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mercredi 15 avril 2015
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par Our Kid le 3 octobre 2006
S’il est une formation qui mérite sa place dans les grands oubliés des années 1960, alors, The Misunderstood arrive en tête. De par l’influence musicale qu’elle va développer mais aussi et surtout de par l’histoire du groupe. C’est probablement la biographie la plus invraisemblable qui vous ait un jour été proposé de lire. En fait, c’est peut-être même la biographie ultime du groupe sixties par excellence : tout y est : le désir de liberté, la curiosité, l’inventivité et les heurts avec les autorités et les désillusions. Redécouverte d’un groupe qui n’a jamais aussi bien porté son patronyme.
L’histoire de The Misunderstood débute à Riverside, à la fin de l’année 1963, lorsque trois adolescents, Greg Treadway, Rick Moe et George Phelps, frappés par le virus de la musique surf, décident de mettre en place leur propre groupe, The Blue Notes. La musique surf étant la plupart du temps instrumentale (cf. Misirlou de Dick Dale), Treadway et ses comparses peuvent se concentrer sur leurs instruments respectifs : la guitare rythmique et les claviers pour Treadway, la batterie pour Moe et la guitare pour Phelps. D’ailleurs, Treadway en garde un excellent souvenir : « La musique surf était le truc à la mode à Riverside, avec un petit peu de rock’n’roll, nos cheveux bleus, nos guitares bleues et nos chaussures bleus. ». Le trio est bientôt rejoint par Rick Brown au chant et à l’harmonica, au moment où la musique britannique déferle sur les États-Unis, et au début de l’année 1965 par Steve Whiting qui renonce au préalable à sa guitare au profit de la basse pour compléter la formation.
Les cinq changent alors le nom du groupe et deviennent The Misunderstood. Ils s’embarquent alors dans des petits engagements : fêtes, tremplins d’artistes, bals organisés par l’arsenal...
Après l’arrivée de Whiting, le groupe entre, à la fin décembre 1965, au studio local William Locy pour enregistrer six titres qui pourraient faire office de répertoire promotionnel. Dessus, on trouve, parmi des compositions originales, une influence notable de groupes comme The Yardbirds ou The Animals, la musique R&B en règle générale. On sent bien que le groupe se cherche encore mais la voix de Brown est déjà bien établie et puissante et on se rend compte de l’influence de ces groupes britanniques dans l’éclosion des groupe garage aux États-Unis. Le guitariste Phelps quitta le navire peu de temps après cet enregistrement et trouva refuge auprès d’autres combos de Riverside jusqu’à sa mort à la fin des années 1970. On lui trouva un remplaçant en la personne de Glenn Ross Campbell.
Le passé de Campbell - sans aucun rapport avec la pop star Glenn Campbell qui a notamment joué avec The Beach Boys - comporte son lot de mystères : sa mère avait tous les attributs d’une mystique tandis qu’il a lui-même passé ses premières années d’existence en Angleterre. Il n’a jamais su et ne sait toujours pas se servir et jouer d’une guitare normalement : à l’âge précoce de deux ans, on lui a offert une petite guitare en plastique mais au lieu d’apprendre à en jouer comme il se doit, le petit garçonnet a commencé à racler de couverts et de tout autre objet en acier les cordes de haut en bas ! C’est avec ce style qu’il a grandi et qu’il est ainsi devenu joueur de steel guitar ou guitare hawaïenne. L’instrument est joué sur les genoux ou bien peut reposer sur un socle. La guitare se joue souvent avec un bottleneck, un tube ajusté à un doigt de la main gauche. En 1962, Campbell incorpore un groupe de Riverside, The Goldtones - autre groupe de surf music - avec lesquels il connaîtra un fort succès local lorsque paraît le tube Gutterball, désormais considéré comme un morceau culte chez les amateurs de surf music, au même titre que le Misirlou de Dick Dale.
Après avoir recruté Campbell, The Misunderstood retournent en studio et mettent en boîte deux morceaux de blues (You Don’t Have To Go de Jimmy Reed et Who’s Been Talkin’ de Howlin’ Wolf) en guise de single, ce qui constitue un excellent résultat.
À ce moment précis, Rick Campbell, le chanteur se pose déjà des questions et s’autorise un regard sur sa propre vie et ce qu’il a accompli jusqu’à présent : sud de la Californie, 1965. Rick a 18 ans et aime rejoindre la plage pour aller surfer, mais ce qu’il préfère et qui lui procure autant d’émotions, c’est de chanter avec ses copains dans son groupe, The Misunderstood, groupe qui joue une musique que l’on commence à qualifier à l’époque de rock psychédélique. Comme lui, les autres membres du groupe sont originaires de Riverside. Ils sont tous complètement absorbés dans leur musique « révolutionnaire et qui refuse la guerre », si bien qu’ils caressent même le rêve de faire partager cette ambition au reste du monde. Cependant, ils sont limités par les horizons bouchés que leur offre leur petite ville de Riverside et les projets de carrière que leur prépare leurs propres parents. Tout ceci concourt à provoquer des ruptures entre les mentalités bornées et d’un autre âge de leur entourage familial et leur vision de liberté et de plaisir de concrétiser au mieux ce qui leur tient vraiment à cœur, à eux comme aux autres adolescents de leur âge.
