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par Emmanuel Chirache le 19 avril 2011
Paru le 22 mars 2011 (LOAF)
Vous l’aurez sans doute remarqué, le journaliste musical, le blogger mélomane, l’attaché de presse consciencieux, passent désormais une bonne partie de leur temps à chercher de nouvelles étiquettes pour labelliser la musique des groupes : anti-folk, post-rock, electro-punk, noise expérimental, dark wave, shitgaze, on n’en finit plus d’inventer des genres, sous-genres et courants, de quoi rendre fou le plus équilibré des vendeurs Fnac - qui préfère tout mettre en indie, c’est quand même plus simple - tandis que le vendeur de Gibert s’obstine à remanier son rayon afin de respecter au maximum une taxinomie devenue hystérique. Finie la simplicité des labels d’antan ("je fais de la pop") ! Cette évolution vers toujours plus de fusion et de confusion à profusion, les Caennais de GaBLé l’incarnent bien à leur façon, et leur anti-folk expérimental, qui mêle électro, bruitisme, Do It Yourself punk et joyeux port’nawak, ne ressemble pas à grand chose de connu. Oh, il y a bien eu tous ces folkeux new-yorkais, Moldy Peaches et cie, il y a bien ce truc informe qu’on appelle folktronica, mais avouons-le, ce n’est pas pareil.
En fait, les GaBLé font partie de ces indénombrables groupes qui bricolent leur musique dans leur coin, à l’abri du regard mass médiatique, avec trois bouts de ficelle et un trombone. Il existe des circuits pour cela, blogs indie, petites salles de concert, squats alternatifs, fanzines underground, dévolus à l’écoute attentive des autoproductions ou assimilés. En 2007, le trio (Gaëlle, Mathieu et Thomas) signe finalement chez LOAF, un label britannique spécialisé dans l’étrange qui produit deux albums, puis trois avec celui dont nous parlons, tous bien accueillis par la presse. Armé d’une sympathique pochette, le nouvel effort des GaBLé, CuTe Horse CuT, vient de paraître. Obsédé par les mises en place rythmiques et les jeux de construction/déconstruction (quoi de plus normal pour deux anciens batteurs), le groupe s’amuse dans un premier temps à tourner autour d’un motif répétitif, prenant juste soin d’en brutaliser la structure et les ponctuations afin d’installer l’auditeur dans une espèce d’insécurité cognitive, jouant sur l’effet de surprise pour capter son attention en permanence, à l’image de Brick Trick, qui interrompt son cours par des "glitch", ces fameuses défaillances électroniques ou "bugs" dont la musique se sert de plus en plus.
C’est aussi le cas pour WHo TeLLS you, qui ponctue ses fins de phrase par tantôt un aboiement, tantôt une note de hautbois, tantôt un accord de guitare. En général, les morceaux, courts et efficaces, se terminent dans un tourbillon enivrant, comme sur le joli final de CyaNuRe ou l’excellente montée en puissance de SaMBa De La MueRTe. Globalement, l’aspect déstructuré des chansons peut aussi s’interpréter comme un aveu de faiblesse relative, la crainte de ne jamais parvenir à composer une véritable chanson et de se contenter de collages qui peinent à transcender leur multiplicité hétéroclite. C’est d’autant plus dommage que GaBLé est capable de réussites notables et authentiques, telles que les très bons BuNCH et Day, plus aboutis que d’autres morceaux, ou encore THe SToNe aND THe WoLF et sa petite mélodie qui se retient, ou les CyaNuRe et SaMBa De La MueRTe déjà cités. Difficile de savoir si un jour les ébauches vraiment intéressantes développées par le groupe dépasseront ce stade pour s’épanouir durablement dans une œuvre plus tangible, où chaque idée ne se présente plus aux oreilles comme une idée mais comme un élément indistinct du reste. Sans être impérissable, ce disque prodigue néanmoins une musique singulière dont l’écoute solitaire, voire autiste, est idéale pour les demi-sommeils ou les rêveries éveillées.
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