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mercredi 15 avril 2015
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par Nils le 6 mars 2007
paru le 6 mars 2007 (Virgin)
En 1970, il existait un groupe appelé The Stooges, formé d’Iggy Pop au chant, Ron Asheton à la guitare, Dave Alexander à la basse, Scott Asheton à la batterie et un certain Steve MacKay au saxophone. Trente quatre ans plus tard et trois albums à leur actif, un renversement de la donne rock’n’roll et pas mal d’expérience prise, ils sont revenus. Non, ce n’est ni l’Iguane en solo, ni Iggy Pop and The Stooges. C’est The Stooges. Point. Et évidemment, cela en dit déjà long. L’épopée de Londres 1972 semble effacée, une page s’est tournée, James Williamson est oublié. On reprend tout à zéro ou presque, Mike Watt étant apparu à la basse (Dave Alexander de la formation originale ayant laissé sa place depuis un moment pour décès, on lui pardonne). Alors, autant dire qu’effectivement, on aborde l’album avec intérêt en pensant que son nom lui va tout de suite très bien. C’est flippant, le gang de Detroit est toujours là, rien n’y aura fait, même si les fixes, les rixes, les vêtements SS des Asheton, l’erreur Bowie à la production ou l’inspiration Burroughs semblent avoir disparu, l’ouvreur des seventies est toujours sur pied et nous démontre à chaque concert que rien ne l’achèvera, ni lui, ni son groupe. Encore moins en studio.
Donc, avec un sentiment plus qu’étrange, l’album se glisse et l’on demeure sceptique et réticent, apeuré et inquiet. Que réserve le gang de l’Iguane ? Une attaque soudaine car après tout, depuis quelques concerts, il répétait que "son idée du fun est de tuer tout le monde" ou un passage immédiat au troisième âge musicale avec un rock de papy sur la route à la Supergrass ?
Hé les gars ! On parle des Stooges, là ! Fun House, Raw Power, le proto-punk, le chaos total, la destruction d’hôtel, la recherche permanente de veines, les combats dans la fosse, le verre brisé sur scène, l’arrêt de drogue et de sexe pendant l’enregistrement de Raw Power en 1972. Chercheur d’un virage calme Lou Reedien ou Bowien, passez votre chemin et rendez-vous en juin prochain pour écouter Berlin. Ce qui ne vous empêchera bien sûr pas de prendre votre pied sur le quatrième opus des Stooges car vous êtes ouvert, pas grincheux, et qu’après tout, les survivants des 70’s vous les aimez bien, même si ce n’est plus Loaded, Aladdin Sane ou Fun House. Il faut juste savoir s’y prendre.
Car oui, après une écoute, le sentiment de mal à l’aise fait son retour. On ne sait pas trop, on le remet une deuxième fois pour être sûr et là où tous les orgueilleux et plaignants habituels auront déjà déversé un paquet de syllabes pour s’attaquer à l’œuvre et la descendre sans trop de fondement hormis une nostalgie endormie depuis vingt ans, moi je me fous dans un état plus proche de la descente à la Chinese Rock (Dolls ou Heartbreakers, qu’importe) que de la joviale Dancing In The Street de Martha Reeves & The Vandellas et je suis la méthode du bon vieux Lou : (oui en fin de compte, qui est mieux placé que lui, un tantinet jaloux de la déferlante de Detroit à l’époque, l’ex-Velvet étant passé au solo bien avant et se chiant dessus sous humeur de speed alors qu’Iggy en est encore à trouver des veines libres pour l’héro, qui est mieux placer que lui pour nous expliquer comment écouter la musique, et dans ce cas précis le nouveau Stooges) « La musique, c’est jamais assez fort. Faudrait se coller la tête sur une baffle. Plus fort, plus fort, plus fort. Vas-y. Franckie, monte le son, oh, oh. Oh, vas-y, vas-y ». Je me suis donc lancé, dans un état pas partageable, au casque à fond, sur mes JBL Northridge E80 avec le HK970 poussé vers le maximum, répétant l’action pendant à peu près vingt-quatre heures.
