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par Gilles Roland le 3 janvier 2012
En 2010 paraissait en France l’autobiographie d’Ozzy Osbourne. Sobrement intitulé, Moi, Ozzy, le bouquin éclairait d’un jour nouveau l’une des personnalités les plus boarderlines du rock et livrait un récit à la fois passionnant, drôle et émouvant.
Quand Jack Osbourne, le fils du Prince des Ténèbres, plus connu pour ses frasques people que pour ses accomplissements professionnels, a annoncé la mise en chantier d’un film sur la vie de son illustre paternel, le headbanger a commencé à frissonner. Quelle vision pourrait bien proposer un tel film ? Un portrait dédié à la gloire de l’enfant terrible de Birmingham, lisse et poli, ou un brûlot acide répondant par l’image aux déclarations fulgurantes d’honnêteté du bouquin ? Le résultat impressionne et penche irrémédiablement vers la deuxième option.
God Bless Ozzy Osbourne, ou l’itinéraire d’un enfant cramé (et attachant).
Ozzy a 60 ans. Le film débute par la fête organisée en l’honneur du maitre tandis que ce dernier s’étonne d’en être arrivé là. Tous les proches sont présents, de Bill Ward, le batteur de Black Sabbath, à ses enfants issus de deux mariages. Optant pour une narration semi-éclatée, le film de Fleiss et Piscitelli opère ensuite un retour aux origines du mythe. Né en 1948 sur les cendres d’une ville ravagée par la Seconde Guerre Mondiale, celui qui se faisait encore appeler John Michael narre ses premières années sur Terre. Par la suite, les deux réalisateurs n’auront de cesse de faire des allers-retours entre le présent et le passé, remontant le cours d’une existence certes dédiée à la musique mais aussi profondément marquée par autant de blessures profondes et de frasques outrancières.
Qu’on l’aime ou pas, impossible de ne pas reconnaitre la popularité d’Ozzy. Patron incontesté de la scène métal, Osbourne participa à la naissance d’un genre et continue encore aujourd’hui de surprendre avec des albums qui, loin de sonner comme des tentatives désespérées de raccrocher les wagons, entretiennent une flamme encore bien vivace. Ozzy est ainsi une superstar. Une superstar qui se confesse sans détours dans un rockumentaire époustouflant de sincérité.
Car voyez-vous, Ozzy ne craint pas d’écorner sa légende. Tout le monde connait sa propension à l’excès et lui même sait très bien qu’il ne sert à rien d’essayer de policer une image de toute façon définitivement encrée dans la pensée collective. Car tout ce que vous avez entendu à propos d’Ozzy est vrai. Du simple tombé de chaise en pleine real TV au trip halluciné qui vit Osbourne sniffer une colonie de fourmis sous le regard médusé des membres pourtant bien tarés de Mötley Crüe.
Osbourne revient donc ici sur ses "faits de gloire" les plus marquants. A grand renfort d’images rares, le film raconte Ozzy au travers de l’histoire de la colombe décapitée, de la chauve-souris décapitée, elle aussi, de la tentative alcoolisée de meurtre sur Sharon ou encore sur les problèmes de santé récurrents d’un homme marqué au fer rouge par l’addiction.
L’homme, justement, parle de son goût immodéré pour l’alcool, pour la drogue et pour les farces extrêmes (comme la pose impromptue de matières fécales dans les chambres d’hôtels). Les intervenants de leur côté ne sont pas en reste. Parmi les moments forts, on retiendra le récit de Tommy Lee de Mötley Crüe, qui narre avec un mélange de respect, d’effroi et de nostalgie les "exploits" d’Ozzy lors de leur tournée commune. Rien n’est épargné au spectateur et ceux qui n’étaient pas au parfum risquent bien d’en tomber de leur chaise. Déconseillés aux âmes sensibles, ces compte-rendus d’un passé scandaleux font partie d’une histoire qui n’accepte pas les temps morts.
Autre point notable du long-métrage, l’émotion. God Bless Ozzy Osbourne revient en toute logique sur le décès du frère d’arme d’Ozzy, le guitariste prodige Randy Rhoads, tandis qu’Ozzy exprime ses regrets quant à sa négligence manifeste envers ses enfants. Des enfants qui ne se privent pas eux non plus de parler sans langue de bois de leur star de paternel.
On évoque aussi les Osbournes, la série polémique de MTV et on apprend combien cette surexposition faillit mettre un terme à la santé mentale et à la famille de l’ex-leader de Black Sab’. Jack, Kelly et Sharon abandonnent le strass et les paillettes des tapis rouges auxquels ils sont trop familiers, pour parler avec sincérité de cette période douloureuse, où leur père est devenu le dindon de la farce. Loin de redorer son blason, Ozzy apparait comme l’homme simple qu’il est resté. Un gamin aux pouvoirs illimités, mal dans sa peau et totalement inconscient. Un gamin qui, selon sa femme, a récemment grandi, pour devenir un jeune adulte de 60 ans (au moment du tournage), sobre depuis plusieurs années et, il faut le reconnaitre, à nouveau très en forme (et miraculeusement toujours en vie).
Ces flash-backs semblent douloureux pour Ozzy, qui encaisse pourtant sans broncher et sans cesser de se livrer, notamment quand ses enfants disent de lui quel mauvais père il fut. Tourné vers l’avenir, Ozzy reste lucide. En cela, le passage des balances, où le géant Zakk Wylde annonce à son boss que son chant est à côté de la plaque, laisse pantois. Ozzy encaisse, affirme que parfois ses concerts sont nuls, mais que jamais il ne baisse les bras. Très simple dans sa manière d’entrevoir son existence, Osbourne ne fait pas table rase ("tout arrive pour une raison" affirme-t-il) mais compte bien essayer de profiter d’une sobriété toute neuve.
Indispensable à tous les amateurs du personnage et à tous ceux qui souhaiteraient percer le vernis du paraitre, God Bless Ozzy Osbourne est une réussite totale. Malgré quelques raccourcis un peu frustrants, le film apparait maitrisé et sincère. On y rigole aussi souvent, Ozzy demeurant un grand farceur à la verve toujours irrésistible. Et puis il y a les surprises. Parmi elles, la présence de Paul McCartney, influence majeure d’Ozzy avec les Beatles, fait office de cerise sur le gâteau. On imagine alors la tête de celui qui décida de se lancer dans la musique à la suite de l’écoute de She Loves You en découvrant son idole de toujours dissertant sur l’importance de Black Sabbath.
Henry Rollins est aussi de la partie mais la chose est moins surprenante, vu que le gus semble connaitre absolument tout le monde, en encyclopédie vivante qu’il est. Du bon boulot donc. Chapeauté par un fils pour son père, qui, comme il l’affirme, veut présenter au public le "vrai" Ozzy. En cela, le pari est gagné haut la main. Généreux en bonus, le film propose des scènes coupées (dont une fin alternative), une séquence de questions/réponses entre Ozzy et son fils Jack et la présentation du film au festival de Tribeca à New-York
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