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par Arnold le 15 mai 2007
Sortie en 1985 (WEA)
Un beau jour, Shane MacGowan, jeune punk londonien d’origine irlandaise se ballade dans le Tube. Au détour d’un couloir, Il découvre un joueur de tin whistle [1] répondant au nom de Spider Stacey. Les deux garçons sympathisent et discutent de leur groupes respectifs : Shane est un membre fondateur d’un groupe appelé The Nipple Erectors, et Spider joue avec The Millwall Chainsaws
Quelques années plus tard, les Nipples sont dissouts, Shane a redécouvert la musique traditionnelle irlandaise et ne jure plus que par ça. Avec ses amis Jem Finer and Spider Stacey, il se lance dans une nouvelle aventure : monter un groupe traditionnel irlandais. Mais attention ! Il ne s’agit pas de faire de la musique « folklorique » à la Waterdance d’aujourd’hui, où des individus en tenue étrange vont sautiller et jouer des claquettes dessus. Non non ! Il s’agit de musique traditionnelle ! Celle que l’on trouve au fond des pubs, une pinte de Guinness à la main... La musique populaire en quelque sorte. Bref, c’est ainsi qu’un nouveau groupe se forme en 1982, sous le nom de Pogue Mahone (du gaëlique póg mo thóin qui veut dire : Embrasse mon cul) d’après une riche idée de Spider...
Composé de musiciens exclusivement issus de la scène punk londonienne, et tous irlandais d’origine, le groupe se lance et joue dans quelque petites salles et surtout des pubs. Leur premier album sorti en 1984, Red Roses For Me rencontre un succès assez confidentiel. Et c’est là qu’arrive un élément décisif dans la carrière des Pogues. Cet élément porte des lunettes et répond au nom de Elvis Costello. Le producteur les remarque et sent tout de suite le potentiel. Il décide alors de les prendre sous son aile : « j’ai compris que mon rôle était de les prendre en charge avant qu’un producteur plus professionnel ne les encule ». Et autant le dire tout de suite, c’est une réussite. Non seulement Costello les aide à se trouver un son qui leur est propre, mais il leur donne surtout et enfin la crédibilité et la visibilité dont ils ont besoin auprès de la presse. Résultat, l’album réussi à atteindre la 13ème place des charts (là où le premier album n’occupait que la 89ème place).
La première chose que l’on remarque sur cet album, c’est la pochette. Il s’agit d’un détournement du célèbre tableau de Géricault : Le Radeau de la Méduse. Ensuite, c’est le titre qui marque : Rum, Sodomy & The Lash, un pied de nez à Churchill qui avait éructé un jour : « Qu’on ne me parle pas de tradition navale ! Ce n’est que Rhum, Sodomie et le Fouet ». La troisième chose que l’on retient de cet album c’est le son des Pogues.
Il s’agit d’une musique bel et bien traditionnelle à base de tin whistle, banjo, bodhran, et d’accordéon, le tout débordant d’une énergie punk et imbibé du pire alcool auquel seul un irlandais comme Shane MacGowan peut survivre. L’album varie entre les ballades et des thèmes plus rythmés, mais tout se tient par cette constance, par ce son Pogues. La musique est d’une intensité telle, qu’à peine un morceau commencé vous êtes instantanément transporté dans un tripot au fin-fond des comtés d’Irlande. On trouve un morceau instrumental illustrant à merveille la qualité musicale : le quasi-psychopathe (Wild Cats of Killkenny). Ajoutez à cela la voix éraillée de Shane MacGowan, sûrement à cause des quantité d’alcool qu’il peut ingurgiter, et vous doublez l’album d’intensité. Évidemment, la patte de Costello n’y est pas pour rien. Mais il ne rajoute rien de surfait à tout cela. Il permet au groupe de s’exprimer le mieux possible et leur donne ici leur vrai voix.
En dehors du son, Rum Sodomy & The Lash est enfin et surtout remarquable par toutes ces histoires glauques qui ponctuent l’album. Les textes des Pogues ne racontent pas les vertes vallées d’Irlande dans lesquelles gambadent des centaines de petits leprechauns farceurs... Non non ! On en est loin... The Old Main Drag par exemple, raconte l’histoire d’un immigré irlandais à Londres débarqué à l’age de 16 ans, et forcé de s’en sortir avec moins que rien. Navigators, loin d’être une histoire de marins raconte l’histoire d’ouvriers partant travailler dur pour pas grand chose. Les histoires glauques s’enchaînent les unes aux autres, et la voix de Shane Mac Gowan n’a de cesse de nous tirer les larmes [2]. Le point d’orgue est atteint sur une chanson bien particulière. Non, ce n’est pas Dirty Old Town qui est la plus connue et pourtant très intense. Il s’agit en fait de la toute dernière chanson : And The Band Played Waltzing Matilda. Les Pogues reprennent une chanson de Eric Bogle, et donne ici le plus vibrant des hymnes anti-guerre. La chanson raconte l’histoire d’un soldat australien envoyé à la guerre durant la Première Guerre Mondiale pour l’expédition des Dardanelles planifiée par Churchill qui fût une véritable déconfiture de l’armée du Royaume-Uni. Le soldat est renvoyé au pays, les deux jambes en moins. Il ne pourra plus emmener valser Matilda. Il s’agit de la meilleure conclusion pour un album excellent. Le groupe trouve un excellent équilibre entre les musiques chaleureuses, les paroles et l’émotion qui s’en dégage.
Très vite, le disque est vite devenu une référence du pub-rock. Certain on même inventé le terme de rock-éthillique pour cette galette sortie de nulle part en 1985. La vague punk est déjà loin, le post-punk et la new-wave sont sur la fin... Et les Pogues nous sortent ce chef d’oeuvre hors du temps.
[1] Petite flûte d’étain, instrument traditionnel irlandais
[2] excepté sur I’m A Man You Don’t Meet Every Day chanté par la bassiste, qui sera aussi la femme de Costello : Cait O’Riordan
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