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par Emmanuel Chirache le 10 décembre 2012
Paru le 29 octobre 2012 (Lucky Seven Records/Atmosphériques)
Ils reviennent, ils ne sont jamais partis, ils sont devenus une institution anglaise au même titre que le thé ou la reine d’Angleterre (pour le jubilé de laquelle ils ont joué en juin dernier). Les Madness sont sans doute le seul groupe du monde à pouvoir fusionner deux atrocités, le ska et la world music, pour en tirer une pop intelligente, dansante et profonde à la fois. Leurs premiers albums, notamment Absolutely chroniqué sur Inside, cristallisaient avec brio leur époque, où skins, punks et nouveaux mods se tiraient la bourre à la fois dans la rue et en musique. Éminemment sympathiques et super doués, les "Nutty Boys" ont réussi une carrière exemplaire, surtout si on considère qu’ils n’ont jamais rendu une copie sale en plus de trente ans d’exercice.
Pourtant, cette fois-ci l’affaire semblait mal engagée. Parlons de la pochette tout d’abord. Elle est moche. Signée par le fameux Peter Blake (et le gus, en tout humilité, a réellement mis son nom sur la couv’), auteur de la célèbre pochette de Sgt. Peppers des Beatles, elle est totalement ratée, sans charme, ni efficacité, ni personnalité. On y voit tous les titres de travail du disque rayés les uns après les autres, avant de laisser place au véritable titre : Oui Oui Si Si Ja Ja Da Da. Pas un intitulé génial non plus, d’ailleurs. Chiant à prononcer, chiant à taper dans google, chiant à lire. A la première écoute, les chansons non plus ne sont pas aussi convaincantes que d’habitude. Après toutes ces épreuves, l’erreur tentante serait d’en rester là. De poser le CD dans un coin de l’étagère et l’y laisser mourir.
Le bon réflexe, au contraire, est de persévérer. Passé le sympathique My Girl 2 (une suite donnée à My Girl, un single du premier disque de Madness), l’auditeur va découvrir des trésors de pop songs à l’anglaise. Clairement, l’album exhale un fort parfum de nostalgie, et à certains égards il sonne un peu daté, mais rien n’entache le plaisir de l’écouter. Dès Never Knew Her Name, la magie opère : les Madness savent toujours raconter une tranche de vie sur fond de musique pop classieuse et inventive. Ici, les arrangements façon northern soul (on pense à Frankie Valli & The Four Seasons) conviennent parfaitement à cette histoire un peu triste et glauque, que les musiciens transforment en romance. Car c’est ça la grande force de Madness : prendre des histoires simples, trivialement quotidiennes, et les chanter sans les rendre déprimantes. Le groupe reste un bel hymne à la vie et au bon temps, comme on peut l’entendre ensuite sur le très agréable La Luna, mélange osé de sonorités balkaniques et de cuivres mariachis, et surtout sur le merveilleux How Can I Tell You, credo madnessien s’il en est, leçon de vie, de philosophie, qui marie espoir et furieuse envie de danser. Ce ne sont pas les bons sentiments qui font toujours la bonne pop, n’empêche que la manière épouse ici si bien le geste qu’on s’en émeut forcément un peu. Et Madness de chanter :
You’re gonna get hurt by the one you love mostYou’re gonna have to take some pain, accept the loss to live againForgive yourself as you’ll be free,there’s more to love than just loving you see.
Les morceaux suivants confirment la bonne forme de Suggs et ses acolytes. Les cuivres de Lee Thompson et Chas Smash sont terribles, les claviers de Mike Barson délicieux, la batterie de Daniel Woodgate métronomique et le chant de Suggs tellement anglais qu’on voit le pudding lui sortir des narines. Il faut le souligner : le line-up de Madness n’a quasi pas changé. Seul le bassiste Mark Bedford manque à l’appel, mais d’après Chas Smash c’est sans doute provisoire. Dans un entretien donné aux Inrocks, il explique : "On l’a remplacé par un autre bassiste qu’on adore mais qui ne fait peut-être que garder la place chaude pour Mark, il le sait."
Kitchen Floor, Small World, Leon, Death Of A Rude Boy : Madness arrange toutes les musiques à sa sauce et impulse un beat irrésistible à la moindre mélodie accrocheuse. Effet garanti. Il faut signaler que les manettes ont été confiées à quatre producteurs. Clive Langer, l’historique, qui a produit Madness depuis le début, Stephen Street, qui s’est occupé des Smiths et de Blur, le monsieur britpop Owen Morris pour Oasis et The Verve, et enfin Charlie Andrew, le petit jeune qui a fait de la magie sur le premier disque très remarqué d’Alt-J.
Dommage qu’une pochette foireuse et un titre complexe viennent gâcher un si beau disque, qui hélas risque de passer inaperçu hors des fans du groupe et des curieux. Dans un paysage rock séparé entre adeptes du brutal, nostalgiques sympatoches et amateurs de musique branchouille ou expérimentale, Madness apparaît comme un anachronisme rafaîchissant, des types pour qui "plaire à l’oreille" n’est pas un gros mot.
Vos commentaires
# Le 3 janvier 2014 à 19:35, par Blaise En réponse à : Oui Oui Si Si Ja Ja Da Da
Tout cela est vrai, mais Madness reste Madness, et a réussi à passer le cap des 80’s avec un certain brio, non ? Et puis, à honorer les spectateurs de Rock en Seine d’un second concert comme ça, pour rien, quand certains frères se fichait du public en se cassant des guitares sur la tronche, annulant leur prestation à la dernière minute. Ensuite, Madness, en groupe british qui se respecte, joua ’Our House’, pas leur meilleur titre, sur le toit de la maison de Sa majesté, belle prestation un jour où Sir Mac Cartney, lui, ne paru pas au mieux de sa forme. Il faut en effet écouter plusieurs fois cet album : C’est déjà arrivé avec madness (Absolutely, Seven...), et espérons que ça arrivera encore.
Blaise
www.monhistoiredurock.blogspot.com
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