Portraits
Dans la basse-cour : portraits de bassistes part. IV

Dans la basse-cour : portraits de bassistes part. IV

par Aurélien Noyer, Emmanuel Chirache, Antoine Verley le 6 avril 2010

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Cet article est la suite de :

Kim Deal : la bonne fée de l’alternatif américain (Pixies)

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La basse, instrument de l’ombre ?

Dans la famille des bassistes décomplexées, je demande la mère, Kim Deal. Kim Deal, c’est l’anti-bassiste par excellence... Premièrement, avec les Pixies, c’est définitivement elle la plus cool. Entre un Black Francis bedonnant (et pas forcément à l’aise sans sa guitare), un Joey Santiago qui jette au public des regards effrayés digne d’un Raymond Babbitt et David Lovering qui cache son mini-short derrière ses fûts, tous les regards se portent naturellement vers la (pour une fois) charismatique bassiste. Tout sourire, assurant des chœurs à la limite de la justesse avec un aplomb de riot grrrl sous Prozac, elle définit mine de rien un nouveau type de bassiste. Pas mélodique pour deux sous (sauf peut-être sur Gigantic, et encore...), encore moins technique, elle ne peut même pas se revendiquer de la célérité bas-du-front d’un Dee Dee Ramone. Et pourtant Kim Deal assume avec une effronterie sans borne, et ça s’entend... parfois. Enterrée par des mixages déplorables sur Come On Pilgrim et Surfer Rosa (Albini est décidemment incapable de faire un mix correct), sa basse claque au premier plan tout au long de Doolittle. Proche du style sec et aride de l’alternatif américain des années 80 (Hüsker Dü et Minutemen en tête), le jeu de Kim Deal apparait néanmoins un peu plus fun, plus décontracté, plus cool... Malheureusement, l’ego de Black Francis, inquiet de voir Deal lui voler la vedette, le poussera à minimiser les interventions de sa bassiste sur les albums suivants. Dommage, car dites-vous bien que si vous dodelinez de la tête en écoutant Doolittle, c’est grâce à son groove minimal mais efficace.

Gene Simmons : beauferie en noir et blanc (Kiss)

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Un Gene taille basse.

Pas facile de défendre « l’obsédé sexuel déguisé en blaireau » (Ungemuth), puisque ce n’est point ici un artiste que nous glorifions, mais un technicien. Ôtons son foutu masque, hachons sa langue de 17 centimètres avec sa basse hideuse et écaillons sa putain d’armure. Faisons fi de sa vénalité revendiquée et brûlons la chaire de ce puant chantre du rock’n’roll way of life pour nous rendre à l’évidence : Gene Simmons est quand même un bon bassiste. Une image énorme, bien sûr, pour cet israélite qui a insisté pour que le logo du groupe contienne l’emblème de la Waffen SS, mais, contrairement à une palanquée de bassistes new-yorkais qui s’en sont contentés (Dee Dee Ramone le premier), chez lui, le jeu suit. S’il est la marque de fabrique du son Kiss, c’est parce que, grâce à ses lignes ingénieuses, il remplit à la fois la fonction rythmique et mélodique zappées par Paul Stanley, trop occupé à faire sonner de longs power chords (cf. des scies au nombre desquelles Rock and Roll All Nite ou encore Detroit Rock City) et Peter Criss, service minimum de la métronomie (cf. discographie). Bref, vraiment des branleurs, ces Kiss. Simmons fait le boulot à la place des autres, mais pas plus. Quelques notes tapant juste, la bête est groovy et mélodieuse dans un picking à la lubricité chatoyante qui donnerait presque envie de s’enfiler à nouveau ce laxatif gérontocrateur de night-clubs qu’est I Was Made For Lovin You (on a bien dit presque). Parce que même là, il gère, le salaud.

(Outre un chef-d’œuvre d’autosatisfaction tête à claques, le présent solo est plutôt pas mal, et, bonus, il est pas en blaireau.)

Jannick Top : Le John Paul Jones hexagonal ? (Magma, Johnny, Dutronc…)

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La basse au Top.