À cette pression, s’ajoute également, et de manière encore plus directe et oppressante, l’escalade dangereuse que connaît à cette période la guerre au Viêt-Nam. Le conflit menace de plus en plus les jeunes de les enrôler en leur sein, avec l’instauration de la conscription (également appelée draft) obligatoire. Pour alourdir les difficultés, le père de Rick est colonel dans l’Armée de l’Air, ce qui fait naître un conflit graduel entre son fils et lui.
C’est à ce stade de leur carrière que les gars de Riverside entrent en contact avec un Anglais qui se fait passer pour un disc jockey au seul fait qu’il est un expert du groupe The Beatles et qui a atterri par chance à San Bernardino, en Californie du sud, après un passage par une radio dans l’État de l’Oklahoma. Il devient, de par sa nouvelle activité, un habitué de la scène locale et devient ami avec deux combos de Riverside, The Mystics et The North Side Moss. L’Anglais se prénomme John Ravenscroft et se souvient de cette période et de la première fois qu’il a rencontré The Misunderstood : « J’avais l’habitude de me rendre aux concerts qui se tenaient dans la région et un jour, The Mystics et The North Side Moss ont eu un engagement pour l’inauguration d’un nouveau centre commercial à Riverside. The Mystics ont joué leur set mais juste avant que The North Side Moss montent sur scène pour poursuivre le concert, il y avait ce groupe que personne n’avait jamais vu ou entendu qui était également programmé. J’avais donc décidé de faire un tour au centre commercial pendant qu’ils joueraient... mais alors que je m’y rendais sans réel but, j’ai vu ce groupe entrer sur scène et commencer à accorder ses instruments. Ils avaient l’air bizarres et un peu jetés alors j’ai décidé d’attendre et de voir s’ils étaient bons. Ils s’appelaient The Misunderstood... et j’étais comme Saint Paul en route vers Damas, c’était sensationnel. Ils ont taillés The North Side Moss et The Mystics en pièces ! Glenn Campbell paraissait incroyablement fluet et malade, avec des cheveux exceptionnellement longs pour l’époque et il était penché sur sa guitare hawaïenne, jouant les trucs les plus incroyables que j’avais jamais entendu... et Steve Whiting faisait des trucs comme jouer de sa basse avec un bottleneck : ils étaient fantastiques ! ».
Ravenscroft était conquis et commence à se glisser dans le rôle de mentor des cinq, les encourageant et leur dénichant des engagements. En avril 1966, il les emmena aux prestigieux studios Gold Star d’Hollywood pour y graver un autre acétate. Bien que toujours orienté sur la musique blues, les arrangements des morceaux sont si importants qu’ils ne ressemblaient à rien de connu jusqu’alors. On y trouve des version sauvages, hard rock (terme qui naîtra quelques années plus tard) de standards tels que Shake Your Money Maker, Smokestack Lightning ou encore la version épique de The Yardbirds, I’m Not Talkin’, qui occupe toute la deuxième face du disque avec ses passages de feedback et son style de guitare sonnant oriental, quasiment un raga. On raconte que durant l’enregistrement de ce morceau, les musiciens quittèrent le studio pendant un moment en laissant rugir les guitares avec le larsen avant de revenir pour le terminer ! Nous sommes au début 1966 ! Pendant l’un de leur sporadique concert, au Pandora’s Box de Los Angeles, The Misunderstood ont rendu l’auditoire complètement fou avec des effets de feedback qui revenaient cycliquement, quittant la scène et revenant quelques temps plus tard. Cette démonstration était si renversante que le barman dut fermer boutique pour assister à ce spectacle décoiffant !
C’est bien musicalement que se forge la renommée de The Misunderstood : mélange improbable de surf music, de Del Shannon et de The Animals - la voix de Brown a souvent été comparée à celle d’Eric Burdon - la musique du groupe s’est trouvée une identité avec l’arrivée de Campbell. Ce dernier, toujours à la recherche de nouvelles sonorités, déclare : « La steel guitare, pour moi, était une expérimentation énorme qui devait être utilisé à toutes les sauces ». On raconte que lors de son audition auprès de The Misunderstood, pour remplacer George Phelps, il s’était fait accompagné d’amis en mesure de le protéger de toutes agressions physiques car il avait maintes fois été passé à tabac lorsqu’il se rendait aux auditions avec sa guitare hawaïenne, une chose inconcevable pour les groupes de rock !
