Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Dumbangel le 24 mars 2009
paru en 1969 (Laurie Records) ; réédité en 2001 (Sundazed)
Pour les amateurs de pop baroque, le nom de The Left Banke évoque certainement le meilleur du genre. Leur premier album est reconnu pour être l’une des plus pures merveilles qu’a pu engendrer la pop music des 60’s. En effet, Walk Away Renee/Pretty Ballerina, est un disque à ranger précieusement entre le Pet Sounds des Beach Boys et Odessey And Oracle des Zombies. Faites dès à présent une petite place, car vous pourrez dorénavant y ranger à côté le disque de Montage. Avec une discographie des plus maigres (deux albums, quelques singles), des tensions étant apparues très tôt entre Michael Brown (le compositeur et clavier) et le reste des musiciens de The Left Banke, cet unique disque de Montage peut être pratiquement considéré comme le troisième album du groupe. En effet, alors en rupture de The Left Banke, Michael Brown prolongera sa vision d’une pop music, racée et baignée d’arrangements baroques, aux harmonies vocales riches et travaillées au travers de ce disque où il ne fait que composer, jouer du piano et signer les arrangements vocaux. Enfin, c’est ce que laisse entendre en tout cas les crédits du disque. Dans les faits, la réalité est tout autre. Montage est le projet de Brown, cela ne fait aucun doute, et les quatre musiciens y figurant, pour la plupart des amis de l’intéressé venant du même coin que Brown, le nord du New Jersey, ne sont là que pour défendre la vision de Brown, véritable démiurge musical du groupe. C’est que ce fils du violoniste et arrangeur Harry Lookofsky, est un pur génie dans son genre. Le genre à toucher les étoiles, à tutoyer les cieux avec deux-trois notes de musique, des cordes, un piano et des compositions à tomber par terre.
Ce n’est pas un si pur hasard si Montage dégage un fort parfum de The Left Banke. Toutes les chansons sont en effet co-signées avec soit Bert Sommer ou bien Tom Feher, les deux intéressés ayant participé à l’écriture de morceaux pour l’ancien groupe de Brown. Et si la production est assurée par Brown à lui seul, les arrangements classiques, magnifiques de beauté et de pureté, sont signés pour quatre d’entre eux par le violoncelliste Seymour Barab et les six autres par John Abbott qui avait lui aussi travaillé sur Walk Away Renee/Pretty Ballerina, le premier album du groupe. Par ailleurs, certaines chansons de Montage furent enregistrées avec les membres de The Left Banke, telles que Men Are Building Sand (jamais sortie officiellement du vivant du groupe) ou bien Desiree, sortie en single en 1967 lorsque Brown réintégra sporadiquement le groupe pour le quitter aussitôt. Si la collaboration de Brown avec Tom Feher date du début du groupe avec Walk Away Renee/Pretty Ballerina, celle avec Bert Sommer (dont au passage, Rev’Ola vient de rééditer son premier album solo, mais on en reparlera bientôt) commença avec le single And Suddenly/Ivy, Ivy, single sur lequel Brown officiera seul sous le nom de The Left Banke.
Alors que le mariage musique classique/musique rock ne donnera pas que des résultats heureux dans l’histoire du rock (humm, on ne citera pas de nom pour ne froisser personne, pourtant les exemples ne manquent pas ...), Brown réussira l’exploit de produire la quintessence d’un style qu’il aura en partie inventé et su sublimer à chaque chanson qu’il aura composé. Sur les dix morceaux originaux de l’album, presqu’aucun ne dépasse les trois minutes. Bref, la classe absolue. Car, du moelleux I Shall Call Her Mary, qui ouvre l’album et qui fait référence à Mary Weiss des Shangri-Las, que Brown et Feher admiraient plus que de raisons, en passant par Desiree ou bien par le sommet du disque qu’est Tinsel And Ivy, l’album baigne dans un romantisme des plus assurés, porté par les arrangements classiques de Seymour Barab et de John Abbott, ainsi que par les attendrissantes harmonies vocales des quatre membres de Montage. Par moment, le groupe sort des sentiers du romantisme mélancolique pour délivrer un très vaudevillesque An Audience With Priscilla Gray, ou bien encore le dernier titre de l’album, Wake Up Jimmy, chanson sautillante malgré le thème abordé, la bombe nucléaire.
Seule exception dans l’album, My Love, écrite par le seul Tom Feher, est portée au son d’un clavecin et témoigne d’une préciosité malicieuse avec son final en forme de duel entre une trompette insolente et un violoncelle retors. Tout le reste de l’album n’est que perdition stellaire dans l’univers sombre et torturé de Brown. La mélodie hantée de She’s Alone, dominée par la préciosité vocale, à moitié fausse de Bob Steurer, est envoûtante à souhait sous les coups d’archets, virevoltant autour des chœurs aériens et faussement naïfs du groupe, pliant finalement sous l’assaut menaçant des cuivres vers la fin de la chanson. La coda placé en fin d’album après Wake Up Jimmy, avec ses accords de piano menaçant, ralentissant sous fond de spirale sonore venteuse semble indiquer une fin d’album en forme de point de suspension... à laquelle l’histoire n’apportera aucune suite malheureusement. Enfin, pas vraiment car Sundazed a eu la bonne idée de glisser quatre inédits en fin d’album. The Mirror composé par le seul Bert Sommer, mais privé d’arrangement de corde, n’aurait pas démérité sur l’album original, tandis que l’on retrouve les versions instrumentales de The Song Is Love et de Desiree. Thor And Or est un autre instrumental au rythme enlevé signé Brown, auquel il n’a certainement pas eu le temps d’ajouter des paroles.
Après Montage, Brown formera les Stories et enregistrera deux albums avec eux en 1972 et 1973 qu’il quittera très vite pour enregistrer avec les beaucoup plus rock Beckies au milieu des seventies pour un résultat beaucoup moins concluant. Puis, il se retirera du circuit, sa dernière vraie contribution datant du début des 90’s en tant que compositeur et musicien pour Yvonne Vitale. À propos de Montage, il déclarera en 1986 à Dawn Eden de The Bob Magazine : "Montage étaient plus mes amis que des gens qui pouvaient véritablement faire un album. Quelques personnes aiment l’album de Montage, et j’aime quelques chansons dessus, mais une hirondelle ne fait pas le printemps, n’est-ce pas ?". Après la redécouverte de l’album via cette réédition, on ne peut que considérer ce jugement bien sévère tant la musique qui y est contenue n’a pas pris une ride, et ne sonne pas si datée que ça, comme tant de bon vieux albums de la mouvance psyché de l’époque peuvent l’être. Et quoiqu’en pense Michael Brown, Montage est certainement l’un des plus bel album de pop baroque jamais écrit sur terre.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |