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par Milner le 12 juillet 2006
paru le 5 juin 2000 (Virgin Records)
Après avoir semé à tout vent sa pop mâtinée de ska, pratique qui s’est réalisée de préférence en mode groupée, puis avoir pris la poudre d’escampette, sa provision de pétards épuisée, revoici Madness, tout fringant et souriant, à l’orée du nouveau millénaire ! Rien de moins excitant a priori qu’une compilation ska de quelques pensionnaires semblant tout droit issus de l’hospice de la pop britannique réunis au sein d‘un groupe à l’appellation déjantée. Pensez donc, Woody Woods Woodgate tenant les baguettes sur les premières incantations blue beat façon Prince Buster, Lee ‘Kick’ Thompson plaçant les chaudes sonorités de son saxophone au moment où les morceaux s’emballent, Mark Bedford et Chris Foreman (respectivement bassiste et guitariste) jouant leurs notes de guitare en guise de fond sonore tandis que le claviériste Mike Barson occupait la position de leader de Madness (exactement comme Jerry Dammers pour The Specials), relayé au micro par le pythonesque chanteur Suggs. Guère réjouissant au premier abord ...
Oui mais voilà, dans ce lot, il n’y a donc guère de place pour le sérieux et les sept jeunes gens de Camden sont apparus dès leur tout début en 1979 comme un intermédiaire hilarant pour la mégalomanie galopante du mouvement 2-Tone. Et ainsi, le destin leur offrira le premier grand tube de leur carrière via la relecture d’une face-b d’un classique du ska jamaïcain (l’ultra vitaminé et platiné One Step Beyond). Impossible de ne pas avoir entendu ça au moins une fois. Visiblement plus habile pour enfourcher le manche du balais que celui de la Gibson, les Londoniens auront finalisé leur vision du divertissement à travers une impressionnante série de tubes et c’est cette appartenance à cette tradition burlesque à la Laurel & Hardy qui aidera au ralliement de toute la scène skinhead. Desservant pourtant la noble cause du ska de part son amour des rythmes jamaïcains et son contrat avec 2-Tone le temps des premiers singles, c’est le label Stiff Records qui récupère la bande à Barson le succès venant et dès lors, les sept musiciens plongeront la tête la première dans l’océan de la pop britannique dont ils seront les plus grands représentants en terme de vente durant ces satanées années 1980.
Les titres parus sur le marché se présentent comme un kaléidoscope qu’on ne finit plus de secouer. Bruits de klaxon cédant le pas à un calypso, tout est exécuté prestement, avec élégance et indifférence (Night Boat To Cairo, Baggy Trousers), dans un art consommé du sans queue, ni tête. House Of Fun et Driving In My Car révèlent d’une façon encore plus flagrante une fascination hilarante voire juvénile pour les instrumentations toc. La guitare squelettique et jamais amplifiée, les claviers trépidants de Barson constamment mis en avant : tout concourt pour faire du répertoire de Madness une sorte de vaudeville musical, où un truc et un machin rentrent et sortent au moment où on ne s’y attend le moins. Bien sûr, les paroles concoctées par les membres du groupe apportent une vision typiquement britannique à l’ensemble, parfois proche du caricatural et de l’humour rosbif. Mais, il est bon de rappeler que des titres comme My Girl, Baggy Trousers, Cardiac Arrest, Our House ou The Sun And The Rain peuvent être considérés comme une tentative de recréer l’univers si particulier de The Kinks et de le transposer dans le contexte des années MTV, préfigurant à l’avance l’émergence du mouvement britpop la décennie suivante avec Blur comme fer de lance.
Pourtant en 1983, lassé de représenter les joyeux lurons sur scène et à travers leurs vidéo-clips, Madness s’aventure vers une pop plus sophistiquée, plus mélancolique laissant le quartier libre à Suggs de proposer alors un chant, oscillant entre Brian Eno et Fred Astaire, harmonieux et éclectique. Le succès sera toujours au rendez-vous bien que le groupe cessa les enregistrement en studio à partir de 1987, l’inspiration venant à faire défaut une fois la formule musicale rabâchée à outrance. Divine, compilation couvrant l’ensemble des singles parus entre 1979 et 1986, paraît en 1992 et connu à cette époque-là un succès retentissant (plus de 100 semaines de présence cumulée dans les charts britanniques et des ventes qui frisent les 10 millions d’exemplaires). Huit années plus tard, cette même compilation ressort augmentée de deux nouveaux morceaux sortis en 1999, Lovestruck et Johnny The Horse, deux titres impeccablement frais et incarnant le trait d’union entre le Madness des années 80 et celui des Dangermen Sessions.
Certains jugeront cette réédition superficielle alors que le constat qui s’impose est simple : en comparaison à la première version publiée en 1992, soit cette dernière suffit, soit, s’il reste de l’appétit aux auditeurs, il y a un deuxième service. Ça sent peut-être un peu le réchauffé mais il y a du rab. Et la source d’approvisionnement ne s’est pas encore tarie.
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