Après un morceau, il faisait partie du groupe. Campbell apporte non seulement un nouvel instrument mais également de nouvelles influences. Ces goûts sont plutôt éclectiques et se déclinent du rock, au blues, aux ragas indiens, en passant par les enregistrements des tribus de Nouvelle-Guinée qu’il se procure à la Bibliothèque du Congrès et les chansons africaines. On le voit, il est un peu « world » avant l’heure. « D’habitude, je rencontrais de la résistance dans les groupes avec lesquels je jouais mais avec The Misunderstood, il n’y avait rien de tout ça. Ils étaient fascinés, plus que je ne l’étais. Ils désiraient vraiment tenter tout et n’importe quoi. Il n’y avait pas de paranoïa dus aux égos. Ils ont saisi l’opportunité de paraître stupide [Nda : avec la guitare de Campbell] juste pour tenter quelque chose de neuf », se souvient le dernier entré dans la bande.
Bien que toujours basé dans la musique blues, le groupe commence peu à peu à improviser et expérimenter avec les amplificateurs et les effets de guitares, d’une manière qui rappelle The Yardbirds, le groupe de Jeff Beck faisant alors sensation chez l’Oncle Sam où il tourne, qui devient de fait l’âme sœur des gars de Riverside. On retrouve d’ailleurs une version démo du classique I’m Not Talkin’, inspirée de la version qu’en a faite les Anglais. Le feedback est énormément présent, la rythmique raga du titre et le solo de steel guitar apparaissent encore plus osés à l’époque. Il faut se rappeler qu’à l’époque, aux États-Unis et particulièrement en Californie, il était quasiment impossible de trouver de disque de blues car le style était totalement démodé et plutôt une musique de la côte Est, donc étrangère à l’Ouest. Ainsi, quand un groupe se procurait un enregistrement de blues, il lui fallait une bonne mémoire pour s’en souvenir par la suite, ce qui explique que les versions jouées par The Misunderstood soit si éloignées des versions originales.
Sur scène, le groupe s’absentait parfois en coulisses, laissant le feedback rugir, ce qui intriguait les spectateurs. « Le public ne savait pas comme prendre ça, raconte le guitariste, il était comme paralysé, le regard fixe, la bouche ouverte ». La présence d’une steel guitar dans un groupe de rock n’y était pas étrangère. Mais Campbell allait même plus loin en s’attaquant à l’aspect visuel des concerts des cinq. Il demanda à des ingénieurs qu’il connaissait s’ils pouvaient lui mettre au point un petit jeu de lumières, bien avant que cela ne soit un standard du concert de rock. « Je voulais créer une console qui assignerait, quand je jouerais, les trois couleurs primaires.
Elle diviserait les fréquences musicales en ces trois couleurs et ferait pulser les lumières en accord avec ces fréquences. On nous a dit que c’était impossible à mettre au point. Mais j’ai refusé d’abandonner et j’ai donc pris des ampoules des phares de moto et des feux arrières de voiture, les ai accroché avec des fiches jacks de guitare et les ai fixés dans les connections du haut parleur externe de nos amplis. Et ça marchait. Bon, il n’y avait pas de couleurs, les lumières étaient de couleur blanche et quand on jouait plus fort, elles montaient et baissaient avec le volume et l’éventail de fréquence. On avait tenté ça lors d’une répétition dans le salon de la maison de ma mère et c’était génial ». Ainsi, quand le groupe quittait la scène en laissant le feedback, les lumières étaient sans cesse en mouvement et parfois se focalisait sur un visage d’un membre du public, hypnotisant encore plus l’audience.
Encouragés par leur mentor Ravenscroft, The Misunderstood décident, en juin 1966, et pour faire face à ce rapport de force et cette épée de Damoclès que constituent la draft et les tensions familiales et qui étaient brandies en permanence et de tous côtés, de quitter leur Californie natale et de migrer vers le Royaume-Uni, à Londres, avec l’espoir de rencontrer un public aussi réceptif à leur musique que ne l’était celui de Californie.
C’est aussi un moyen de progresser musicalement parlant et le début d’une grande aventure pour ces jeunes gens, en dépit du fait qu’ils n’avaient pas un sou en poche, une réputation inexistante hors de Californie et pas le moindre permis de travail ! Ils espèrent secrètement rencontrer The Yardbirds, avec lesquels ils ont plus de connections musicales qu’avec les autres groupes de Riverside.
Pour financer le voyage, le groupe se présente à des tremplins de jeunes talents et remporte la mise à chaque fois, bien que, comme le révèlera plus tard Campbell, ils étaient tous truqués ! Ils parviennent à caser tout leur matériel sur le bateau grâce à l’équipage qui se voulait bien conciliant.
