré à sa sortie et souvent méconnu cet album des Red Hot Chili Peppers est un de ces plaisirs simples et jouissifs qui montre un jeune groupe insolent de vitalité dont le talent s’épanouira pleinement sur le chapelet d’excellents disques (nettement plus orientés vers le rock que vers le funk) qui suivra jusqu’à One Hot Minute en 1995, dernier album véritablement indiscutable de la bande. On conseillera au passage de se procurer la très bonne réédition de l’album qui offre un livret complet et quatre bonus tracks intéressantes. Et il ne reste plus qu’à mettre Hollywood ou American Ghost Dance pour savourer des perles de funk rock qui n’ont pas pris l’ombre d’une ride.
[1] (pour l’anecdote Flea est un très bon joueur de trompette et il existe une version de Smells Like Teen Spirit où il joue sur scène avec Nirvana)
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