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mercredi 15 avril 2015
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par Milner le 15 novembre 2005
paru le 23 septembre 1991 (Sub Pop / Geffen Records)
La pochette de Nevermind comporte l’image la plus mémorable du grunge de Seattle - et a par la suite été fréquemment parodiée. Kurt Cobain a eu l’idée d’utiliser la photographie d’une naissance sous l’eau. « Un jour, je regardais avec Dave (Grohl nda) un documentaire à la télé sur les naissances d’enfants sub-aquatiques et puis j’ai pensé que ça pourrait être une superbe idée pour une pochette d’album. » déclara Cobain lors d’une interview. Robert Fisher, le graphiste, a trouvé quelques clichés sur ce sujet, mais ils étaient trop explicites, et surtout trop chers. Le groupe a alors préféré un cliché représentant un bébé nageur, devenu le thème central.
Le trio embaucha alors le photographe Kirk Weddle pour prendre ses propres clichés, ce dernier utilisa Spencer, le dernier-né de ses amis Renata et Rick Elden, âgé de trois mois. « Nous étions tous les deux sous l’eau, mon mari et moi, au moment de la photo. On a dû immerger Spencer trois fois et Weddle réussit à prendre ce cliché après seulement douze tentatives » confia Renata au Daily Mirror, un beau jour de 2002. La photo de l’enfant fut réalisée en utilisant un objectif de 35 mm avec une machine photographique insérée dans une garde sous-marine et la scène eut lieu dans une école de natation à Pasadena. Cobain a alors apposé la touche finale, le billet d’un dollar accroché à une ligne de pêche devant être l‘objet poursuivi, transformant l’image en une évocation cynique et narquoise du matérialisme inné de la race humaine.
En effet, la photographie d’un nouveau-né (dans sa pleine innocence) qui nage entre les reflets des nuances du bleu de l’eau très limpide représente la naissance et la vie, la pureté et l’ingénuité, qui sont à la base de l’existence enfantine. Trop bien-pensante pour qu’une question ne se pose pas spontanément : « Et si l’enfant n’était ni plus, ni moins, que la représentation de notre société totalement dévouée au dieu Argent ? ». En mettant en lumière la critique de la société de consommation, trop préoccupée par les montants des comptes en banque et des biens matériels à défaut d’évoquer la sphère des affections et des émotions personnelles, cette question ne semble pas déraisonnable. La pochette de Nevermind dénonce le besoin vital de dresser les êtres humains pour rechercher dans la richesse son bien-être intérieur, comme ce nouveau-né qui, après trop peu d’heures d’existence, doit décider de quel côté tourner son regard : vers les dollars flottants ou vers une mer bleue et pure comme le ciel ?
Geffen prépara une pochette alternative car la plupart des décisionnaires devinrent frileux à l’idée de laisser apparaître un penis sur la photo, de peur d’offusquer les gens. Mais Cobain tapa du poing et fit comprendre que le seul compromis qu’il pourrait tolérer serait la pose d’un sticker couvrant l’objet compromettant et que quiconque se sentirait choqué par cette pochette ne vaudrait pas mieux qu’un pédophile. La pochette fut évidemment publiée et la photo alternative figure désormais dans le livre de Michael Azerrad, Come As You Are. Spencer reçut à peu près 200 $ pour son apparition sur la pochette mais possède désormais un disque d’or de Nevermind ornant fièrement le pan de mur au-dessus de son lit. L’image de cet innocent nourrisson tenté par l’influence corruptrice de l’argent a été élue la meilleure pochette d’albums de tous les temps selon plusieurs magazines américains.
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