Le résultat, un putain d’album. Rien à foutre. Merde, c’est quoi ça ? Tout y est, l’Iggy sexy, les drums inimitables du papy Asheton dont le style n’aura jamais franchement évolué mais on s’en contentera. La durée pure Stoogienne, entre trente-quatre et trente-six minutes pour les trois premiers opus, vous voilà servis de quarante minutes pures, traitant d’amitié, de putes, d’argent et de liberté, de religion, races et nuages. Ce n’est cependant pas un son du 21ème siècle, mais ce n’est pas trop vintage non plus. C’est exactement ce qu’ils auraient du sortir une petite décennie après Raw Power, c’est du Stooges avec dix ans de plus, tout en ressentant nettement la griffe d’Iggy en solo. Ne vous y fiez pas, ce n’est qu’aux premiers abords que l’album est moins prenant qu’un Fun House, car avant Iggy vous criait dans le tympan "No Wall / No Wall / No Wall" ou accessoirement "Raw power is a guaranteed o.d. / Raw power is laughin at you and me" Là, il nous apostrophe juste. Avant, Iggy c’était « fuck you, mother fucker » maintenant c’est un mec qui veut être ton pote. Mais ça reste Iggy qui peut descendre à n’importe quel moment dans la fosse provoquer une bande de motards/hétéros en déroute comme en 1974, tu comprends ?
Mon état redescend, je redeviens plus stable, Iggy parle calmement sur Passing Cloud comme sur Candy (avec Kate Pierson) mais à la différence que là, il y a un coup de génie Stoogien sur une idée d’Iggy, sûrement grâce à une double partie de guitare maintenant le niveau de Steve MacKay qui apporte une superbe et légère touche free-jazz avec son saxophone. Je saute I’m Fried et je remet tout au début plus calmement. Je troque le mur de son contre un enfermement méthodique au casque. C’est plus clinquant et moins glaçant. On serait donc entre cinq et dix ans après Raw Power, fini l’écriture de la pochette en série Z, on passe à un court-jus direct dans la police de caractères. Même si ce n’est ni ceux de Down On The Street ou Fun House, on garde les petits gémissements d’Iggy sur l’ouverture, Trollin’, et on plaque un riff et mini solo au refrain impeccable, pas mieux pour une ouverture. Mike Watts s’échauffe doucement à la basse et on enchaîne, You Can’t Have Friends, soit le morceau parfait pour mesurer l’alchimie du millénaire entre les Three Stooges et le Jim O. Un son propre, court, avec basse rapide, batterie sans grande prétention et mélodie grinçante mais efficace. Du Stooges. Iggy, lui, est passé de « now i wanna be your dog / come on” à “I wanna be your friends / to the better, and”. Pourquoi pas, le résultat n’est pas sans appel, de toute évidence, elle ne sera pas présente en live, contrairement aux deux chansons suivantes, ATM (Automatic Teller Machines, soit un distributeur de billets) et Idea Of Fun qui sont quasiment reliées. Pas le temps de souffler je vous dis, même sanction pour les deux, gros riffs et basse rapide avec un bon réveil de Scotty Asheton. Puis, on souffle, l’album est enregistré en quasi-live, on suit la cadence sur le même ton que les papys mais c’est pas si facile.
The Weirdness, feu orange, elle est placé là, comme pour prendre son temps, comme Dirt était là pour freiner la cadence de Fun House ou Gimme Danger et I Need Somebody pour Raw Power, mais avec la voix du Iggy Crooner sous qualudes, tu saisis ? Alors, ça dure et ça se finit comme avant, Iggy dans un état proche du coma se laisse bercer et supporter par le bon vieux pote MacKay. Alors, on repasse sous les trois minutes pour deux titres explosifs, Free and Freaky, clairement trop produit pour être stoogien mais comme pour Greedy Awful People qui la suit, une très riche et rapide basse, clair, net, Watt pour vous servir. Quand mes JBL ont commencé à laisser Detroit envahir ma pièce je sentais comme un malentendu entre mon oreille et le mixage batterie. Que nenni, preuve en est She Took My Money où le père Asheton semble se faire plaisir, on l’espère comme pour les deux précédentes, avec une prestation live pour cet été. Iggy pousse la voix, chante (The End of Christianity), et va même jusqu’à tenter une sorte d’expérimentation réussie de rap sur l’ensemble de Mexican Guy accompagné par un jeu tout de suite plus calme des Stooges. Ça sent la fin, déjà, on se laisse bercer par l’intro au saxophone de Passing Cloud, quatre minutes, on déambule calmement, éclectique et assagi le Iggy, ça serait sans compter une des dernières surprise de l’Iguane, I’m Fried, qui est clairement la plus Stoogienne de l’album. Comment ne pas penser à du Stooges dans l’ouragan de rythmique qui supporte un Ron décidément en grande forme à l’image des concerts passés ? À la moitié du titre, c’est purement aux sources qu’ils reviennent, le bordel, inaudible diront certains, du pur L.A Blues.
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