Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Psymanu le 3 mars 2008
paru en janvier 2008 (Domino)
Sons & Daughters. Pour l’auteur de ces quelques lignes, ce groupe était de ces plaisirs un peu coupables (jamais pu convertir qui que ce soit à leur musique , mélange d’un peu trop de choses non mélangeables pour être totalement honnête), que le soucis d’être en accord avec soi-même, d’assumer, puis de retomber sur ses pattes à coup d’auto persuasion poussait à monter au pinacle de ces artistes un peu en marge, excellents mais auxquels la masse, ces enclumes aux oreilles cra-cra (forcément), n’entendraient jamais rien. C’était devenu ce truc entre moi et moi, on se comprenait. et c’est peu dire qu’on l’attendait, ce nouvel opus. This Gift, donc, ce don de mes chéris à moi seul qui les comprenais.
A fréquenter l’infréquentable ("qu", n’est-ce pas), on finit par défendre l’indéfendable. Non, c’est pas tout à fait de moi. Mais y a de ça, et je ne m’y risquerai pas. Déçu, déçu, tellement... Un jour, vous servez un verre de votre meilleur Bordeaux à quelque connaissance amie, et le rustre soudain se saisit de la carafe pour le couper à l’eau. Moit-moit. Vous le réinvitez ? Pas sûr. Un truc extra coupé à l’eau, c’est un peu l’effet que ça fait, l’écoute de This Gift, pour ceux qui battent encore chaque mesure de The Repulsion Box en bossant à autre chose.
Du syndrome Gwen Stefani chez les groupes de rock. Avant, les Sons, c’était ça : au milieu d’un sublime bordel country redneck pop rock (oui, tout ça) s’hystérisait Adele Bethel, un diamant brut au mille éclats, cheveux dans les yeux et gouttes de sueur. Et l’ensemble de sombrer dans le piège habituel, d’oublier que les chevaux sauvages, c’est beau seulement en liberté, en pleine nature non maîtrisée. On sent bien ce qu’ils ont voulu faire, ici, hélas : tisser un écrin parfait, à l’illusion de fraîcheur, léché et mignon, autour de leur belle braillarde, projecteurs dans les yeux et paillettes entre les seins. Elle, finalement, se dit même qu’en minaudant un peu, et en posant mieux sa voix, le tout passera encore mieux en radio. Blerk. Au fait, rappelez-moi le directeur ? Bernard Buttler. De Suede ! Ce vieux cauchemars de manières et gémissements gloussés sur guitares moches et saturées que j’espérais mort et enterré. Un échantillon de cette infamie (j’en fais peut-être un peu trop mais c’est pour qu’on comprenne bien que je suis déçu) s’est incrusté entre les sillons de mes chouchous à moi. Parfois, on a comme envie de tourner le gaz, comme envie de se faire sauter les plombs. Non, ça non plus c’est pas de moi. Production sucrette acidulée, garantie sans pulpe ni vrai fruit ajouté. On ne parvient même pas à esquisser le traditionnel sourire gêné : c’est le flagrant délit de racolage sur chaque plage de This Gift, ce cadeau empoisonné, on a envie de huer et de partir, simplement.
Ce qu’il faut retenir de ce disque, ce sont douze titres, au tempo plutôt enlevé, heureusement, comme son prédécesseur, des Ouh wo
ouh wo", comme sur son prédécesseur. En, mis à part quelques sonorités clairement psychédéliques histoire de faire 60’s, bien des choses sonnent comme The Repulsion Box. Il y demeure d’ailleurs le même défaut majeur : cette sensation que les morceaux sont autant de débuts de bonnes idées laissées en l’état, celui d’ébauches énervées, toutes un peu les mêmes d’ailleurs, à une ou deux expériences près. Sauf que sur The Repulsion Box (qui, au passage portait aussi mal son nom que ce This Gift), le côté crado et furieux donnait une cohérence, une légitimité à cet état de fait : chevaux sauvages inexploités, vierges des sciences de dressage de l’homme. Sur This Gift, la qualité de la production (il faut l’admettre, c’est propre, quoi que malvenu), la beauté clinquante du son met à nu la cruelle vérité : les Sons & Daughters n’ont pas de véritables chansons à leur répertoire. Et, pire, ils n’ont ici même plus le coup de pied assez puissant pour envoyer vers les cieux et vers les tripes leurs petites œuvrettes rockignoles. Les voilà à poil, mais incapables de dévoiler la proverbiale "beauté intérieure" qu’on pensait voir percer au travers d’eux-même et des ratures de leurs cahiers brouillons, avant.
La suite ? Bof, j’imagine que l’ensemble sortira encore un disque coquet avec peut-être même un tube langoureux et paresseux plein de sentiments dedans. Puis que la miss Bethel s’évadera, oh, juste un instant, promis, histoire de se donner un peu d’air, le temps en fait d’un album solo produit par "la crême de la crême" (en français dans le texte) de la musique qui marche, RN’B ou autre, qu’y aura même un ou deux duos avec des gens encore plus connus pour se lancer, pourquoi pas ? Puis que finalement elle ne reviendra jamais et que les Sons & Daughters ce sera fini, foutu, à peine évoqué en remerciement lors des MTV Music Awards. Non, j’exagère. Elle n’a pas la stature d’une Gwen Stefani. Et elle a moins de talent pour le surf sur l’air du temps, ou le retournement de veste.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |