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par Oh ! Deborah le 15 juin 2010
paru en 1995 (Music70) ; réédité en 2002 (Warp Records)
1995, c’est Different Class de Pulp, (What The Story) Morning Glory ? d’Oasis. C’est aussi The Great Escape de Blur et The Bends de Radiohead, deux groupes qui s’infuenceront plus tard de ce que Marcus Eoin et Mike Sandison sont en train de composer. L’été 1995 sera (ou ne sera pas) passé à l’écoute de britpop ensoleillée s’il n’est pas bercé par le second album d’Elliott Smith. Mais une chose est sûre : il n’appartiendra pas aux Boards Of Canada qui sortent leur premier album dans l’ombre obscure de silhouettes vertes et inhumaines. Parce que 1995, c’est aussi X-Files. Rassurez-vous, le duo venu d’Écosse ne se limite pas au générique d’une série, sinon il ferait rire. Et Boards Of Canada prend les choses très au sérieux.
À ce moment là (mais rappelons que les frères Sandison bidouillent ensemble depuis 1987), Twoism sort sur leur propre label, à seulement 100 copies vinyles. Culte assuré. Finalement, il est remasterisé et réédité par le label Warp en 2002. Selon certains, ce LP souffre de moyens technologiques inférieurs à ceux d’aujourd’hui. De mon point de vue, c’est bien cela qui fait le charme de la musique de Boards Of Canada, d’autant plus qu’elle tient à conserver un son pur, minimaliste et craquelé, rappelant les premiers pas de l’électronique. Twoism est machinal, froid mais attachant. Il est certes quelque peu désuet avec ses beats hip-hop 90’s et ses touches de trip-hop millésimé, mais il capte une ambiance qui va bien au-delà.
Rythme marqué, ligne continue et nuancée par des notes venues de l’espace, Sixtyniner est très représentatif de cet ensemble inquiétant et hypnotique. Malgré leurs sonorités lointaines, Boards of Canada arrivent à nous plonger dans des régions closes (Oirectine, Smokes Quantity). Sous-sols profonds, échos redoutables entendus dans les moments de solitude nocturne, perdu dans un endroit urbain, désert et insalubre. Craquements qui laissent deviner des travers inconnus. Impression d’égarement. Malheureusement, cette superbe mise en scène va être chamboulée par Iced Cooly, drôle d’invitation à retrouver l’idole de notre enfance, Mario Bross (!), pour nager avec lui, sous l’eau. Hé oui, un disque totalement électro a tendance à s’égarer dans ce genre de truc. Je regrette déjà cette blague détestable avec Basefree, où l’on s’enfonce progressivement dans un tunnel dont on ne voit pas le bout. On n’en reviendra jamais. Oppressé par un paysage ruiné, d’expressions déshumanisées. Les résonances angoissantes désignent l’enfer du temps long encerclé par un rythme fracassant lorsqu’on attend la mort dans le métro. Ceci est donc le phénomène de toute cette escapade urbaine.
Nous revoilà obnubilés par une ligne dissonante, guidés dans un périphérique fluide, vide, errant dans un ghetto où la sérénité est incertaine (la chanson-titre). On continue cette échappée vers une ambiance trip-hop (Seeya Later), un créneau vers la complaisance mélancolique, une présence plus familière, ou bien on optera pour une minute d’évasion aérospatiale (Melissa Juice).
Twoism est un peu timide, il manque encore des éléments pour terminer cette alchimie, c’est pourquoi il devient moins surprenant au fil des écoutes. Cette atmosphère étrange, contemplative mais jamais ennuyeuse, reste remarquable.
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