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par HenriDèsMetal le 1er mai 2012
paru le 18 octobre 2011 (Capitol)
Et paf, en plein dedans.
2011, David Sitek continue son oeuvre d’aseptisation massive en passant cette fois par l’inattendue case Jane’s Addiction. Jane’s Addiction, un nom qui sent la dope, la guitare pointue et l’exubérance. Un sacré héritage à assumer, aussi, quand on essaie d’être encore pertinent avec une guitare pointue en 2011.
Et la pertinence, voilà bien une des choses qui manque au gros gâchis que constitue cet album.
David Sitek, donc, non content d’enchaîner les albums insignifiants avec les inexplicablement surestimés TV On The Radio, d’enfanter des projets aussi vides de sens et de contenu que Maximum Balloon et de se trainer une réputation de producteur miracle sur la base de quelques albums ratés, s’est retrouvé pour une raison qui très clairement m’échappe au poste de bassiste de studio et néo-mentor de Jane’s Addiction, après une énième défection d’Eric Avery, parti après un début de reformation qui s’annonçait pourtant très bien.
Néanmoins, à l’écoute de ce nouvel album, on tient peut-être la raison principale du départ d’Avery - encore que ce dernier n’est pas franchement un exemple de gestion de carrière, entre auditions ratées chez Metallica ou les Smashing Pumpkins, pige chez Garbage, et j’en passe : échapper au naufrage musical du Jane’s Addiction 4ème mouture. Naufrage qui, d’ailleurs, n’est certainement pas imputable qu’à David Sitek dans la mesure où l’album est produit par Rich Costey, mercenaire omnivore capable de passer de The Mars Volta à Muse, ou de Fiona Apple à My Chemical Romance.
Il faut dire que les velléités de « modernisme » de Perry Farrell, boss spirituel en l’absence de la forte tête Avery, ne datent pas d’hier. Le quinquagénaire ne cache pas son admiration pour les intolérables Muse (décidément, hein), s’est essayé à l’électronique ethno-douteuse via un laborieux album solo en 2001, et s’est déjà frotté à un rock troupier surproduit en 2007, le temps d’un album avec l’éphémère groupe Satellite Party.
En fait, en regardant le contexte de ces 10 dernières années, tout convergeait pour faire de ce nouvel opus de Jane’s Addiction la purge qu’il est effectivement. Et à bien y réfléchir, c’est l’énorme qualité de Strays, album issu de la reformation de 2003, qui était miraculeuse. Car de son côté, Dave Navarro a lui aussi entamé le siècle nouveau avec un album solo relativement pauvre (surtout guitaristiquement, ce qui est quand même un comble), et a entre deux émission de télé-réalité et autres fanfaronnades live avec Camp Freddy, jam-band de vieilles gloires californiennes, formé un groupe catastrophique avec Stephen Perkins (fabuleux batteur des Jane’s) et Chris Chaney (bassiste durant la reformation de 2002-2004, et de nouveau maintenant, là, depuis 2011), The Pannic Channel. Un album de hard FM en 2006, bide commercial et surtout artistique, voilà ce qu’a produit Dave Navarro en 8 ans. Pas glorieux, hein ?
Mais causons plutôt de ce Great Escape Artist, album qui s’est quand même pas mal fait attendre quand on sait que Jane’s Addiction y travaille depuis les dernières retrouvailles, fin 2008. Et ça débute pas mal, avec un enchaînement de 3 titres vraiment bien branlés Underground, chanson puissante et inspirée (surproduite, aussi, mais c’est le cas pour tout l’album), met en confiance même si on saisi d’emblée que les arrangements vont plus ressembler à la coupe de cheveux de Navarro qu’au barnum arty de Nothing’s Shocking.
End To The Lies, premier single lâché en teaser sur le net il y a quelques mois, propose encore un intérêt « technique » nul, mais est une vraie grande chanson. « You never really change like they say / You only become more like yourself » nous dit Farrell, et on aurait envie de le croire si ça ne supposait pas que son propre groupe n’était en fait, depuis le début mais seulement maintenant révélé, qu’une bande de poseurs paresseux.
Curiosity Kills enfin, avec une ligne de basse envahissant tout l’espace sonore et rappelant le Girl I Love You de Massive Attack, fait encore plutôt bien illusion. Le travail d’écriture n’est pas franchement remarquable, mais force est de reconnaître que le titre fonctionne bien, même si c’est encore grâce à son gros son.
Et puis voilà, l’intérêt de l’album s’arrête là. Le reste n’est qu’une mélasse radiophonique peu inspirée, pataude et occasionnellement irritante. Le plus insensé est cette faiblesse du songwriting, quand on connaît la qualité des musiciens dont on cause. Ok, pour survivre Jane’s Addiction avait besoin de se réinventer, et probablement de se sentir en phase avec son époque. C’est dans le caractère de Perry Farrell, ce garçon à l’esprit vagabond étant tout sauf passéiste, et peu enclin à se laisser aller à une nostalgie des années 90 comme on voit sortir du sol un peu partout ces derniers mois. Mais ça n’explique pas cette standardisation à l’extrême de la musique de Jane, et la disparition totale de sa virtuosité.
Le sel du Jane’s Addiction si turgescent et séducteur des années 80-90, c’était l’impression d’être au contact de 4 musiciens en perpétuel état de grâce, chacun sur son instrument mais complètement complémentaire au tout. Le toucher et les riffs psyché-funk de Navarro, les lignes de basse dynamiques et malines d’Avery, la batterie tribale de Perkins et le lyrisme incandescent et imprévisible (et gay) de Farrell, voilà ce qu’on aimait.
Quand enfin, sur le dernier titre (Words Right Out Of My Mouth), Jane se décide à laisser galoper guitare et section rythmique, cela sonne dramatiquement faux. Exactement aussi faux qu’un titre de The Panic Channel, en fait.
En 2003, Strays se passait d’Avery et avec lui disparaissait une urgence punk, remplacée par un son clinquant ; n’empêche que les compos suivaient, si bien qu’il était difficile de ne pas prendre son pied, surtout dans le contexte du minimalisme permantent des groupes en The. En 2011, The Great Escape Artist ne semble pas avoir grand chose à dire, et la surproduction cache-misère ne peut camoufler cette triste évidence - car on veille au grain.
A la limite, j’aurais bien pris des gros plans d’esbrouffe instrumentale, ça aurait au moins permis d’avoir quelquechose à se mettre sous la dent. Comment peut-on se contenter de faire suivre métronomiquement le rythme de compositions si linéaires à un batteur aussi doué et reconnaissable que Perkins ? Comment peut-on avoir dans son groupe un guitariste techniquement aussi exceptionnel que Dave Navarro et le laisser n’exécuter que des power-chords over-over-dubbés et des arpèges à 3 notes ? Je sais bien que ce dernier a besoin de ses mains pour se caresser les cheveux, m’enfin tout de même. Ces deux bridages sont incompréhensibles, bien plus qu’une baisse d’inspiration de la part d’ex-junkies quadra - et quinquagénaires revenus de tout, qui n’est elle pas très surprenante.
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