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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 15 mars 2010
paru le 8 mars 2010 (Mute/Naïve)
Sisterworld… Un monde dissimulé sous des loquets aux teintes laiteuses, ouvragés d’arabesques tentatrices. Il faut sûrement souffler quelque formule pour y accéder. Qu’à cela ne tienne, si on aime bien les énigmes et Lewis Carroll. Face à cette mise en place intrigante, l’envie est grande, presque malgré nous, de croire au merveilleux de Sisterworld. Évidemment, un merveilleux sérieusement ravagé. Liars, il y a quatre ans, avaient révélé une sorte d’anomalie passionnante, Drum’s Not Dead. En guise de musique, il ne restait que des ruines : rythmes ronds et incantatoires, bouclés sur des nappes industrielles et des chœurs à la dérive. D’une maîtrise absolue dans ses explorations krautrock et no wave, allant jusqu’à leurs extrêmes limites pour y insuffler une grâce insane. Depuis, le groupe est comme perdu, trop conscient d’avoir atteint quelque chose et bien en peine d’y donner suite (leur album suivant fut dispersé, juste correct).
Assez tristement, Sisterworld échoue encore à leur redonner un second souffle. Ce qui se présente presque comme un concept-album, se contente en réalité d’accoler des chansons inquiétantes et blêmes, sans poigne, sans hypnose. Si seulement on pouvait s’égarer dans leur univers psychotique… Mais Sisterworld est une authentique fausse piste, un concept élevé par les Liars au rang de vision, pour leur permettre de se concentrer dessus. L’implicite logique de l’album réside en grande partie dans leur acharnement à parvenir à un coup d’éclat. Pour cela, le trio est parti enregistrer à Los Angeles, susceptible renouveau loin de leur New York originel, et loin de Berlin qui avait leur faveur depuis quelques années. Ainsi, aidés de leur canevas fédérateur, ils ont remué leurs atouts expérimentaux en tous sens, tentant vainement d’y inscrire un sens, un récit. Pour être concret, ces onze morceaux, mis en son de manière assez pataude, mêlent leurs influences les plus flagrantes (no wave, post-rock, punk surréaliste), cherchent à les surpasser ; et s’aplatissent dans leur surcharge d’intentions. Ici, des arpèges froids et atones restent stériles (I Still Can See An Outside World). Là, des effets monstre - fuzz en tsunami - brillent par la faiblesse de leur formule (Scarecrows On A Killer Slant). Beaucoup d’apprêt pour peu de hantise.
Ce n’est pas tant que l’album soit un désastre. Non, il se situerait plutôt du côté des aveux de faiblesse. On l’écoute d’une oreille hagarde, parce qu’il n’a rien de honteux. Mais on sent, en inclinant communément la tête devant tel effet de guitare, en délogeant quelque poussière pendant telle montée en puissance, que ses tentatives cauchemardesques ne mèneront à rien. Et pourtant, de façon ponctuelle, les Liars sont encore capables de choses fortes et envoûtantes. Scissor, par exemple, est un duel intense entre l’americana - portée par des lignes de chant splendides, comme venues des tréfonds du Sud - et le punk, entre le lyrisme et la sauvagerie, flottement et climax. Scissor aurait pu servir de base à un projet esthétique singulier, mais il n’en est rien. Puis, Goodnight Everything arrive in extremis à présenter d’élégantes ténèbres, avec une orchestration dégagée et subtilement scénarisée. C’est par la fine présence de ces divers détails que Sisterworld résiste à l’inanité. Et qu’on restera à attendre un sommet qui vienne le disputer à Drum’s Not Dead.
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