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mercredi 15 avril 2015
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par Aurélien Noyer le 4 décembre 2007
paru le 29 mai 2007 (Columbia)
Sérieusement... Qui, en 2007, se soucie de Perry Farrell ? Certes, le mec a sorti avec Jane’s Addiction une poignée d’albums géniaux, inventant presqu’à eux seuls le rock alternatif du début des années 90. Et alors que le groupe s’est finalement séparé en 1991, ses différents membres sont finalement devenus partie intégrante de cette jet-set californienne droguée et suffisante qu’il tentaient de renverser avec leurs premiers attentats discographiques. Chacun était alors parti dans son trip égocentrique personnel, celui de Farrell étant Porno For Pyros, groupe à l’intérêt sensiblement limité.
Si on ajoute à cela une tentative de reformer Jane’s Addiction assez lamentable (un album raté et le groupe qui re-splittait à la fin de la tournée), la question qui se pose est bien de savoir qui un album de Perry Farrell peut-il intéresser. Ajouter à cela qu’il a recruté Nuno Bettencourt, ancien guitariste du groupe de hard-rock 80’s Extreme et vous obtenez une situation à faire fuir un accro à Ritual De Lo Habitual, mais bon... l’auditeur curieux que je suis n’a pas résisté à la tentation de jeter une oreille à ce disque. Est-ce la rédemption d’un ancien rockeur people-isé qui retrouve le mordant de ses débuts ou une descente dans les enfers du rock FM californien ?
Ni l’un, ni l’autre, vous répondra votre serviteur. De façon assez étonnante quand on se souvient des interviews prétentieuses qu’avait donné le bonhomme à la sortie du dernier (espérons-le) opus de Jane’s Addiction, l’album est clairement un disque sans aucune autre prétention que celle de se faire plaisir. Un but en soi fort honorable, mais avouons-le, qui a présente peu d’intérêt. Ramblin’ Man le disait très justement dans sa chronique sur Ritual De Lo Habitual, Perry Farrell est désormais un entertainer. Reste à savoir qui il cherche à "entertainer", lui ou son public ? A l’écoute de Ultra Payloaded, on serait tenté de dire que c’est surtout lui-même qu’il veut distraire de sa vie ennuyeuse de star californienne. Mais peut-être pense-t-il que quelques personnes à travers le monde pourraient être intéressées par ce que fait Perry Farrell de son temps libre...
Suivant cette logique, il se contente du strict minimum, réduisant son chant à des gimmicks déjà entendus. La rage et l’implication disparues, il noie sa voix sous des effets convenus et presque affligeants. Comment quelqu’un d’impliqué et de consciencieux aurait-il pu ignorer que le refrain de Wish Upon A Dog Star semble honteusement pompé sur les Stone Roses ? Il s’est visiblement contenté de rassembler une jolie brochette de guest-stars, dans l’espoir qu’elle s’occuperait de faire varier les ambiances d’un morceau à l’autre. Mais inviter John Frusciante et Flea, Fergie des Black Eye Peas ou encore Peter Hook de New Order ne veut pas dire qu’ils vont te faire ton disque, Perry. A un moment donnée, il faut bosser un peu et décider à quoi le disque doit ressembler musicalement. Ne détourne pas les yeux ! Ça s’entend parfaitement que t’as rien branlé sur ce disque et heureusement pour toi, le salut est venu de là où on l’attendait le moins.
Nuno Bettencourt, dont on pouvait a priori douter de la capacité à apporter une véritable direction musicale au projet, se révèle être un co-producteur très efficace. Prenant en charge les arrangements de cordes, les claviers, la basse, il impose à chaque chanson une identité musicale particulière. Vous pouvez vous en douter, toutes ne sont pas d’une originalité folle. Mais cela suffit pour que le disque échappe à la platitude délétère qui est devenue une marque de fabrique de beaucoup de musiciens angelnos (vous avez écouté le dernier RHCP ?). Dans la même veine, sa guitare joue les pendules, oscillant entre des arpèges noyés dans l’écho et un mordant qui n’est peut-être pas sans rappeler Dave Navarro avant qu’il ne tombe dans l’auto-complaisance la plus totale.
Je m’arrête un instant pour évoquer le dernier morceau de l’album, Woman In The Window, où Farrell est allé déterrer un enregistrement inédit de Jim Morrisson. Outre le côté particulièrement ridicule et nauséabond du principe (si cet enregistrement n’avait pas été utilisé, il y a une raison... qui est que la chanson ne rend pas justice au talent de Jimbo), on peut se demander comment Farrell a pu ignorer l’absurde de la situation. Il tente vraisemblablement de récupérer le titre de "porte-flambeau de L.A." que Morrisson a incarné. Mais il ne se rend pas compte que lorsque Morrisson a compris ce que signifiait une telle identité, être un "bouffon bourré" pour paraphraser Lester Bangs, il a essayé de s’en débarasser. Farrell essaie donc de devenir l’entertainer numéro 1 de L.A. sans réaliser que ça fait irrémédiablement de lui un bouffon. De quoi ajouter encore au pathétique de la chose...
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