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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 10 mai 2010
paru le 3 mai 2010 (Thrill Jockey/PIAS)
Pauvre synthétiseur. Si malmené en ces sombres heures. L’instrument, déjà en soi mal-aimé, a aujourd’hui encore été rendu prisonnier de plusieurs impies, visiblement ébahis à l’idée de pouvoir rendre actuelles les pires heures de leur enfance. Le pire revival qui soit ! Pop de consommation industrielle, portée par des mannequins dûment appuyés sur leurs claviers. Et toi qui n’en finis pas de couiner, de vrombir, de fanfaronner. Pauvre synthétiseur, ils t’ont reclus dans leurs évocations de pachyderme, et tu sembles condamné à connoter le ringard, le second degré. Mais rien n’est perdu.
Il reste encore quelques intrépides pour sortir le synthé de ces carcans. Dans pareil contexte, on aurait tendance à fuir dès qu’on en entend un bribe. Mais ce rejet n’est pas un renoncement. Ces derniers temps, de nobles stylisations ont rappelé que la machine peut avoir d’autres horizons. Beach House et leur précieux Teen Dream les ont érigés en remparts ouatés, créateurs de nostalgie. El Perro Del Mar, dans Love Is Not Pop, a misé sur leur enveloppe romantique, véritables compagnons d’une aube fatiguée. Plus modestement, Future Islands rejoint cette catégorie d’esthètes. Pour ce trio de Baltimore, il s’agit de revenir à un point zéro. Qu’y a-t-il de beau dans l’electro-pop, quand chacun déballe ses oripeaux datés chaque semaine ? Peut-on encore la faire vivre d’une expression personnelle ? In Evening Air est leur bringuebalante réponse.
Evacuons d’emblée les réserves. Ce qui retient Future Islands de parvenir à son absolu tient, reconnaîtra-t-on, à un certain défaut de variation. Selon le degré d’exigence en la matière, l’album pourrait être taxé d’une relative banalité mélodique. Il est vrai que chacune d’entre elle, déjà réduite au plus simple, semble issue d’un même modèle. Quand certaines sont très fortes, d’autres tirent vers le décalque. Sentiment d’incomplet, certes. Mais In Evening Air trouve sa valeur sur un autre terrain : la texture, l’authentique vibration.
L’album compose avec peu. Synthétiseur, donc ! Basse, programmation rythmique, chant. Absence de guitare. Si, au premier abord, le style peut sembler commun, il y a pourtant quelque chose qui se révèle dans cette approche fébrile, voire cabossée. Future Islands cherche à rendre l’electro-pop plus sale et ardente qu’elle ne l’est souvent, et y parvient. Les synthés déroulent leurs boucles et leurs lignes maladives, la basse chevillée à leurs bribes étranges. Souvent, une crasse garage se libère pour élever l’ensemble. Chaque titre est une rampe de lancement ; il ne rencontre jamais son apothéose, freiné avant, mais arrive à créer une trajectoire prenante. On se trouve rapidement touché par ces expressions un peu flamboyantes, un peu brisées (Vireo’s Eyes, Swept Inside) qui rappellent New Order (peut-on vraiment y échapper dès qu’on entre dans ces territoires). Puis, il y a la voix de Samuel T. Herring. Sur quelques titres, pas tous, le chanteur devient loup-garou. Il y va de son timbre rauque, improbable bluesman paumé dans des nervures synthétiques et modernes (notamment dans Tin Man, le meilleur). Ce genre d’huluberlu qui détourne les pronostics, ça plaît, oui.
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