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par Parano le 6 décembre 2011
Paru le 15 juin 1979 (Factory Records)
Depuis le suicide par pendaison de Ian Curtis, le 18 mai 1980, la musique de Joy Division a pris une envergure quasi religieuse. Une reconnaissance méritée si on considère l’apport esthétique du quatuor, mais qui relève davantage de l’accident industriel que de la prophétie. A l’image du Velvet Underground ou des Pixies, Joy Division a tapé dans le mille sans même viser, et donné naissance à une scène nouvelle, sans avoir pris la peine d’accaparer les charts (leur label n’était pas affilié au British Phonographic Institute). Il a suffit d’un album, Unknown pleasures, pour faire des mancuniens un groupe indispensable et intemporel. Comme son leader, le groupe n’a pas eu le temps de vieillir, et les sonorités qu’il a imposées restent pertinentes.
En 1977, l’Angleterre industrielle est touchée de plein fouet par la déflagration Sex Pistols, et Manchester la besogneuse produit son quota de nuisance sonore. Sur la scène de L’Electric Circus, un avorton punk, faire valoir des fantastiques Buzzcocks, s’apprête à rafler la mise en inventant la cold wave. Joy Division n’est encore que Warsaw, un groupe sous influence qui tente de faire entendre sa voix dans le microcosme local. Ses concerts ne déchaînent guère l’enthousiasme, mais les premières démos ont quelque chose d’attachant : Des mélodies simples sur des rythmes rigides, qui peinent à ressembler aux hymnes des Sex Pistols, mais laissent entrevoir quelques promesses. Les quatre musiciens s’accrochent à leur rêve, et tout particulièrement le jeune chanteur, qui prend la chose très au sérieux.
Ian Curtis sait où il va mais il ignore ce qui l’attend. La tension qui l’anime, entre force et incertitude, doutes et ambition, transforme rapidement le gamin en performer et confère à Joy Division l’aura d’un grand groupe. En changeant de nom en janvier 1978, le quatuor s’affranchit des antiennes punks, et laisse libre cours à un rock douloureux, pesant et aérien, massif et vertigineux, révélé par la voix d’outre tombe de son chanteur. A cette musique nouvelle, il faut un son neuf, et l’apport de Martin Hannett, producteur-sculpteur-sur-glace, sera décisive.
L’histoire s’accélère en décembre 1978, lorsque le Curtis connaît sa première crise d’épilepsie. Après avoir refusé une offre conséquente de WEA, Joy Division signe un contrat avantageux chez Factory Records (label de leur manager Rob Gretton) et entre au Stawberry studio de Stockport, le 1er avril 1979. Dix titres sont enregistrés en 15 jours, dont quelques chansons destinées au premier album de Warsaw (Transmission, Interzone, et Shadowplay). L’enthousiasme juvénile du groupe se heurte aux exigences du producteur, dont le goût pour l’étrangeté ne fait pas l’unanimité. Peter Hook qualifiera d’ailleurs leur collaboration d’ « enfer ». Pourtant le résultat est grandiose. L’album déploie son désenchantement sur 39 minutes, alternant fulgurances proto-punk et errance incantatoire avec une morgue inhérente à la jeunesse. La batterie roborative de Stephen Morris plante le décor, épaulée par Peter Hook, dont la basse agressive endosse volontiers le rôle de guitare rythmique. L’espace libéré profite alors aux arpèges minimalistes de Bernard Sumner, et l’ensemble dépasse tout ce que le punk avait produit jusqu’alors. Là où les Clash, Damned et autres Buzzcocks bétonnent l’espace, Joy Division bâtit à coup d’ellipses, laissant Curtis poser sa voix sur l’édifice ténébreux.
Les 10 000 copies initiales du disque s’écoulent rapidement. L’accueil des critiques et du public est enthousiaste et la carrière de Joy Division prend bientôt une nouvelle dimension, compilant passage TV, session chez John Peel et tournée européenne. Il reste à Ian Curtis moins d’un an à vivre, et l’essentiel est dit. L’histoire du groupe s’achèvera prématurément, laissant place à une des plus fameuse légende du rock, fondée en grande partie sur un premier album indispensable.
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