Concerts
The White Stripes

Paris (Le Zénith)

The White Stripes

Le 11 juin 2007

par Béatrice le 26 juin 2007

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11 juin 2007, lendemain d’élections... et rude matinée, même pour ceux qui n’ont pas suivi les soirées électorales jusqu’à pas d’heure, trop affligés qu’ils (ou elles) étaient par les résultats qui y étaient martelés... rude journée aussi, forcément. Quand on se prend une vague bleue dans la gueule, en général, on finit un peu (beaucoup) (en tout cas trop) sonné. Heureusement, la résistance est là, et bien là, en cette morne soirée de fin de printemps (mais était-elle vraiment morne ? avec ce que le temps est capricieux en ce moment, impossible d’en être sûre ; la licence poétique l’emporte donc, par KO, et ceux qui ne sont pas d’accord n’ont qu’à imaginer qu’à la place de "morne", c’est écrit "radieuse"). Le Zénith s’apprête à se prendre en pleine gueule une majestueuse vague rouge, du genre crasseux et échevelé, et va en ressortir suffisamment sonné pour en oublier l’autre, la bleue de la veille, mollassonne et propre sur elle.

En attendant la vague de déflagrations, la foule serpente le long de la l’interminable allée qui mène au Zénith, s’engouffre dans le bâtiment boursouflé, s’amoncelle devant les buvettes et les étals à merchandising couverts de superbes posters sérigraphiés, se masse dans les gradins ou s’épand dans la fosse, attendant que le duo de Detroit viennent chauffer à blanc le lieu pour la quatrième fois de son histoire. Discrètement, Mr. David Viner, première partie du soir, monte sur scène. Un type tout seul avec sa guitare, même s’il sera rapidement rejoint par un groupe déterminé à ne pas occuper plus d’un cinquième de la surface de la scène, devant quelques milliers d’yeux et d’oreilles assoiffés de blues, il faut le faire, et il va le faire, fort bien de surcroît. Le monsieur (ou Mister, puisque apparemment c’est ainsi qu’il faut le nommer) est anglais, mais il faut le savoir, ou alors croire que le Mississippi et les Rocheuses taquinent les Highlands et les Moors Outre-Manche, pour s’en douter, tant il sonne comme une parfaite première partie des White Stripes - c’est-à-dire comme un digne représentant des spectres qui (c)hantent l’Amérique mythifiée. Beaucoup plus tendre que les deux White qui vont suivre, il file un country-folk teinté de blues, plus imprégné du bourbon des saloons de l’Ouest que de la bière des pubs d’Albion, chanté d’une voix qui rappelle parfois celle d’Adam Stephens de Two Gallants, mais sur un fond moins rêche et adouci par les ronronnements d’une contrebasse et le chant langoureux d’un violoncelle. Une très belle première partie en somme, comme on en fait (trop) peu, de cette espèce rare dont on aimerait qu’elles restent plus longtemps sur scène, quand bien même on les aime, les White Stripes, et on a envie de les voir, depuis un an et demi qu’ils n’avaient pas posés les pieds dans le coin.

Mister David Viner s’en va, un Naast passe, des roadies en costume noir-cravate écarlate tapissent la grande scène du Zénith de vermillon, de haut en bas, jusqu’aux amplis teints pour l’occasion. Il n’y a guère que deux guitares qui auront échappé à la frénésie peinturluresque du tube de rouge, l’une arborant un blanc scintillant, l’autre un vert pâle marécageux ; la troisième, c’est LA guitare de Jack, et elle, bien sûr, elle est toujours rouge et blanche. Et finalement, après plusieurs salves d’applaudissements impatients, les deux se pointent, se payant le luxe d’être "annoncés" par Muddy Waters. Pas de kilt pour Jack White, ni même de trace de tartan noir-blanc-rouge, la cornemuse et les incantations à St Andrews resteront l’apanage de l’album à venir : loin du costume de magicien Willy-Wonkesque de la dernière fois, Mister Jack s’est sobrement contenté d’assortir son tee-shirt et son pantalon au vermillon du décor. Il balance When I Hear My Name, devant un public qui résiste à peine à l’envie de hurler son nom, et lui et sa guitare commencent à dégueuler leur vague cramoisie, distordue et rocailleuse. L’ombre de Meg White se profile sur l’écran rouge du décor et surplombe l’ensemble pendant que sa propriétaire martèle ses fûts et que le diable rouge qui s’agite dans le reste de l’espace malmène ses huit cordes (les six de sa guitare, et les deux du fond de sa gorge) et que la houle se lève dans le bassin du Zénith, brutale et bruyante.

