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par Emmanuel Chirache le 11 septembre 2007
Paru en juin 2007 (Boxson)
Difficile d’écrire une chronique d’album quand quelqu’un de talentueux est déjà passé par là. En effet, le premier opus des Bishops s’est vu attribuer le titre de disque du mois dans le Rock’n’Folk de juin 2007 et l’article est signé Cyril Deluermoz. Or, il se trouve que j’apprécie beaucoup Cyril Deluermoz. Alors en manière d’introduction, laissez-moi vous parler de Cyril Deluermoz.
D’abord, Cyril Deluermoz possède ce qu’on appelle une gueule, une vraie, et ça se voit au premier coup d’oeil. Avec son immense front un peu dégarni, sa mâchoire en V et ses traits secs, l’homme semble tout droit sorti d’un film de David Lynch, sorte d’émule du Mystery Man de Lost Highway. Sa maigre et haute silhouette lui donne aussi des faux airs d’ancien punk américain junkie. Enfin, Cyril Deluermoz ne serait pas Cyril Deluermoz s’il ne portait incessamment ses lunettes de soleil et son t-shirt à l’effigie de Traci Lords, icône porno des années 80, et rien que pour ça on l’aime. Mais Cyril Deluermoz (petit jeu : le nom d’un fameux journaliste de Rock’n’Folk s’est glissé 7 fois dans cette chronique, sauras-tu le retrouver ?) n’a pas seulement bon goût en matière de femmes, il est également doté d’un flair infaillible en rock, comme l’atteste son amour immodéré pour les géniaux Eagles Of Death Metal. Et en plus, il aime les Bishops.
« C’était mieux avant ! » Voilà en substance ce que nous disent ces fameux Bishops, à grand renfort de mélodies façon Beatles, de riffs tressés à la manière des Kinks et d’une rythmique diaboliquement garage. Dès l’excellent Menace About Town, la recette fonctionne à plein, avec en ouverture des percussions copiées/collées du I’m Walking de Fats Domino, ce qui annonce d’emblée la couleur : nous allons changer d’époque. Après un Breakaway plus agressif, les Bishops enchaînent d’ailleurs sur un So High millésimé 1963 et Beatlemania. Refrain facile à entonner et rythme entraînant, l’auditeur se dit qu’il y a là quelque chose de rafraîchissant plus que rafraîchi...
A la longue, certes, certains titres pourraient lasser. Mais le groupe a trouvé la parade. Aucune des chansons - ou presque - n’excède deux ou trois minutes. Une minute et vingt-deux secondes, voilà qui suffit par exemple amplement pour imposer House In The Desert comme une réussite, ce qui n’aurait pas été le cas sur cinq longues minutes. Au milieu du disque, le niveau des compositions va soudain s’élever de nouveau avec Life In A Hole et sa ligne de basse admirable, une petite prouesse de pop 60’s, tandis que I Can’t Stand It Anymore ressuscite avec brio l’énergie et les pulsations nerveuses d’une formation aussi mythique que les Monks. Monks, Bishops, moines, évêques, vous me direz qu’il existe comme un lien de parenté. Vous vous trompez. Cette proximité sémantique n’est en réalité due qu’au hasard, puisque Bishops est le nom de famille de Mike et Pete, qui assurent les guitares et les voix. Entre eux, en revanche, le lien fraternel est évident : jumeaux jusqu’au bout des franges, le noyau monozygote du groupe cultive la ressemblance en portant les mêmes costumes noirs et les mêmes cravates, inspirés de la dégaine des Beatles relookés par Brian Epstein.
Soutenu par leur acolyte écossais Chris McConville, le jeu de batterie rétro continue de faire merveille sur Carousel et surtout Lies And Indictments/Sun Goes Down, chanson double à la mélancolie contagieuse. Suit le premier single des Bishops, The Only Place I Can Look Is Down, un truc d’une efficacité redoutable, puis un délicat et romantique Will You Ever Come Back Again, dont les splendides harmonies vocales ne sont pas sans rappeler d’autres archéologues du Swinging London et de la Hollywood pop, à savoir les excellents Bees.
Alors évidemment, les Bishops ne vont révolutionner ni la pop ni le rock. Pourtant, difficile de faire la fine bouche devant ces petites sucreries enrobées avec tout le savoir-faire du producteur des White Stripes Liam Watson, des douceurs d’un autre temps qui nous bercent pendant quelque minutes de l’illusion d’un voyage vers le passé. Grâce aux Bishops, vous pourrez écouter de la pop et du garage 60’s sans passer pour un vieux con réactionnaire, ce qui n’est pas rien.
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