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par Our Kid le 23 janvier 2006
One, l’une des meilleures chansons des années 1990 et le rêve d’un paquet de compositeurs, cache une genèse atypique, à rechercher en plein cœur de Berlin...
The Edge : « C’était à l’automne 1990. Nous étions à Berlin aux studios Hansa où Bowie avait enregistré « Heroes », à essayer de mettre en place des nouvelles chansons. Ça n’allait pas très bien. Adam et Larry (Clayton et Mullen Jr, respectivement bassiste et batteur du groupe) voyaient plutôt d’un mauvais œil les idées de Bono et ma facilité à composer devenait de plus en plus évidente à mesure que nos différentes expérimentations nous menaient nulle part. On écoutait pas mal de musique industrielle et les sons qu’on faisait étaient assez intenses.
Á ce moment-là, je me suis éclipsé dans une autre pièce pour assembler quelques idées pour The Fly (le single qui paraît le 22 octobre 1991 et qui figure également sur l’album Achtung Baby). Je suis revenu avec deux idées mais aucune des deux ne fonctionnait là où elles auraient dû. Daniel Lanois (nda : producteur d’Achtung Baby avec Brian Eno) suggéra alors de les assembler et cela fit une forte impression à Bono. Nous sommes donc tous sortis vers la grande salle d’enregistrement - une immense et sinistre salle de bal, remplie de fantômes de la guerre - et tout se mit en place. Les mélodies et les phrasés de Bono jaillissaient, et à la fin de cette journée on avait pour ainsi dire tout, la forme entière du morceau.
Tout le monde a admis que ça a constitué un moment crucial dans le développement de ce qui allait devenir Achtung Baby - ironiquement c’est allé dans une direction totalement différente par rapport aux choses sur lesquelles on travaillait. Mais tout le monde s’accordait pour dire que c’était un morceau spécial. C’était comme si on avait entrevu de quoi la chanson pouvait se composer. Puis il s’agissait de capturer son essence mais également d’essayer de ne pas y toucher. Ces chansons qui semblent arriver complètement terminées, on ne veut pas trop y toucher.
Les paroles étaient les premières dans un style nouveau, plus intime. Il y a deux idées, essentiellement. Á un niveau, c’est une conversation amère, tordue et au vitriol entre deux personnes qui ont traversé des choses désagréables, des choses fortes : « We hurt each other/Then we do it again ». Mais à un autre niveau, il y a l’idée que « we get to carry each other » (nda : « nous parvenons à nous soutenir »). « Get to est la clé. Les paroles originales étaient « we have to carry each other » (nda : « nous devons nous soutenir ») et ce n’était pas assez bon - c’etait quelque chose de vachement trop évident et d’une putain de platitude. Mais « get to »...c’est comme si c’était notre privilège de soutenir l’autre. Ça met tout dans une perspective différente, ça introduit cette idée de grâce.
Ça continue de me trouer le cul lorsque ce morceau est joué dans les mariages. Je ne voudrais pas qu’on le joue à mes mariages. Mais j’imagine que c’est dû, en dépit de tout le boulot qu’on y trouve, au pouvoir de « we get to carry each other » qui submerge tout. Et cette honnêteté y contribue avec les paroles tape-du-poing.
Je pense aussi que ça a ouvert de nouveaux horizons pour U2. Ce n’est pas une chanson qu’on a déjà essayé de réécrire. On ne voudrait pas encore la refaire. Mais sa petite gamme, l’intimité ont été repris sur différents autres disques et chansons. La retenue était quelque chose de nouveau - nous avons appris comment contenir pouvait se révéler plus puissant que laisser aller.
La première fois que j’ai entendu la version de Johnny Cash, j’étais dans le studio. Je suis un grand fan de Johnny Cash - la première fois que j’ai entendu Hurt, je suis tombé à la renverse - mais One m’a surpris. C’était tellement l’interprétation de Johnny, si différente. Mais c’est ce qui est génial à son propos, il se l’appropprie réellement. Quelqu’un a dit que sa voix était le son du Grand Canyon s’il pouvait chanter. Ces mots, avec cette mélodie, avec cette voix : il m’a vraiment eu.
Mais c’est toujours super d’avoir une chanson que les autres artistes adorent reprendre et au fil des années, on a dit de belles choses sur One.
Une belle réussite, ce One. Quand on a intitulé le morceau, j’ai toujours su que ce serait le numéro un de quelque chose. »
Certains observateurs ont vu à travers les paroles de Bono, un message destiné à contrebalancer un certain revival hippie qui sévissait depuis l’époque du Second Summer Of Love (1988), une sorte de lucidité. Plutôt que de dire : « One man, one world, one love », ce qui pourrait promouvoir la vie en communauté, le chanteur adresse un : « One man, but not the same », rappelant au passage que nous n’avons pas le choix, que nous devons accepter notre condition humaine.
Bono, justement, livre une version quelque peu différente de l’origine du morceau. L’Irlandais s’était publiquement déclaré surpris que One ait été utilisée durant les mémorables émeutes urbaines de Los Angeles, en 1992, au vu de son message d’espoir et de réconfort. Il ajouta : « Pour moi, c’était une chanson très amère ». Quant aux paroles, il n’a cessé de rappeler qu’elles étaient « tombées du ciel », « un cadeau des cieux ». Á mesure que se concrétisait la mélodie, Bono avait en tête des thèmes comme la tristesse intouchable, l’absence d’harmonie, la maladie ainsi que des relations qui se terminent trop tôt. Pour lui, les paroles n’ont rien à voir avec la solitude mais plutôt avec la notion de différence. « J’avais un tas de choses qui me passaient par la tête à l’époque, à propos du pardon, à propos de la colère entre un père et son fils. J’essayais d’écrire une chanson-histoire je pense, et je ne suis justement pas doué pour cela. Les paroles sont venues très rapidement. D’ailleurs, la plupart des chansons de U2 sont des premiers brouillons. »
Pour certains, la chanson traitait d’un fils qui annonçait à son père qu’il était atteint du SIDA, ce que ne démentit jamais le groupe. Il fit d’ailleurs don de tous les bénéfices récoltés par les ventes du single One au profit de la lutte contre « la maladie de l’amour ».
One reste, au final, selon Noel Gallagher du groupe Oasis, « la meilleure chanson jamais écrite de tous les temps » mais, aussi et surtout un tournant dans la carrière des Irlandais, l’une des premières fois où leurs morceaux ont rencontré un écho universel, signe que derrière son titre de solitaire, One s’adressait finalement au plus grand nombre.
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