Au moment de quitter le territoire américain et de prendre le bateau vers l’Europe, Brown reçoit une convocation d’un médecin de l’armée l’obligeant à passer une visite médicale, ce qui, bizarrement, ne découragea pas les autres membres du groupe qui partirent sans lui. Le guitariste Treadway raconte l’arrivée de la troupe à Liverpool, après l’atterrissage à Londres : « John Ravenscroft nous avait dit que sa mère nous attendrait là-bas (Nda : Ravenscroft est originaire de Liverpool) et qu’on pourrait séjourner à son appartement jusqu’à temps de s’installer. En fait, elle n’avait jamais été prévenue. On est resté huit heures devant son appartement avec tout notre matériel tandis qu’elle tentait de joindre John resté en Californie par téléphone, pour découvrir ce que faisait ces quatre types chevelus dehors ». Les voisins se relaient pour donner à manger aux Californiens et finalement ils sont invités à séjourner chez les parents de Ravenscroft. Pour arranger leurs affaires, ils réalisent qu’ils ont oublié d’apporter de disques promotionnels avec eux...
Cet épisode ne va pas rester sans suite. Brown rejoint ses amis deux semaines plus tard en pensant qu’ils ont réussi à percer et à nouer des contacts professionnels, alors qu’il les trouve fauchés lorsqu’ils viennent le chercher à l’aéroport et qu’ils ont dû sauter par dessus les barrières du métro pour faire le trajet, s’accompagnant du coup d’une horde de policiers ! Dure réalité qui empirera lorsque Treadway effectue le trajet inverse de Brown et se retrouve enrôlé dans la marine, la fameuse Navy, abandonnant ainsi The Misunderstood. Décidément, l’armée ne les laisse pas tranquilles !
Pour remplacer le guitariste, les quatre choisissent le jeune Tony Hill, un Anglais de South Shields qui jouait dans un combo appelé The Answers, ce qui s’avère un excellent choix, comme il le prouvera par la suite.
Après une période de pauvreté et de privations - les cinq survivent en volant les restes de frites périmées des chip shops avant que n’interviennent les éboueurs et font souvent la manche, Whiting travaille à l’hôpital et expédie à l’incinérateur les morceaux de corps de plus d’un jour qu sont extraits de l’organisme des patients...- un lien se développe finalement entre les musiciens et le public de leurs concerts, à l’opposé de la toile de fond excitante et colorée du psychédélique Swinging London.
À cette période, Campbell devient accro au cidre et Brown succombe aux doux euphorisants dispensés par la drug culture qui fleurit à Londres. C’est un miracle que le groupe parvienne encore à produire de la musique.
The Misunderstood captivent leur audience en nombre et reçoivent finalement - par l’intermédiaire du frère de Ravenscroft, Alan - le privilège de décrocher un contrat avec le label Fontana Records, subsidiaire du néerlandais Philips, qui édite également les disques d’artistes comme The Merseybeats, Wayne Fontana, Joan Baez pour le Royaume-Uni ou encore The Spencer Davis Group et, plus tard, The Troggs. Cependant, derrière ce beau tableau, en coulisses, deux managers avides se battent pour obtenir le contrôle du groupe...
C’est sous la coupe du producteur Dick Leahy et d’un ingénieur dénommé Roger que le combo s’enferme, en juin 1966, aux studios Fontana de Londres. D’après Campbell : « Ces deux personnes croyaient en nous et ont pris des risques dans le seul but de faire en sorte que ce soit le groupe qui soit récompensé et non les producteurs ». The Misunderstood enregistrent ainsi six morceaux qui se révèlent incroyablement novateurs et collant à merveille à l’air du temps. Avec le dernier arrivé, Tony Hill, le combo enregistre des figures de proue du psychédélisme naissant. La technique guitaristique est excitante et rappelle les expérimentations de Jeff Beck et de ses Yardbirds, comme l’emploi de la fuzz box. Mais la base raga-rock des morceaux apporte une touche hypnotique à l’ensemble qui glisse parfois vers des passages méditatifs, comme le prouvera leur futur single. De l’énergie et de l’agressivité entremêlés de passages calmes et purs.
« Avec Tony, on n’avait plus de limites, se souvient Campbell, on allait dans différents styles ou colorations. On ressemblait plus à un trio, comme Cream ou Hendrix plus tard, bien qu’on était cinq. Tony et moi, c’était comme si on jouait d’un seul instrument. Parfois, on prenait les solos en même temps ».
En décembre 1966, une somptueuse réception organisée dans les bureaux de Fontana à l’intention de la presse annonce la sortie du premier single des cinq, I Can Take You To The Sun, une composition originale (avec le Who Do You Love ? de Bo Diddley en face B) qui rencontre des critiques dithyrambiques. La mélodie obsédante et les paroles qui renvoient à un examen de conscience font sensation. Il s’agissait aussi d’un message d’amour. Les cinq sont alors surnommés « The American Yardbirds », un titre extrêmement flatteur ! De même, Glenn Campbell est décrit comme un mélange de Jeff Beck et de Jimmy Page !