Parce qu’il fallait un français ? Evidemment, mais pas seulement, sinon n’importe qui aurait fait l’affaire. Et Jannick Top n’est pas n’importe qui, bien au contraire. « John Paul Jones français » pour sa virtuosité et son professionnalisme, mais aussi parce que l’animal aura passé l’essentiel de sa longue carrière comme pigiste et arrangeur classieux. Il apprend le violoncelle au conservatoire, et, passé à la basse dès la vogue du rock’n’roll en France, est le seul à conserver l’accordage de son instrument d’origine (CGDA contre EADG pour une basse normale). L’intervalle entre les cordes est augmentée d’un ton, offrant à la basse un potentiel mélodique considérable. Et Dieu sait que cela est important lorsqu’on est appelé à faire partie du plus avant-gardiste des groupes de rock français (Le premier qui dit « prog » se verra condamner à l’écoute d’un album d’Ange jusqu’à ce que sa cochlée déclare forfait et admette une légère nuance). Magma, singulier mélange de jazz, de rock et de musique contemporaine, a pour particularité de mêler des figures rythmiques alambiquées (polyrythmies, contretemps, accélérations, etc. Leur côté « free jazz » en somme) et une certaine unité, parfois swing (le fameux versant « rock » du groupe), vrai casse-tête pour n’importe quel bassiste. Lorsque Top joint Magma en 1973, les parties de Mekhanik Destruktiw Kommandoh sont déjà écrites ; mais, outre de légères modifications (de tonalité notamment, permises par son instrument de taré) ce qu’il leur apportera, c’est son jeu tout particulier, les doigts du placide chauve se contentant presque de caresser les cordes. On en veut pour preuves les subtils grognements qui suivent discrètement les grosses caisses martelées de Vander, et ces sourds vagabondages éthérés dans les hauteurs pour accompagner ses vibrations hypnotiques de cymbales. Après ça, outre Kohntarkosz, Udu Wudu et quelques retours sporadiques, Jannick Top ne rimera plus avec Magma (certes, ça n’a jamais été le cas), et l’animal courra les studios pour faire un lucratif usage de son mojo ronronnant auprès des grands de la variété française (Dutronc, Hardy, Vartan, Hallyday, Lavilliers, Gall, Higelin… La liste est longue), de prestigieux artistes internationaux (Ray Charles, Herbie Hancock, Ennio Morricone) pour finalement échouer arrangeur de Notre-Dame de Paris et du générique de Navarro. Y’a pas de justice...

Lemmy Kilmister : Le bourrin (Motörhead)

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Après les mi-bas, Lemmy basse ?

Lemmy Kilmister devrait être mort depuis longtemps. Un mode de vie comme le sien aurait en effet terrassé plus d’un bassiste, cet être souvent si raffiné et peu habitué aux excès. Lemmy, lui, fornique, boit, se drogue, dort peu ou pas. Il vit à la même vitesse que ses chansons, c’est-à-dire en dépassement de limite autorisée. A la basse comme dans la vie, Lemmy est un bourrin qui besogne son instrument pour le faire rugir de plaisir. "Everything louder than everyone else" [1] (soit "tout plus fort que tous les autres"), telle est la devise du bassiste. De la première à la dernière seconde d’un concert ou d’un disque, l’homme à la croix de fer impulse le rythme en bourrinant avec ses gros doigts les cordes de sa Rickenbacker en bandoulière. Sa voix de barbaryton se met alors au diapason et hurle à gorge déployée, si bien qu’elle n’est pas du goût de tout le monde, il faut bien le reconnaître. Pourtant, quel plaisir d’entendre Lemmy vociférer chaque refrain (en général c’est juste le titre de la chanson), type "The ace of spades !", "Stay clean !" ou "It’s a Bomber !". L’autre force de mister Kilmister (haha), ce sont ces énormes amplis de basse Marshall qui ont fait sa réputation, et dont certains portent sa signature comme le 1992LEM Super Bass Head. Une fois équipé comme ceci, il ne vous restera plus qu’à placer votre micro incliné vers le bas vingt centimètre au-dessus de votre tête pour ressembler à votre idole. En attendant, Lemmy est aussi capable de décocher quelques solos pas dégueulasses comme sur ce Stay Clean de 1985. On conseillera également aux néophytes l’écoute attentive du missile No Sleep ’til Hammersmith, live épique sorti en 1979, meilleure vente et probablement meilleur opus du groupe.

Sid Vicious : La potiche (The Sex Pistols)

Il a été pris en photo avec une basse. C’est là sa seule contribution à l’histoire de ce noble instrument à quatre cordes.

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Tu bluffes, Sid, ta basse n’est pas branchée...


[1Titre d’un album live de Motörhead.

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