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par Aurélien Noyer le 8 juillet 2008
Paru le 5 mai 2008 (auto-produit, disponible sur le site de Nine Inch Nails : http://theslip.nin.com)
C’est officiel, Trent Reznor a retrouvé la forme. Pour le frontman, leader et seul membre permanent de Nine Inch Nails, une époque est manifestement révolue. Lui qui avait laissé s’écouler cinq ans entre The Downward Spiral et The Fragile, puis encore six ans entre cet album et With Teeth avait déjà surpris ses fans en assurant avec Year Zero un follow-up en à peine deux ans. Alors imaginez-vous donc : moins d’un an plus tard, sort Ghosts I-IV, trente-six pistes instrumentales d’ambient-indus, suivi en moins de deux mois par un nouvel album intitulé The Slip, et c’est sans compter la production de l’album The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust ! de Saul Williams, slammeur américain bien loin des niaiseries de Grand Corps Malade. Les années auto-destructrices sont bien loin...
Mais le retour de l’inspiration n’explique pas à lui seul cette profusion musicale (au total soixante-quatre chansons publiées en à peine plus d’un an), car ce serait oublier un évènement important de la carrière de Reznor, à savoir sa décision de se passer des services d’une major pour produire et distribuer sa musique. Les prémisses de ce choix étaient déjà perceptibles lors de la sortie de Year Zero, Reznor ne se lassant pas de critiquer vertement l’industrie musicale. Après la sortie de Year Zero, il se retrouve sans label et Ghosts I-IV va donc sortir sans l’appui d’une major et être distribué exclusivement sur le Net : sur le site de Nine Inch Nails, on pouvait récupérer soit l’album en entier au format numérique pour 5 dollars, soit commander la version double CD, la version quadruple vinyle, l’édition Deluxe, ou l’édition Ultra-Deluxe. L’autre alternative était de télécharger directement l’album par P2P, Reznor ayant choisi de distribuer sa musique sous licence Creative Commons permettant à quiconque de la partager.
Et visiblement, l’expérience s’est révélée positive, puisque The Slip sortira par le même biais deux mois plus tard, à la différence que celui-ci est totalement gratuit. Là où un label aurait rechigné à sortir deux albums en si peu de temps, Trent Reznor se fait plaisir et offre un cadeau à ses fans : à peine terminé, l’album est mis en ligne. On appréciera le geste...
Mais ça n’en dit pas plus sur la qualité musicale du cadeau. Les dents qui annonçaient il y a trois ans déjà le retour de Nine Inch Nails ne se seraient-elles pas émoussées ? Il est aisé de constater que The Slip est loin d’être une révolution dans la discographie de Nine Inch Nails et que la plupart des chansons font clairement écho au style des albums précédents. On retrouvera ainsi la noirceur auto-destructrice de The Downward Spiral, l’électronique indus de Year Zero ou les paysages dépressifs de The Fragile.
Pourtant, The Slip ne sonne pas comme une redondance inutile de la musique de Nine Inch Nails, ne serait-ce que par sa texture particulière. Depuis The Downward Spiral, on savait que la texture sonore des albums était une préoccupation constante de Trent Reznor et The Slip ne fait que confirmer cela. Avec ses saturations étouffées et ses beats mécaniques, l’album ressemble à un melting-pot de songwriting, unifié par une production cohérente malgré les différences de styles des titres. Et si les riffs sont bien moins agressifs que ceux de The Downward Spiral voire ceux de Year Zero, Disciple et Letting You rappellent aux étourdis que Nine Inch Nails est loin d’être un concept bisounours à la Marilyn Manson. Et même les éthérés Lights In The Sky et Corona Radiata recèlent leur dose de morbidité malsaine. Quant à 1,000,000, elle rappelle que Trent Reznor a collaboré avec Josh Homme sur une chanson lors des sessions de l’album Era Vulgaris et n’aurait sans doute pas détoné sur l’album des Queens Of The Stone Age. Entre cette dernière, Echoplex (et son riff de basse rampante) et un Demon Seed presque groovy, The Slip contient indubitablement son quota de titres redoutablement efficaces.
Ainsi, si The Slip est très loin d’être l’album de l’année, si les conditions de son enregistrement expliquent peut-être ce manque d’originalité (le disque a été écrit, enregistré et mixé en moins de deux mois), il faut admettre que tant dans la démarche que dans la musique, The Slip est un joli cadeau de Trent Reznor à ses fans.
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