Cette réception a fait l’objet d’une situation marquante que Campbell nous décrit :
« On avait scellé une enveloppe. On a dit : ‘Il y a un morceau de papier dans l’enveloppe avec un mot écrit dessus. Ce que nous voulons vous voir faire pour le prochain morceau, c’est qu’on va jouer environ six minutes et puis on vous posera des questions sur ce que vous aurez entendu. Et ce que nous voulons, ce sont en fait vos impressions, à quoi le morceau vous aura fait penser ou fait sentir. On se moque si vous pensez que le morceau est trop long ou trop fort. Une critique ne nous intéresse pas. On veut juste savoir ce que vous avez ressenti ’. À la fin, on a interrogé trois - quatre personnes. L’un a dit : ‘J’ai reçu des flashs de mon enfance, dans le verger de mon père’. Un autre a dit : ‘J’ai ressenti une grosse envie de compote de pommes’. On en a interrogé trois ou quatre et les réponses étaient toutes dans le mille. On a donc ouvert l’enveloppe et, bien sûr, le mot que l’on y trouvait était ‘pomme’. D’une manière ou d’une autre, toutes les personnes à qui on a parlé, leurs impressions étaient basées autour des pommes. Des femmes commençaient à crier : ‘Ce sont des sorcières ! Ce sont des sorcières ! ».
Des chansons enregistrées, on peut relever les plus marquantes, My Mind ou The Trip (To Innerspace), sur laquelle Campbell et sa guitare font merveille par l’usage de sons que l’ont jurerait issus de Cap Canaveral (Nda : base de lancement des fusées de la NASA et de l’armée états-unienne, située en Floride). Brown distribue à travers son micro des instructions pour explorer sa propre psyché. Autres moments importants de ces sessions, Children Of The Sun, leur hommage au Shapes Of Things de The Yardbirds et le single, plus calme, sur lequel les deux guitaristes jouent assis, les jambes croisés.
La rumeur se fait de plus en plus pressante et le cercle des initiés s’élargit à une vitesse fulgurante. Désormais, les cinq jouent au célèbre club londonien The Marquee, ancien bastion de The Who. Ayant trouvés leur voie, The Misunderstood mettent au point un jeu de scène et des artifices visant à illustrer quelque peu leur musique, tels que les jeux de lumières. Ainsi, après avoir partagé l’affiche avec les Californiens expatriés, Pink Floyd et The Move, en bons observateurs, s’inspirent de la prestation de The Misunderstood et mettent au point un spectacle qui leur sera propre, par la suite. Cette période, la fin de l’automne 1966, constitue l’apogée du groupe : les prestations scéniques sont encensées et chaque groupe ayant eu le privilège de côtoyer les cinq se révèlera impressionnée.
Les titres enregistrés sont novateurs et anticipent de plusieurs mois la musique freak ou psyché-rock, en proposant des thèmes inédits en guise de paroles. Cependant, la plupart des activités du groupe se concentre autour de Londres et le reste du Royaume-Uni ne semble que très faiblement concerné par cette révolution, ce qui explique que le single I Can Take You To The Sun n’ait pas bouleversé les charts britanniques.
Le single n’était pas un hit, malgré l’excitation de Fontana et l’excellente promotion suscitée par l’épisode de la ‘pomme’ durant la conférence de presse de lancement. En fait, ce qui faisait défaut au groupe, c’était la possibilité de se produire régulièrement sur scène, faute de permis de travail. Que ce soient les autorités britanniques ou états-uniennes, aucunes ne facilitaient la tâche des Californiens.
The Misunderstood se retrouvent à l’orée de se frayer une place importante sur la scène britannique mais les nombreux avis de conscription que Rick reçoit des États-Unis le rattrapent finalement à Londres. Il faut savoir que les autorités ne plaisantaient pas avec cet enrôlement-ci et que tout refus de se présenter auprès des autorités était passible de sanctions sévères car considérées comme de la désertion. Carl Wilson de The Beach Boys découvrira le même acharnement mais refusera toujours toutes convocations.
En plaçant sa confiance en son management - après s’être débarrassé d’un manager douteux - et les avocats de la maison de disque, Brown suit leurs conseils et retourne en Californie pour affronter la draft, avec l’espoir de se faire exempter de service militaire et revenir rapidement en Angleterre. Dans le même temps et en tenant compte de la législation particulière en matière de travail, il est également prévu que ses trois autres compères de Riverside passe un certain temps hors du Royaume, sur le continent, pour éviter toute expulsion pour cause de permis de travail et de visas. Sans le savoir, la fin du groupe venait de se produire. Brown est malheureusement directement envoyé dans un camp où il subit un endoctrinement cauchemardesque à l’armée états-unienne. Absorbant du LSD, il réalise toutefois que l’armée est en train de le transformer en une machine de guerre et il résiste à chaque embûches, en dépit de violentes répercussions de la part de ses propres parents et des autres recrues.
