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par L’équipe de rédaction le 19 janvier 2010
Paru en 2000 (DreamWorks Records)
Vous l’attendiez tous avec la plus grande impatience, le moment est venu pour nous de vous dévoiler le résultat de notre concours « écrivez sur votre incontournable des années 2000 ! » Et le gagnant est une gagnante (hé oui messieurs les rock critics, ça vous la coupe, hein) ; l’équipe d’Inside Rock tient à féliciter notre lectrice Eva Perez, qui est sortie de nulle part, comme ça, pour nous parler avec passion du regretté Elliott Smith et de son virage pop au commencement des années 2000. On applaudit tous, je vous prie !
Après avoir décidé que je ne viendrai pas grossir les rangs des chroniques sur Kid A, il a bien fallu que je lui trouve un remplaçant au titre de meilleur album des années 2000. La question qui arrive immédiatement après est : « Oui, mais comment ? »
On peut choisir de se baser sur des critères objectifs, purement musicaux, encore faut-il qu’il y en ait : le mieux produit, le plus original… On peut toujours tenter de chercher l’album le plus représentatif de sa génération, ou encore se baser sur des critères aussi mesquins que celui du nombre de ventes. Si on a du temps à perdre, et pour être certain que notre choix soit homologué, on peut se lancer dans une étude statistique, basé sur les critiques de ces dix dernières années. Sinon on peut choisir l’album qui nous vient en premier à l’esprit quand on nous parle des années 2000 ; celui qui nous a le plus marqué pour une raison ou une autre ; celui qui, malgré le flot de disques écoutés depuis lors, trouve toujours une place dans le lecteur. Celui qui nous fait penser quand on vide notre I-pod surchargé : « Non celui là je l’efface pas. »
En ce qui me concerne, cet album c’est Figure 8 d’Elliott Smith. Le dernier dont le garçon nous aura gratifiés de son vivant. From A Basement On The Hill, sorti en 2003 sera achevé par Rob Schnapf et Joanna Bolme, Smith ayant eu le mauvais goût de mourir avant la fin de sa réalisation.
Figure 8 est le second album de Smith paru chez DreamWorks et il est difficile de ne pas entendre le virage sonore à 180° que représente cet album dans sa discographie. Mais à y regarder de plus près il ne fait ni plus ni moins que suivre la trajectoire entamée avec XO, sur lequel Smith abandonnait petit à petit la formule guitare/voix qui avait fait ses preuves jusqu’alors, sans jamais pourtant atteindre les sommets de Figure 8.
Avec cet album on ne peut plus taxer Elliott Smith de chanteur dépressif, et il faudra définitivement ranger la comparaison avec Nick Drake au fond d’un tiroir (Le côté pleureur à guitare certainement, mais si on me demande je préférerais le comparer à Kurt Cobain. Une histoire de coiffeur). Exit aussi l’étiquette de chanteur de folk. Ce grand admirateur des Beatles et de Big Star fait de la pop, ce n’est pas une nouveauté et avec Figure 8, il enfonce le clou. La très Beatlesienne Pretty Mary K en est certainement la plus belle preuve.
Smith nous prouve une nouvelle fois, qu’il est passé maître en matière de mélodies (pop, on vous dit) qui font mouche. L’arrangement de son premier morceau, Son of Sam donne le ton : guitare saturée, relevée d’un piano entêtant, dont Smith fera une utilisation massive tout au long de l’album. Un peu plus loin, avec Wouldn’t Mama Be Proud ?, on est obligé de faire le même constat. Si avec Figure 8, Smith ne met pas complètement de côté son goût prononcé pour les mélodies ultrasensibles (Everything Means Nothing To Me) et pour les arrangements épurés (Somebody That I Used To Know), c’est tout de même le moment de jeter toutes nos certitudes sur le garçon.
Smith nous emporte avec ses arrangements élaborés, tranchant radicalement avec la brutalité et l’immédiateté des ses opus précédents : Everything Means Nothing To Me et ses ascensions instrumentales vertigineuses ; L.A (où Smith a d’ailleurs déménagé à l’époque de Figure Cool, évoque, à grand renfort de guitare courant derrière une déferlante de batterie, une frénésie urbaine absente jusque là de son répertoire ; celle-ci est d’ailleurs renouvelée avec Stupidity Tries et sa construction en montagne russe faite de monté en puissance à la batterie éclatante. Sur In The Lost And Found, il lâche sa guitare pour la première fois et il suffit de regarder quelques lives de l’époque pour se rendre compte à quel point il peut sembler à poils s’il n’est pas planqué derrière son instrument.
Easy Way Out est l’exemple même du changement d’Elliott Smith. Là où, sur un précédent album il aurait donné dans l’immédiateté d’un son brut, ici il nous gratifie d’une ballade à l’instrumentation foisonnante, rehaussée par ses éternelles harmonies vocales.
Can’t Make A Sound est un beau mensonge et cache bien son jeu, avec son titre fait de silence et son intro calme. Mais c’est pour mieux laisser place au déferlement sonore de percussions sans relâches, annoncé par un break de guitare.
Cet album, c’était peut-être un peu trop de bonne humeur d’un coup, notamment avec Color Bars et Happiness ; Figure 8 se clôt par Bye un morceau au piano d’un autre temps, à la pédale grinçante, un rien funeste.
Avec Figure 8, Elliott Smith nous montre une nouvelle fois l’étendue de son talent encore grandissant, les différentes couleurs qu’il était capable de donner à ses morceaux en alternant ballades et morceaux plus rock, efficaces et pleins d’optimisme, mais toujours avec cette délicatesse et cette poésie qui le caractérisent.
Après cet album, il ne nous est plus permis que de rêver à ce qu’aurait pu être la suite des évènements. Il sera au moins parti sur un coup de maître.
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