La setlist fait la part belle aux White Stripes d’avant l’invasion des sept nations, et enterre les mélodies ironiques et pince-sans-rire de Get Behind Me Satan, complètement oublié (à l’enchaînement The Denial Twist/ Passive Manipulation casé en milieu de rappel près). Le set sera brut, rêche, crasseux et distordu et ne laissera pas une seconde aux minauderies ou aux atermoiements, pour son plus grand bien. Mais le duo n’a pas oublié qu’il avait un dernier-né sur le feu, tout près de sortir de l’œuf et d’investir en masse les bacs à disques, et parsème son champ électrique d’une poignée de nouveaux morceaux, qui, bonheur, ne déparent pas une seconde et (merveilles du téléchargement et de l’Empire d’Internet ? Ou simple accueil enthousiaste des fans ?) attirent tant d’acclamations qu’on les distingue à peine des anciens tubes. Sauf qu’ils sont nouveaux, cela va sans dire ; plus sombres, aussi, et souvent annoncés par un déplacement de Jack vers la droite de la scène, où trône un petit clavier (rouge, est-il besoin de le préciser ?) en apparence bien sage, en réalité machine à cracher des borborygmes bizarres que le chanteur triture allégrement au début de Icky Thump ou de I’m Slowly Turning Into You, tout en continuant à maltraiter sa voix et à faire feuler sa guitare. Sa guitare (mais pas la rouge, non, la vert marécage, avec une caisse de résonnance plus volumineuse, celle qui a dû tremper dans la boue du Delta et en prendre la couleur) va justement pouvoir feuler à loisir pendant toute la longueur de l’endiablé Catch Hell Blues, qui semble confirmer que le duo est possédé, ce soir -peut-être par l’esprit de St Andrews, qui sait ?

La fin du set voit Elephant investir la scène et s’y installer durablement, sans laisser beaucoup d’espace aux autres (un éléphant, ça prend de la place), même si Jolene va s’imposer, toute en tension, juste après un Cold Cold Night agrémenté des atours du clavier-bizarre-cracheur-de-borborygmes-inquiétants.
Le rappel sera pratiquement monopolisé par leur mastodonte de quatrième album, au grand bonheur du courant de foule qui s’en donne à cœur joie et remue la fosse sans répit, sans que les gradins ne soient en reste, à hurler en cœur le refrain de I Just Don’t Know What To Do With Myself ou le riff de Seven Nation Army (auquel on n’échappera décidément jamais, mais est-ce bien grave ?). Avant d’avoir pu commencer proprement sa dernière chanson, Mister Jack se voit offrir un bouquet de fleurs "de la mauvaise couleur, mais [il] le prend quand même" ; juste avant, il avait à peine frôlé ses six cordes que deux gamins survoltés, qui ne devaient même pas avoir l’âge de Meg à eux deux et qui sautillaient, haut dans les gradins, avaient reconnu la chose et entonné le riff, aux anges - comme la plupart des gens ce soir, très certainement. Parce que bon, il faut bien le reconnaître, les White Stripes, c’est bien, et le rouge, c’est beau.



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Setlist :

When I Hear My Name
Dead Leaves And The Dirty Ground
Cannon
Icky Thump
Effect & Cause
Hotel Yorba
Do
I’m Slowly Turning Into You
I Think I Smell A Rat
Catch Hell Blues
Same Boy You’ve Always Known
Hello Operator
Cold Cold Night
Jolene
Let’s Shake Hands
Ball & Biscuit
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Black Math
The Denial Twist
Passive Manipulation
I Just Don’t Know What To Do With Myself
Seven Nation Army