À la veille d’embarquer pour le Viêt-Nam, Rick s’enfuit de son camp du Tennessee et devient un fugitif, vivant caché en permanence, sans argent, sans pays, sans liberté ou identité. Il trouve refuge un temps à San Francisco, pendant le Summer Of Love, et vit dans le célèbre quartier de Haight Ashbury où il rencontre un vieil Indien, Swami Bhaktivedanta, qui l’initie à sa religion orientale et lui conseille de se rendre en Inde.
Recherché par le FBI, le chanteur quitte San Francisco pour l’Angleterre où il est hébergé un moment par Jeff Beck avant que les autorités de Washington ne découvrent son repaire. Quant à Campbell, Moe et Whiting, après avoir passé trois jours sur un ferry - à la suite de concerts en France qui n’ont jamais eu lieu - et quatre entre Douvres et Calais, ils sont autorisés à fouler de nouveau le sol anglais avant d’apprendre que leurs permis de travail n’étaient pas prolongés et qu’ils se voyaient contraints à l’expulsion du territoire britannique. Sans argent, ils ont été contraint de voler la nourriture des autres passagers ! Aucuns des managers n’a donné de signes de vie...
Finalement, Jeff Beck rachète le matériel du groupe, ce qui permet aux Californiens de payer leur billet d’avion et d’éviter toute expulsion musclée !
À la fin de l’année 1966, c’en était donc terminé de cette aventure commune qui avait vue les natifs de Riverside, après des débuts difficiles devenir l’attraction de la fin de l’été 1966 dans le tout Londres, inspirant une flopée d’artistes tels Pink Floyd ou Jimi Hendrix qui faisait son apparition à l’époque. La magie n’aura duré que très peu de temps, quelques semaines seulement mais suffisamment longtemps pour rester dans les mémoires.
Coïncidence ou non, à la même époque, Ravenscroft, le mentor anglais qui était resté en Californie, rentre finalement au pays et change son nom en John Peel, patronyme avec lequel il fera les grandes heures de la radio et de la télévision en terme de promotion de la musique et de sa vulgarisation. Toute sa vie, il ne cessera de vanter les qualités de The Misunderstood et de rappeler la première fois qu’il les a vu sur scène : en septembre 2004, pour Rolling Stone, il déclare à propos du groupe qu’ils étaient « les Yardbirds américains », lors d’une interview effectuée en 2003, il insiste : « Si je devais retenir les dix plus grandes prestations que j’ai vues de toute ma vie, l’une serait The Misunderstood au Pandora’s Box d’Hollywood en 1966. Mon dieu, quel superbe groupe c’était ! ». John Peel est ainsi considéré comme le découvreur de The Misunderstood, celui sans qui les cinq seraient sûrement restés dans leur anonymat.
Quant au bassiste Steve Whiting et au batteur Rick Moe, ils sont retournés à Riverside où ils ont cessé toute activité musicale pour mener une existence relativement normale.
Campbell, après son retour en Californie, est abattu et tente de se changer les idées en joignant une formation locale, The Dirty Blues Band, et dut même faire la plonge dans des restaurants pendant un moment... En 1969, il retourne en Angleterre pour tenter de ranimer la flamme The Misunderstood, groupe dont il a contribué à sa singularité de par son jeu de guitare, mais sans réel succès. Bien qu’il ne souhaitait pas utiliser le nom du groupe de nouveau, Fontana le presse de capitaliser sur ce nom. D’ailleurs, en février 1969, la maison de disque publie en single un morceau enregistré durant les sessions de 1966, Children Of The Sun, qui est peut-être la meilleure preuve de ce qu’était réellement la musique du groupe.
Campbell enrôle des musiciens de la scène underground, dont le fameux David O’List (The Nice, futur Roxy Music), que l’on retrouvera par la suite avec Van Der Graaf Generator. Après deux singles passés inaperçus, Tuff Enough et Never Had A Girl (Like You Before), parus chez Fontana, le groupe change de nom et se transforme en Juicy Lucy, avec lesquels il rencontrera un peu plus de succès dans les charts avec une version de Who Do You Love ?. À partir de 1976, il retourne dans l’anonymat, en Californie et, déçu du business, devient jardinier et joue de temps en temps avec des orchestres de country et de blues.
