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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 21 décembre 2010
Paru le 1er novembre 2010 (Full Time Hobby/PIAS)
L’histoire pourrait être très brève. "Un adolescent trio londonien recrache son fanatisme pour l’indie rock américain des nineties." Ça pourrait s’arrêter là. On préciserait peut-être : avec sonorité lo-fi, et attitude dégingandée, et absurdité de façade. Pour le reste, limpide, Let’s Wrestle et son premier album tributaire (jusqu’au pastiche tout à fait gratuit de l’intitulé) se limitent à leur programme. Parmi la foule dévote, assoiffée de références pointues, rien ne les distingue même d’une quelconque sensation bombardée chaque semaine. C’est donc ça. Ça ne peut s’arrêter là, ce disque est un symptôme.
Il faut s’entendre. Lorsqu’on découvre les chansons de In The Court Of The Wrestling Let’s - sorti l’année dernière aux Etats-Unis, réédité ici avec un disque bonus - il n’existe en réalité aucun scandale. Pour peu qu’on goûte leurs évocations joviales de guitare hirsute, batterie sourde plus basse bombée, le but est atteint : rappeler à l’ordre les fantômes génériques d’une décennie chérie par le groupe, côté pop osseuse. Et puisqu’après tout beaucoup ont procédé ainsi ces dernières années, avec différents points d’attache, Let’s Wrestle n’est pas une exception, injurieuse anomalie se reposant seul sur une inspiration limitée, une approche orthodoxe de ses influences. Il se dégage heureusement un certain allant mélodique qui arrive à faire vivoter l’album de secousses telles We Are The Men You’ll Grow To Love Soon (assez imparable, l’air de rien) ou d’autres attraits (les solos de guitare aussi primitifs qu’enamourés de I’m In Fighting Mode). Il y a même un beau moment d’imprévu lorsque le dernier titre bascule dans un tourbillon psyché épique, lâchant la bride à des nuées de guitare et de clavier monstres. Pourtant quelque chose chiffonne avec insistance. De manière assez factuelle, l’album baigne dans le conformisme de sa production lo-fi, sans jamais chercher à débusquer une perspective autre que celle de la réplique un peu vaine. Puis le chant de Wesley Patrick Gonzalez, qui se traîne avec bonheur dans l’indolence et l’approximation plaintive de ses idoles (feignant d’ignorer que ce qui, dans ce registre, relève de l’affectation seule a un charme plutôt totalement limité). Mais ce qui chiffonne est plus profond en réalité. C’est que… Ce disque est un symptôme.
Car c’est à ce moment précis, à l’écoute de cet album que l’on réalise qu’un niveau de tolérance a été débordé. Let’s Wrestle ne sera jamais un groupe martyre, pas du tout. Mais il est à ce point le visage d’une certaine approche musicale contemporaine que lui seul peut soudain, maintenant, faire tomber sur sa création une foudre presque irrationnelle. Il s’agit d’une saturation médiatique. En elle, on a jasé avec ivresse sur ces sensations dont l’unique visée s’est résumée à "sonnons comme". Notes indicatives, allusions. Règne de l’influence, de la retranscription. Leur littéralité devient désormais insupportable. On se rappelle, il a existé dans l’histoire des moments feutrés où sortir un album signifiait, si ce n’est créer une œuvre artistique, du moins s’y attacher ou s’en approcher. Let’s Wrestle (et d’autres) se sont contenté d’occuper une place, en pensant fort à des disques vénérés. Ça s’arrêtera là.
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