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par Oh ! Deborah le 26 juillet 2011
paru en 1976 (Beserkley / Warner Bros.)
Si on peut qualifier The Modern Lovers de ’rock classique’ (couplet/refrain/solo de clavier ou guitare), il atteint également un certain niveau de songwriting. Lorsque les accroches sont pour toujours immédiates, la rythmique aussi lancinante qu’évidente et lorsque la quasi-perfection mélodique fait vibrer l’auditeur. Dès Roadrunner, bientôt reprise par les Sex Pistols, on est accro. La grande classe new-yorkaise.
Jonathan Richman, rappelons-le, est âgé de quinze ans lorsqu’il part pour New York, joue dans la rue, et participe à une centaine de concerts du Velvet. Il avait alors avant tout le monde capté qu’il se tramait un truc aussi louche qu’inédit. Il aurait même été le spectateur ultime du groupe jusqu’à ses enregistrements en studio et ses tréfonds héroïnés. Jonathan va alors retourner à Boston (sa ville natale) et enregistrer avec les Modern Lovers (Jerry Harrison, Ernie Brooks et David Robinson) ses espèces de comptines produites par John Cale et transformées en douze morceaux de rock’n’roll, de pop acidulée, simple mais irrésistible. Le disque sort en 1976, mais il est mijoté depuis cinq ans, pour finir seul. Dans la rupture définitive de ses créateurs et dans un succès limité mais un culte immédiat. Jonathan continuera en ne gardant que le nom du groupe.
Sans aller jusqu’au son parfois salingue et autres expérimentations psychées du Velvet, Jonathan en retiendra ici l’essence, la composition, l’efficacité et dans une certaine mesure les guitares rêches voire noisy. Comme les parties de saturation bien dosée de She Cracked, avec un orgue très caractéristique de son époque, tenu par un futur Talking Heads. Il y a ces lignes nappant les solos de guitare rachitiques, ces harmonies qui surgissent et offrent autant d’énergie que de couleur. Celles qui encensent et rendent cette écriture, pourtant intemporelle, quelque peu anachronique et intimiste. Comme si l’universalité du songwriting ne suffisait pas, il faut que Jonathan nous parle de lose amoureuse. Parce qu’il est du genre romantico-moderne, songwriter de ballades écorchées par un humour naïf, une légèreté adolescente, un maniérisme urbain.
Quand il chante, il dilue tous ses sentiments dans une espèce de nonchalance marquée par un défaut de justesse. Ce qu’il veut faire, c’est déguiser sa juvénilité sans vraiment y échapper, écrire des discours tranchés tout en cherchant son identité, et faire son cramé. Avec pour modèle, Lou Reed. Son chant reprend le chanté-parlé de ce dernier tout en restant incontrôlé, parce que plein d’une passion, d’une jeunesse éclopée. En fait Jonathan ne sait pas encore tout à fait chanter. Et il est déjà beau, voire plus. Alors quand on l’entend sur Hospital, on prend tout. Parce qu’il donne tout en une complainte bancale et impudique. Un slow qui fait miroiter, cinq minutes d’un air ressassé et inlassable. Une love-song où Jonathan erre sur les traces de sa petite amie. Ses mots, comme toujours, sont directs et très significatifs. Tout comme dans Someone I Care About, où il fait triompher la sincérité et décrit l’exactitude de sa vision avec simplicité :
Well I don’t want just a girl to fool around withWell I don’t want just a girl to ball alrightWhat I want is a girl that I care aboutOr I want nothing at all.Well I won’t pretend I like a girl if I really don’tAnd act like she’s great when she makes me feel appalledAll I want is a girl that I care aboutOr I want nothing at all.Well I don’t want some cocaine sniffing triumph in the barWell I don’t want a triumph in the carI don’t want to make a rich girl crawlWhat I want is a girl that I care aboutOr I want no one at all
Jonathan Richman est un être paradoxal : Attiré et rebuté par NYC. Moderne et passéiste. Mélancolique et émerveillé (des oppositions qui seront d’autant plus marquante durant sa carrière solo).
Nostalgique des 50’s, du monde d’hier et de ses coutumes (Old World) :
Well the old world may be deadOur parents can’t understandBut I still have parentsAnd I still love the old worldOh, I had a New York girlfriendAnd she couldn’t understand how I couldStill have parents and still love the old worldSo I told her :I want to keep my place in the old worldKeep my place in the arcane knowledge(...)But I still love the ’50’sAnd I still love the old world
Ensuite, il affirme ne pas aimer les drogués mais on est sûr que son entourage voire lui-même l’étaient. En réalité, il n’aime simplement pas le fait que ce soit une mode. C’est le vindicatif I’m Straight (titre indispensable et bonus de plusieurs rééditions), répété en chœurs, où il déclame la différence qu’il entretient avec les hippies. Quoi qu’il dise, son album est le genre qu’il faut se mettre le soir très tard quand la tension redescend, que l’ambiance est tamisée et les cerveaux asphyxiés, suivi, par exemple, d’un bon album des Doors. Ou dans les rues d’une grande ville américaine, pour sublimer le réel.
Écrivant aussi des textes sur les amertumes du quotidien, il garde avec ça une fraîcheur innée, une innocence qu’il considère comme éclairée, tandis que bientôt, il deviendra davantage conteur que rockeur. Celui qui avoue avec fierté sa "normalité" (I’m Straight, Someone I Care About,...) concentre en lui plusieurs facettes étonnantes, et chante pour des marginaux et les handicapés qu’il rencontrera lors de ses prestations live en HP.
Un album dont on dit qu’il est l’élément déclencheur de la scène punk new-yorkaise. Pour sûr, il fait partie de ceux qui sont indispensables parce qu’il est rempli d’hymnes imparables et chanté par un personnage inhabituel.
Article initialement paru le 12 juin 2007.
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