Il y a toujours eu de bonnes raisons de conchier les Red hot Chili Peppers. Depuis 1991 et le succès de Blood Sugar Sex Magik, la critique ne les a pas lâché. Trop métal sur One Hot Minute, trop mainstream sur Californication, trop mous sur By The Way, et décrétés irrécupérables avec Stadium Arcadium, les détracteurs n’ont jamais manqué d’arguments. La facilité avec lequel le groupe rempli les stades tient évidemment lieu de circonstances aggravantes.

Le départ de l’indispensable John Frusciante, en 2009, a ravivé la flamme des contempteurs, et on ne donnait pas cher de la peau des californiens, priés, à presque 50 balais, de revenir au port de la chaussette et d’écrire un nouveau Give It Away. Ces derniers ont sans doute pas mal gambergé, avant de poursuivre l’aventure aux côtés de Josh Klinghoffer, guitariste multi instrumentiste qui a joué avec Beck, PJ Harvey et... les RHCP. Ils reviennent finalement sur le devant de la scène avec un 10ème album, que les plus réactionnaires de leurs fans, incapable de reconnaître un bon disque tellement ils s’échinent à théoriser leur amertume, détestent déjà cordialement.

I’m With You mérite pourtant bien plus qu’une condescendance de bon aloi. En se séparant de leur guitariste fétiche, les Red Hot Chili Peppers ont probablement évité l’écueil d’un album rengaine. Stadium Arcadium avait d’ailleurs des allures de point final (ou de retour aux sources, ce qui revient au même). Avec l’arrivée de Klinghoffer, il a fallu réapprendre à composer, comme Flea l’explique lui-même : « Avant on écrivait en improvisant ensemble et Anthony ajoutait sa partie après. Maintenant c’est une approche vraiment différente. Ça nous a pris du temps, pour moi particulièrement qui avait tellement été habitué à la manière dont John écrivait, de comprendre la manière dont Josh voulait interagir avec ce que je jouais. » Ce processus nouveau a visiblement permis aux poivrons de renouveler leur inspiration, et I’m With You se caractérise avant tout par une fraîcheur salvatrice. Pas de virage sur l’aile, l’album est dans la lignée des prédécesseurs, mais le groupe fait preuve d’une sensibilité nouvelle, comme l’explique Anthony Kiedis : « La grande différence pour cet album, c’est que Flea a repris son piano, et donc au lieu d’arriver avec des idées vraiment cool pour la guitare basse, il venait avec des idées vraiment cool pour le piano. »

Si la composition s’est encore affinée (une tendance lourde dans l’histoire des RHCP), les fondamentaux sont bien présents : funk musclé et pop bigarrée composent les 14 titres de l’album, sur lequel la basse renoue avec la dynamique jouissive et implacable de Blood Sugar Sex Magik. Le bizut Klinghoffer, lui, délaisse volontiers les riffs saignants pour privilégier les textures sonores, et montre qu’il est davantage qu’un clone de Frusciante en assurant des chœurs de première bourre.

N’en déplaise aux nostalgiques, I’m With You laisse donc entrevoir de belles promesses, ressuscitant l’esprit Motown (groove et plaisir) et le funk blanc de Remain In Light (Talking Heads) dans un album résolument moderne. Le clip du single The Adventures of Raindance Maggie résume à lui seul la place qu’occupe le groupe dans notre époque : un quatuor haut perché, au sommet de son art, heureux d’avoir survécu à trois décennies de carrière et d’être encore capable faire danser la rue, sur une musique de qualité.