Tony Hill a poursuivi une carrière avec un groupe particulièrement intéressant, High Tide, avec lequel il a sorti deux albums au début des années 1970. Ce que peu de gens savent, c’est qu’il a, pendant un temps, travaillé avec David Bowie sur son projet de mélange de mime et de musique. En août 1968, Bowie et sa compagne d’alors, Hermione Farthingale, déménagent et prennent une location à Clareville Grove, au sud de Kensington, où ils y vivront jusqu’à leur séparation à la fin 1969. Ce sont d’ailleurs ces « 100 jours » qui seront déplorés plus tard sur le morceau An Occasional Dream, figurant sur l’album du caméléon, Space Oddity. La nouvelle entreprise de Bowie, qu’il baptise Turquoise, combine ses balbutiements avec le bouddhisme, le mime et la musique acoustique folk américaine, popularisée par le mouvement hippie, que lui ont fait découvrire Tony Visconti et Hermione. Bowie et Farthingale s’adjoignent les services de Tony Hill en septembre pour concrétiser leurs compositions. Des compositions comme Ching-A-Ling côtoient des reprises de Jacques Brel. Le premier concert de Turquoise dura 30 minutes et s’est tenu au Roundhouse de Londres mais peu de temps après, Tony Hill quitta les amants pour former High Tide. Il sera remplacé par John Hutchinson, une connaissance de Bowie, et le groupe changea de nom en Feathers.
Rick Brown, à la séparation du groupe, poursuit son existence de fugitif. Il était déjà végétarien et pacifiste mais cet acharnement des autorités à propos de la guerre du Viêt-Nam le conforte dans ses intentions. Son objectif est de rejoindre l’Inde, là où il pourra s’immerger pleinement dans les religions orientales, trouver un sanctuaire et la paix avec le maître Srila Bhakti Vedanta Swami Praphupada, que lui avait conseillé une connaissance qui l’avait hébergé à San Francisco. Il se retrouve donc, sous de fausses identités, au nord de l’Inde, dans un ancien ashram où il devient moine, sous le nom de Hrisi (littéralement, ‘le saint’), pendant sept années.
Lui le chevelu a désormais le crâne rasé et suit une discipline religieuse stricte. Il se retrouve en possession de la paix spirituelle qui lui manquait jusqu’alors, étudie le sanskrit et la méditation. Il rejoint finalement la secte hindoue de Vaishnava. En 1974, après une violente dispute avec un vieux moine, il quitte son ashram et se rend au sud de l’Inde où il rejoint un ami qui a découvert une mine de rubis ! Brown se découvre une passion pour les pierres précieuses, abandonnant progressivement son récent passé de moine.
En 1979, après douze années passées en Asie, il retourne aux États-Unis lorsqu’il apprend que le nouveau président Jimmy Carter a prononcé une amnistie envers tous les objecteurs de conscience de la guerre du Viêt-Nam, ainsi que les déserteurs. Son exil s’achève enfin !
En 1981, il retourne pour un temps dans des activités musicales avec la reformation de The Misunderstood avant de tout cesser en 1986. Cette reformation - avec seulement trois membres originels Brown, Campbell et le bassiste Steve Whiting - comporte également son lot de péripéties : revenu de nombreuses années d’ascèse, Brown ressent une envie de remonter sur les scènes, de ressentir le succès et la gloire, bref, de connaître enfin la réussite qui leur était promise, à lui et ses amis de The Misunderstood. Cette même année, le label britannique Cherry Red ressort un EP des enregistrements du groupe pour Fontana, intitulé Before The Dream Faded, et le moment apparaissait donc propice pour reformer le combo. D’ailleurs un single inédit est enfin publié, 15 ans après son enregistrement, My Mind. Ce morceau enregistré par Campbell sous forme de démo après des sessions au IBC Sound de Londres trouve finalement une diffusion officielle ! Seulement, il fallait convaincre Glenn Campbell... Ce dernier se souvient : « J’ai toujours eu dans l’idée que ça ne marche jamais d’essayer de refaire les choses ».
Rick ajoute : « Pour nos premières retrouvailles, Glenn avait fait cent bornes avec sa moto. Dès qu’on s’est revu, le désir de refaire de la musique tous les deux est apparu de nouveau ». Brown était tant convaincu de la réussite du projet que le guitariste accepta la proposition. Ils ont immédiatement pensé au bassiste Whiting qui vivait à Riverside à l’époque. Ce dernier n’avait plus joué de basse depuis la séparation du groupe, en 1967. Campbell raconte : « Il jouait de la guitare, il était assez bon mais ce que l’on voulait vraiment de lui, ce qu’il joue de la basse parce que bien qu’il soit guitariste, il n’était pas si extraordinaire que cela. Là où réside son génie - bien qu’il n’aime pas ça - c’est à la basse. Personne ne joue de la basse comme lui ». Cependant, c’est en tant que guitariste rythmique que Whiting accepte de reformer le groupe. Il ne reste plus qu’à recruter d’autres musiciens. Campbell précise tout de suite : « Un nombre important de musiciens ont fait partie du groupe ».
