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par Parano le 9 octobre 2007
« Meurci Pairisse, je voudwait vous préseunter mes caoupains »
Sting salue les 80 000 spectateurs du stade dans un français très correct, preuve qu’il a fait des progrès depuis Hungry For You. Une énorme clameur lui répond, tandis qu’il désigne Andy Summers de la main. Nous sommes à St Denis. Il est 20h15. C’est le second concert parisien de The Police, le méga super-groupe des 80’s que personne n’imaginait revoir sur scène.
Et pourtant. Cette tournée, tout le monde l’attendait. Stewart Copeland et Andy Summers en rêvaient la nuit, les promoteurs promettaient un pont d’or, et les fans priaient pour la résurrection du mythe. The Police a vendu plusieurs millions d’albums et rempli tous les stades de la planète entre 1979 et 1984. Every Breath You Take a détrôné le Yesterday des Beatles, en devenant la chanson la plus diffusée à la radio. Seulement voilà, Sting n’était pas prêt à remettre en selle le groupe qui a fait de lui une star. Depuis 1986, et une ultime session studio, dont ne subsiste que le catastrophique Don’t Stand So Close To Me’86, The Police était tombé dans le coma. Problème d’ego. Rivalités internes. Impasse artistique après un succès colossal. Sans même claquer la porte, le chanteur peroxydé était retourné à ses premières amours, la pop jazzy, pour entamer une carrière solo aussi rentable qu’honorable.
Sting a toujours affirmé qu’il ne reformerait pas The Police. C’est pourtant lui qui a décroché son téléphone pour proposer à Andy et Stewart de repartir en tournée. Le groupe avait déjà rejoué en 2003, lors de son introduction au Rock and Roll Hall of Fame. En 2006, la présentation du documentaire de Stewart Copeland (Everyone Stares, The Police Inside Out) au festival de Sundance, a permis aux trois musiciens de se retrouver. Dès lors, la rumeur d’une reformation n’a cessé d’enfler, jusqu’à l’annonce officielle d’une tournée mondiale, à l’occasion des 49ème grammy Awards : « We are the Police and we are back ! »
On a vite parlé gros sous. Certains médias ont estimé que chaque membre du groupe toucherait 50 millions de dollars pour partir en tournée. Une partie des bénéfices sera néanmoins reversée à Water Aid, une ONG. On n’en attendait pas moins de Sting, grand bateleur des causes humanitaires. Le marathon live a débuté en mai dernier, à Vancouver, après quelques semaines de répétitions chez le bassiste en Toscane. Les fans étaient inquiets. Le retour du trio, tant espéré, allait-il tenir ses promesses ? Les premiers échos seront mitigés, Steward Copeland avouant même, sur son blog, que le groupe est « incroyablement nul » et « complètement à la rue ». Cette annonce n’a visiblement pas refroidi l’ardeur du public, puisque, en France, les 80 000 places du concert parisien se sont toutes vendues en 1h30 (record battu, U2 et les Stones n’ont pas fait mieux). Une seconde date a donc été ajoutée, pour satisfaire la demande. Et c’est devant un stade de France plein comme un œuf que the Police s’est produit en concert, pour la seconde fois en 24 heures, après 23 ans d’absence.
Retour à St Denis. À l’extérieur de l’enceinte, la police, la vraie, fait les cent pas, tandis que, sur scène, Fiction Plane fait patienter la foule. À la tête du groupe londonien, on trouve un certain Joe Summer qui n’est autre que le… fils de Sting. La curiosité polie laisse rapidement place à l’indifférence. Même configuration, mêmes instruments, même son, la musique du fiston peine à se démarquer de celle de son père. Dommage. Pour tuer le temps, la foule lance une Ola joyeuse, jusqu’à ce que le Get Up Stand Up de Bob Marley fasse trembler les enceintes. C’est le signal d’un rituel reproduit à l’identique chaque soir. Des lumières s’éteignent, d’autres s’allument. Ça y est, ils sont sur scène ! le stade rugit de bonheur et Andy Summers plaque les premiers accords de Message In A Bottle. Un déluge de son s’abat sur la foule en pâmoison. Sur la scène Sting promène sa grande carcasse athlétique, visiblement très à l’aise. De loin, on pourrait croire qu’il a 25 ans, tant il est svelte. Si son charisme est intact, sa voix, sujette à bien des spéculations, peine à retrouver les accents passés. Les envolées rageuses et les cris aigus ont laissé place à un style plus posé, plus mature, mais aussi plus terne. À la batterie, Stewart Copeland reste inégalé. Il martèle ses fûts comme au premier jour, et déroule ses rythmiques syncopées avec une aisance ahurissante. Il a sur le visage cette expression hallucinée qu’on lui connaissait 30 ans plus tôt. Le gardien du temple, c’est lui. Sur sa gauche, Andy Summers a délaissé sa légendaire telecaster pour une stratocaster rouge. Il accuse son âge (64 ans, soit dix de plus que Sting et Stewart), et semble un peu perdu. Impression ô combien désagréable qui persistera tout au long du concert. Le son, saturé de basses, laboure les oreilles et laisse peu de place aux subtilités de son jeu, bien plus sophistiqué que la moyenne.
