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Fluorescent Grey

Fluorescent Grey

Deerhunter

par Yuri-G le 26 juin 2007

4,5

paru le 9 avril 2007 (Kranky)

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Moins de trois mois après un album dense, brouillé de vapeurs immenses, Deerhunter réapparaît avec cet EP enregistré pendant le mixage de son prédécesseur. Là, quatre étincelles qui supplantent négligemment la deuxième moitié de Cryptograms, avec un son spectaculaire. Si alors, un morceau comme Spring Hall Convert affirmait le talent du groupe à jouer sur le terrain psyché le plus humble et le plus prenant, Fluorescent Grey n’a aucune peine à imposer pour de bon leur sens effroyable des volutes fumeuses savamment construites. Avec des mélodies plus lumineuses, des dynamiques sensiblement plus apaisées, Deerhunter se concentre donc sur ce qu’il maîtrise le mieux : un psychédélisme blafard, celui un peu éteint des aubes difficiles, reposant sur l’hypnose confuse de strates ambient et shoegaze.

Fluorescent Grey et ses accords dorés de piano, vite appuyés par des guitares presque carillonnantes si elles n’étaient aussi insistantes, sont le parfait écrin pour le romantisme toxique, les incantations sensuellement morbides de Bradford Cox. D’une voix sifflante et trouble, il plonge dans l’obsession des rêveries adolescentes, scande comme un vertige inassouvi le désir d’alors, et finit perché sur des cimes de guitares rêveusement lacérées, d’une puissance incomparable, qui s’étendent sur ce fantasme comme un voile de nostalgie électrique.

Why do I dream so often of his body
When his body will decay
His flesh will be fluorescent grey
 
You were my god in high school

Le morceau jouit d’une progression minutieuse et exceptionnelle, dans laquelle la pulsation rythmique et les bribes mélodiques assurent leur emprise répétitive, pour mieux fondre dans un grand flash sonore, white light/white heat mêlées. Une cohérence de ton, où chaque instrument tient miraculeusement sa place ; et l’osmose parfaite de chacun s’effectue lors d’une vague atmosphérique, où leur force démultipliée - stridences, frappe amplifiée, zébrures plombées - débouche sur un chaos hallucinogène, opaque et ébouriffant, pourtant très maîtrisé. L’ultime Wash Off en impose dans ce registre : Cox, sous emprise chimique, possédé par les démons d’une adolescence à jamais figée, formule inlassablement « I was sixteen, I was sixteen, I love sixteen » et le fracas final, les murs s’effondrent, dégommés par la batterie claquante, la basse appuyée, les guitares lâchées comme des fauves.

Entre-deux, touchés par une langueur crépusculaire, Dr Glass et Like New. En pleine possession de son univers, Deerhunter atteint la magie, totale. Plante une basse groovy - mais à l’étouffée - et l’agonie d’un clavier souffreteux, pour un funk désenchanté ; aborde la grâce planante de la dream pop, avec des teintes de cauchemar calfeutré. C’est le vertige, devant la complète maîtrise du groupe (à, quoi... à peine plus de vingt ans), la richesse incroyable du son, l’impression de n’être qu’au seuil de leurs possibilités. Il n’y avait guère que les Warlocks, aujourd’hui, pour avoir à ce point fait main basse sur l’héritage psyché, le ressortir sali mais beau et intime. Pour la première fois, en 2007, la foie absolue en un groupe. Le programme est déjà annoncé d’ailleurs : leur prochain album s’appellera Microcastle.



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