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par Antoine Verley le 22 décembre 2009
On les adore, ces salles aux allures de squats vétustes, aux digicodes défoncés et aux entrées introuvables (ce qui n’est pas non plus un mal, échouer à l’entrée des artistes, c’est quand même la classe). On se croirait presque au coeur d’un ghetto, alors qu’on est en plein centre de la deuxième ville de France. Quatrième, diront les jaloux, mais là n’est pas la question, et de toute façon je les méprise. Bref, le Grrrnd Zero est, depuis vingt ans, l’un des centres de l’underground lyonnais, ex aequo avec le Sonic (Et pas le Citron, ersatz provincial du Gibus et maternité des bankable Music Is Not Fun. Voyez le genre), pote sous assistance respiratoire. Cette année, les spectateurs assidus auront pu voir dans une des deux salles de Grrrnd Zero les Datsuns, Dälek, Health, Fuck Buttons, Secret Chiefs 3 ou encore Oxbow et Pneu. Dans le genre progra pour lecteurs de Noise et Ipecac freaks, on est en droit de se dire que ça se pose là, quand même, non ? Bon.
Nous pénétrons donc dans la salle, fleurie d’affiches pour des "Concerts de soutien à l’affichage libre" [1]. Le premier concert, assuré par les dijonais d’Anaerobie fut, comme leur nom le prévoyait, à couper le souffle (Facile, le calembour ? Oui, mais le fait que même des gens payés osent le style justifie à lui seul ma démarche. Non mais). Le principe est simple : Un guitariste shredde pendant une heure sous les coups suants d’un batteur au look entre perse / basileus / dieu grec. Preuve que la formule instrumentale promue par la tête d’affiche (Karma To Burn pour ceux qui auraient pas capté) fait des émules au pays des 400 fromages, ce boucan étrange qui ressemble comme deux gouttes d’eau à des Fantômas sans voix, sans basse et sans le moindre riff potable plaît. Dommage, les morceaux complexes (un seul ratage de tout le concert, quand même) étant savoureux de par la virtuosité du batteur et sa double pédale qui donne à l’ensemble une force melvino-slayerienne plutôt jouissive, et sauve le côté stupéfiant du truc. Sur le site internet de la salle, la description du groupe, si elle ne vous donnera aucune idée de la teneur du groupe, se passe néanmoins de tout commentaire : math rock salsa grind avec plein de cheveux partout.
Même pas le temps de trembler pour nos vies sous la fragilité manifeste de ce plafond, que le matos du groupe suivant est déjà en place, moins minimaliste que les deux gaillards précédents. S’installe alors une peur pour nos écoutilles, soudainement envahies d’une voix vibratante type Dolores O’Riordan (Cranberries, pour les rares qui auraient la chance de pas connaître) : "Hiiii, we’re Sleepy Sun !" Séchons nos larmes, il y a un autre chanteur. Ouf. Des passages de berceuse type Grateful Dead ne tardent pas à être trahis en plein milieu de morceaux par des roulements de batterie tribaux, type "chasse-de-crocodile-dans-le-bayou-avec-maracas" qui n’auraient pas fait tache sur des albums de Creedence. Marrant de voir les deux extrêmes se rejoindre. Pour rester dans l’absurde, l’ambiance de vieille salle insalubre colle difficilement avec les passages de transe psychédélique avec pédales d’écho. Et l’ensemble, soli en bandoulière, décolle infiniment plus qu’en studio. Tout ça, non pour dire "n’achetez pas", mais carrément "Allez voir Sleepy Sun" !
Néanmoins, et, en fin connaisseur, vous l’aurez deviné, la baffe de la soirée sera Karma To Burn. Une fois installés, ils démarrent le set avec un larsen terrifiant de complaisance stupide. Il sera d’ailleurs cocasse de remarquer, en voyant la moitié de la salle se tordre de douleur en roulant sur le sol, qui dans le public a oublié ses boules quies. Démasqués, les "même-pas-mal" de service qui s’écrouleront avant même le véritable début du set ! Ce début, Eight, fera voler nombre de tignasses vers le zénith, ouvrant la voie à un Nineteen à calculer sur l’échelle de Richter. Aaaah, ce riff basse/guitare en osmose, louvoyant avec la grâce d’un ver géant stoner ! Sous le foisonnement de riffs impeccables (il n’est pas nécessaire de les connaître pour headbanger comme un abruti), les parois de la salle menacent de s’écrouler. Il semblerait que nos West-virginiens aient pris pour eux le cliché journalistique du "mur de Marshalls" : les fameux amplis cachent effectivement la totalité du mur arrière de la scène, et même plus. Vous imaginerez aisément la taille de la salle, et, partant, le carnage sonore qui en résultera ! Pas besoin d’avoir fait un tour au bar pour chanceler en s’évadant de la prestation miraculeuse de ces trois beaufs terriblement classieux au son titanesque.
[1] Les fameux concerts furent inspirés par les déboires de l’association Barbe à Pop, programmatrice de concerts, qui écopa de 1700€ d’amende dans un procès pour affichage sauvage
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