Les premiers titres s’enchaînent sans temps mort : Synchronicity II, Walking On The Moon et When The World Is Running Down, mettent en branle l’implacable machine live. Les rythmiques du duo Sting–Copeland surprennent par leur modernité. Et l’on se souvient que When The World Is Running Down a fait l’objet d’un remix techno très réussi en 2000. Le public semble un peu perturbé par la nouvelle physionomie des tubes, martelés sur les ondes depuis trente ans. Mélodies retouchées et innovations instrumentales court-circuitent le karaoké géant qui menaçait de s’abattre sur nos têtes. L’ambiance retombe un peu avec l’interprétation décevante de Don’t Stand So Close To Me, Truth Hits Everybody et Wrapped Around Your Fingers. Le groupe sauve tout de même les meubles sur Driven To Tears, et Hole In My Life (sur lequel Sting plaque le refrain de Hit The Road Jack). Mais c’est avec Every Little Thing She Does Is Magic que le concert décolle vraiment. Une vrai réussite, bien plus puissante en live que sur album. Rassuré, Sting tente de faire chanter le public, sans grand succès. Les fans hardcore devaient être plus nombreux la veille, et son visage trahit une certaine déception. Rapidement, le spectacle reprend ses droits, porté par une impressionnante machinerie. Des lumières comme s’il en pleuvait, et une galerie d’écrans géants qui dissèquent chaque mouvements du trio. L’ambiance monte d’un cran avec De Do Do Do, De Da Da Da, maîtrisé de bout en bout. Invisible Sun et Walking In Your Footsteps plongent le public dans un monde de guerre, menacé d’extinction. Le visage d’enfants du tiers monde, d’Irak et d’ailleurs défilent sur les écrans, rappelant à tous que The Police est aussi un groupe engagé. Une énorme clameur récompense une version musclée de Can’t Stand Losing You, un des meilleurs titres de la soirée. Comme à la grande époque, le groupe embraye sur Regatta De Blanc et, cette fois ci, la foule reprend en cœur le cri de ralliement des fans. Une nouvelle ovation s’élève du stade lorsque Andy Summers entame Roxanne. Tant pis si le chanteur cafouille sur les couplets, la foule est aux anges. Un dernier accord et Andy brandit sa guitare en signe de triomphe avant qu’un roadie, trop zélé, ne la lui retire des mains. C’est la mi-temps. 2 – 1 pour The Police, face à lui-même.
À peine le temps de souffler et le groupe réapparaît. Sting ose une tape sur les fesses de Summers. Ça gaze entre ces deux-là. Près des amplis, une guitare rouge a fait son apparition. À qui est-elle destinée ? mystère… Stewart Copeland entame l’intro de King Of Pain sur l’estrade truffée de percussions qui surplombe la scène. Brusquement, il lance ses baguettes et plonge derrière la batterie, juste à temps pour le premier couplet. Ouf, le batteur est moins agile qu’en 1984, mais ça passe. Le rappel est une réussite. Après un So Lonely jouissif, qui offre enfin à Andy un solo à la hauteur de sa démesure, le groupe entame Every Breath You Take, et la foule chavire de bonheur. Pour clore la soirée, The Police réserve une surprise à ses fans. Alors que le groupe s’apprête à jouer Next To You, il est rejoint sur scène par le Corse le plus célèbre du rock’n’roll, Henri Padovani, guitariste de Police en 1977. La guitare rouge était pour lui. Le concert s’achève dans une orgie de son et de lumière, sous les acclamations d’un public impressionné par ses héros. Ce soir, The Police n’a pas déçu. Porté à bout de bras par la puissance du duo basse-batterie, le groupe a livré un set solide et inspiré. Bien sûr, la vélocité d’antan a disparu, et les titres punks sont méconnaissables. Bien sûr, la fluidité fait parfois défaut. Mais il émane de The Police une force et une dynamique inaltérables. Voila sans aucun doute un des meilleurs groupes de l’histoire du rock. Après un tel concert, on ne rêve que d’une chose : retourner les voir en 1979.
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