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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 21 octobre 2008
paru le 23 septembre 2008 (4AD/Beggars/Naïve)
Si l’on vous dit qu’il s’agit à nouveau d’un écart, entre ce qu’on attendait de Dear Science et ce qu’il est réellement, vous ne serez guère étonnés. Vous avez connu ça. Ce décalage loin d’être rare concentre, néanmoins, une amertume suffisante pour qu’on noircisse le tableau, un peu trop. Pour cette raison, admettons-le, le nouvel album de TV On The Radio n’est ni une déperdition, ni même une calamité. Mais le fait est, il déçoit.
Comme à chaque fois qu’un groupe tente de renouveler son jeu et qu’il tombe à plat, on met en cause ladite transformation, assez automatiquement. Chose ici délicate. En effet, TV On The Radio aborde un terrain séduisant. Il approfondit l’âme noire dont sa musique se gorge depuis le début. Cela se passe vers le groove sophistiqué des Parliament, James Brown, Prince. Autrement dit, les guitares au goût d’apocalypse ont été remisées, l’humeur crépusculaire de Return To Cookie Mountain cède la place à des considérations plus charnelles : inclinaison du bassin, danse, sensualité de rigueur. Attirés par un funk auquel leur univers n’invitait pas nécessairement, certains ont tiré des albums passionnants et rénovateurs (Remain In Light, au hasard). Dear Science, s’il participe de cette volonté, ne la comble pas vraiment.
Peut-être parce qu’il semble envisager la quantité comme une marque de créativité incontestable. La profusion des genres parcourus (pop, new wave, afro-beat, electro et plus) est bien sûr frappante. Une ballade telle Family Tree, aux limites de l’extorsion lacrymale, se voit succéder par une lancée de riff funky avec cuivres (Red Dress). Voilà qui détonne. Mais à terme, chacune de ses facettes finit par rejaillir en un point focal : la soul. Manière d’incarner les chœurs, lancinement de la mélancolie, cette frémissante volupté qui parcourt Dear Science. Qu’on porterait à bout de bras, si on s’y sentait exalté… Et ce n’est pas le cas.
Le problème se présente de cette façon. Une fois imprégné, on réalise que l’écriture des mélodies possède quelque chose de fonctionnel. Comme si, pour être dansant, TV On The Radio se reposait sur les principes du genre, sans fondamentalement chercher à les posséder, y inscrire une élévation. Écoutez dans Crying, les lignes de guitare funky sonnant comme tant d’autres au feeling près. On ne niera pas pour autant la qualité objective des compositions (ce serait malhonnête). Non plus la richesse de l’album. En effet, David Sitek n’a pas lésiné sur les arrangements. On peut dire que ceux-ci fourmillent dans chaque titre. On peut même dire qu’ils les étouffent. Cette obsession des cordes, par exemple, est-ce nécessaire ? Précieuses dans Family Tree, en pizzicato pour Stork & Owl : tout ceci a par trop un caractère ampoulé, voire décoratif. Si bien que les morceaux en sortent affublés d’un son soigneux, poli. Quand Sitek excellait dans la nudité de Ambulance sur le premier album, ou dans la respiration de A Method, il accumule aujourd’hui des détails… commodes, à défaut d’être vitaux (pléthore de rythmiques, effets synthétiques, échos, j’en passe). Une magie a disparu.
Dear Science tourne à vide, on pourrait résumer ça ainsi. Cela n’exclut pas la présence d’un morceau admirable, Halfway Home. Ouvrant l’album, son rythme et ses guitares acides, panoramiques promettaient beaucoup : reprendre les choses là où elles s’étaient arrêtées avec Return To Cookie Mountain, mais sous une luminosité nouvelle (le refrain a une empreinte de John Barry, déformée sous l’électricité). L’instant d’après, Crying semait le doute. On se raccrochera encore à Golden Age, pour son refrain allumé, ou Shout Me Out, tempo et guitares en avant. Las ! À peu de choses de près, le titre ne ment pas. TV On The Radio s’adresse à la science. Espérons qu’ils se préoccupent davantage de l’âme, la prochaine fois.
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