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par Fino le 20 novembre 2007
Paru en 1986 (Glass Records)
Pierre angulaire, aux côtés de My Bloody Valentine et du Jesus And Mary Chain notamment, des dérives sombres du rock psyché dans les maudites années 1980, Spacemen 3 ont porté shoegazing, post-punk et plus généralement les prémices du post-rock vers la lumière blanche. "Sound Of Confusion", premier champignon du groupe, s’impose en 1986 comme la bande originale de Tchernobyl dans l’angoisse de l’éradication.
"Se droguer pour faire de la musique sur laquelle se droguer". Le slogan attrape l’oreille, et frappe dans le mille lorsque sonnent les premières notes saturées répétées à l’infini. Losing Touch With My Mind, rien que ça. Le mot d’ordre en aura inspiré plus d’un, au premier rang desquels l’inévitable Brian Jonestwon Massacre, que l’on reconnaît immédiatement à cette intro à laquelle ils ont fait référence plus d’une fois.
Les étudiants en art originaires de Rugby Jason Pierce (ou J. Spaceman, ça en jette plus) et Peter Kember (pour lui ce sera Sonic Boom, honneur aux Sonics bien sûr), autour d’un rythme abrutissant souvent simplement martelé tous les deux temps, font donc planer leur musique, au sens propre de façon flagrante, au sens figuré de manière encore plus évidente. Quand au reste de la formation, ça va, ça vient, ça se désintègre dans le vide, on ne sait plus trop. Lorsque l’humeur est à la mélodie, on s’essaye à enchaîner cinq notes différentes. Lorsque la prise est trop forte, une seule, distordue, se faisant échos inlassablement, suffit. The Warlocks musique de camés ? On sent ici la seringue se vider alors que les morceaux s’écoulent dans les veines.
Hey Man se syncope, mais le ton n’a pas encore atteint le zéro absolu. La guitare rythmique, pourtant pas du Haydn, parait une lointaine broderie pulvérisée par la lead version avion de chasse perforant le mur du son. Et là attention, Rollercoaster passe de l’autre côté de la paroi, dans le malsain, l’état de manque. On part sur les mêmes bases, et puis… et puis ces hurlements, qui viennent déchirer la fin du refrain, achèvent le glauque en 7’50. Jamais le minimalisme n’a été aussi violent, et pourtant les Allemands ont fait fort dix ans auparavant. Une brutalité pure, qui fixe, dilate les pupilles, fait naître l’irrépressible besoin de s’effondrer.
Le noir sidéral et avec lui ce "space rock" qui fera fureur dans les milieux underground eighties et nineties ont certainement pris leur envol ici. Les références, en particulier aux années 1960 se multiplient. On reconnaît l’encre épaisse du Red Krayola, précurseur trop violent pour son époque. On passe par les Stooges avec le couplet de Little Doll, le rêche passé ici au congélateur avant d’être appliqué à même la chair. Le tunnel, sans début ni fin, semble se transformer en anneau duquel on est un prisonnier passif.
On cherche moins à perforer les tympans comme le Jesus And Mary Chain qu’à aveugler, et à faire suivre une lumière qui ne fait que s’intensifier jusqu’au coma post OD Catastrophe. Tout éclate dans un bruit considérable, mais abrutit plus qu’il n’assourdit. Vingt ans plus tard, Spacemen 3, avec un premier opus incontournable dans l’histoire de la culture underground, ont mis en scène, comme tant d’autres, l’anti Summer of Love et autres Lucy in the Sky with Diamonds. Eux l’ont fait à l’aiguille, à même le sang.
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