C’est affublé de musiciens locaux à la basse et à la batterie que The Misunderstood entrent en studio au début de l’automne 1981 pour enregistrer six démos. Parmi les titres, on retrouve des classiques de leur répertoire, Children Of The Sun et I Unseen. Ce qui peut passer pour une hérésie, tels que l’auront formulé les puristes, s’explique en fait, selon le chanteur Brown, comme « une base pour commencer de nouveau ». Le concept de la nouvelle formation est clair : Brown amène sa musique classique indienne, ce qui se traduit par des mélodies, des bribes de conversations aussi et qui se présente sous la forme de ragas. La plupart de ses compositions ne contiennent pas d’accords, ce qui pose problème pour en faire des morceaux populaires. C’est là que le travail de Campbell intervient et on ne peut qu’apprécier le résultat, à un moment où cette formule, popularisée par George Harrison et The Beatles puis reprise par Kula Shaker 15 ans plus tard, ne faisait plus du tout recette et était totalement oubliée. On retrouve ces sessions sur un disque paru chez Cherry Red Record en 1998, intitulé Broken Road, ainsi que des nouveaux morceaux. Si le traitement des démos sonne parfois comme des clichés du heavy metal, ce disque a le mérite de proposer un aspect des compositions du groupe à cette époque-là.
La seconde étape consiste à se produire sur scène. Mais cette décision déplut à Whiting qui quitta pour de bon la troupe. C’est ainsi qu’une vague de personnel intervint dans le groupe. En 1982, lors d’un voyage en Angleterre, Rick Brown découvre des stades pleins lorsque se produisent des formations comme Van Halen, Saxon et Queen. Il imagine alors de capitaliser le reste de succès du groupe au Royaume-Uni mais il se heurte aux changements intervenus dans l’industrie discographique à ce moment-là, c’est à dire que ces dernières sont extrêmement peu enclines à prendre tant de risques.
Une solution est trouvée : le groupe va changer de nom et choisit celui de Influence. Les Californiens entrent en studio pour graver des morceaux de leur nouveau style. On est malheureusement loin des racines musicales du groupe à l’origine. Les morceaux tels que Smile On Me flirtent avec les passages radio et on ressent cruellement l’absence de musiciens comme Tony Hill. No Survivors paraît en single le 15 juillet 1983 chez Rough Trade et est d’une plutôt bonne facture. Les paroles parlent d’un sujet cher au groupe, la guerre et le péril nucléaire.
Peu de temps après, le bassiste est renvoyé pour cause d’alcoolisme. Ce changement de personnel commence à indisposer Campbell : Ça n’avait plus la camaraderie de la formation originale, on était une famille... La scène a changé, il y a tant de mercenaires, les clubs de Los Angeles en sont remplis. Cependant, en 1984 et 1985, avec le recrutement de la section rythmique de Tommy Gun, Influence connaît une période de stabilité qui lui permet de tourner dans des endroits comme le Whiskey A Go Go, Madam Wong’s West ou Ashgrove. Ne disposant pas suffisamment de morceaux, Influence se lance parfois dans des versions de Fire d’Hendrix ou de reprises de ZZ Top.
Finalement, Campbell quitte le groupe en 1986, se sentant mal à l’aise avec son rôle de rock star jouant devant des adolescentes de 14 ans. Il prévient son compère Brown et scèle définitivement le chapitre The Misunderstood. Campbell se retire en Nouvelle-Zélande l’année suivante où il officie dans des projet blues, gospel et country. Brown a lui aussi cessé ses activités et est retourné en Extrême-Orient où il travaille en tant que designer et spécialiste des pierres précieuses. Ses ouvrages qu’il paraît de temps en temps sont de réels modèles dans leur genre et ont reçu de nombreux prix dans la catégorie new age.
Quant au groupe, depuis la disparition de John Peel, il est redécouvert et fait de nouveau l’objet d’une frénésie, particulièrement Outre-Manche. Une compilation regroupant les sessions de studios au Gold Star est sortie en 1997, couplée à un disque comprenant des enregistrements de la seconde version du groupe - celle avec Glen Campbell en leader - sous le titre The Legendary Goldstar Album Plus Golden Glass. Le groupe est également présent à travers des coffrets compilant des morceaux freakbeats, est matière à de nombreuses biographies et fait même actuellement l’objet d’un long métrage pour le cinéma. Il faut dire qu’avec une carrière constituée de tant de rebondissements, The Misunderstood présente le profil idéal. Pas mal pour un groupe qui n’a sorti que quatre singles...
En fait, c’est le guitariste Campbell qui résume le mieux l’affaire : « Ce n’était pas qu’on ne s’est pas fait remarqué quand on était dans le milieu, c’est juste que personne ne savait que l’on existait ! Les gens qui nous ont écouté ne pouvaient pas nous ignorer. On était si différent ».
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