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mercredi 15 avril 2015
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par Milner le 13 mars 2007
paru le 5 mars 2007 (Virgin / EMI)
Ça peut paraître anodin vu de l’extérieur mais pour les fans insomniaques depuis 2004, le retour de Air intervenait au moment précis où une bonne frange de la feu scène french touch (dont la formation ne faisait pas partie) refaisait parler d’elle au travers des livraisons d’Alex Gopher, Cassius, Laurent Garnier. Mais Air et sa musique, qu’on ne pouvait pas affilier à une scène, à un courant (folk, ambient, pop, lounge), ont depuis déjà fort longtemps glissé timidement entre les scènes et les courants en question, et devinrent incontestablement les figures de proue de la révolution psychologique et musicale qui s’opérait alors un peu partout sur les différents continents du globe terrestre parallèlement à un succès critique croissant. C’est que pour certains aficionados de la musique de ces Français, Air leur a réappris ce que voulait signifier le prog-rock, la musique folk, la pop tout en dégonflant un certain nombre de baudruches.
Comble de snobisme, Pocket Symphony est paru à la fin du mois de février 2007 sur les plate formes légales de téléchargement, soit environ dix jours avant la sortie officielle. Pendant cette courte période, quelques impatients ont crié au Jean-Michel Jarre mou, au disque contemplatif, à un recul créatif. Touchant comme réactions. Mais, il faut bien se mettre à leur place : il n’y a pas tous les jours occasion de polémiquer au sujet des Versaillais. Car, tout un chacun sait pertinemment qu’on ne compare pas le ruisseau au fleuve ; qu’on ne discute pas des goûts contre des couleurs. Vitale, la musique de Air l’est pour un bon nombre de personnes. C’est un monde à part, le support obligé des angoisses et des rêveries. Plus que le simple reflet de la vie du groupe, c’est en quelque sorte un roman-feuilleton intime qui est plus que difficile à faire partager, un sentiment d’égoïsme revenant assez régulièrement.
Effectivement, entre l’enregistrement de son septième album, du premier effort en solitaire de Dunckel (Darkel) et de la contribution plus qu’importante au premier opus solo de Charlotte Gainsbourg (5:55), les lascars n’ont pas chômé. Parfois, dans le mur du silence qui entoure la véritable créativité du duo, se dessinent quelques brèches : de ces projets parallèles, tout juste est-il surprenant de déceler la présence de Neil Hannon et Jarvis Cocker qui placent leurs voix respectivement sur One Hell Of A Party et Somewhere Between Waking And Sleeping. À cet égard, ce dernier titre résume presque à lui seul, l’état d’esprit qui règne sur ce disque. Dans l’ensemble, l’album est très ambient, sans doute plus qu’à l’accoutumée. C’est tellement évident sur certains morceaux comme Space Maker (qui ouvre le feu), Mayfair Song ou Redhead Girl qu’on pourrait presque qualifier le groupe de Vangelis du nouveau millénaire si l’on ne rencontrait pas Mer Du Japon, de loin la chanson la plus entraînante avec son refrain empli de naïveté, susurré par le timbre vaguement féminin de Jean-Benoît Dunckel. Des morceaux presque nus et dont on ne perçoit qu’à peine l’économie tant est subtile la construction de l’album. Mais aux caresses de la gloire, Air préfère celle du vent dans les cheveux. Talkie Walkie était un patchwork de circonstance, Pocket Symphony semble moins contraint. L’auditeur est en droit de considérer qu’un cycle s’achève. Le dernier volet du triptyque (les albums précédents : 10 000 Hz Legend et Talkie Walkie) s’éloigne doucement au fur et à mesure de la progression à travers les plages emplies de sérénité et de calme. Dunckel et Godin semblent vouloir faire une pause dans leur discographie déjà fort bien réussie et il ne serait pas étonnant de les voir prochainement reprendre de nouvelles voies musicales.
C’est précisément là que réside la gageure de cette symphonie de poche : Air est un groupe de sorciers qui annoncent la couleur mais y installe leur propre odeur. Dès lors, il devient impossible de les accuser de faire du Brian Eno ou du Émilie Simon. Ils font du Air, c’est tout bête mais il va falloir s’y faire. Car Pocket Symphony, s’il ne constitue pas l’expression exacte du talent de ces musiciens qui sont capables de faire infiniment mieux, est sans nul doute la production la plus satisfaisante qu’ait signée Nigel Godrich depuis Chaos And Creation In The Backyard de Paul McCartney. Tour à tour envoûtant, déroutant, passionnant, sublime parfois, le binôme propose douze chansons pour parler de la nuit, du soleil, des étoiles, du Japon, et de musique. Surtout de musique.
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