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mercredi 15 avril 2015
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par Our Kid le 1er novembre 2005
En 1968, les Beatles sont parvenus à se hisser au sommet de la musique et du business grâce à leur petit bébé, le label Apple Records, sur lequel sortira d’ailleurs leur double-album éponyme à la fin de l’année. Ce label était sensé concrétiser les aspirations artistiques les plus folles qui régnaient à l’époque, la fin des années 1960, où l’on pouvait percevoir que certains équilibres étaient remis en cause. Petit rappel :
On assiste à des émeutes raciales à Chicago, les protestations contre la guerre au Viêt-Nam s’intensifient et notamment aux États-Unis, l’indépendance des anciens territoires coloniaux britanniques tournent au drame au Biafra (actuel Nigéria), un vent de liberté souffle sur l’Europe, en réaction au dirigisme soviétique, comme le prouve le « printemps de Prague ».
Au niveau des idées, la libération de la femme et la consommation de drogues font figures de révolution et c’est cet élan que l’on retrouve en France sous le nom de « mai 68 » que l’on peut définir grosso modo comme la remise en cause de la société de consommation et de l’uniformisation à travers le développement d’une jeunesse contestataire.
L’heure est aux modernités en trompe-l’œil, on relève les signes triviaux d’une fantastique régression intellectuelle, retour au degré zéro, à l’état primitif. C’est également le triomphe du pop art : l’art pénètre les foyers et on note aussi l’élargissement de l’art à d’autres disciplines, telles le design, la photographie ou la bande dessinée, etc...
En fait, Revolution 9 reflète parfaitement ce qui se passe en 1968, même si la paternité du morceau ne saurait être attribuée au groupe, comme le fait remarquer Steve Turner dans L’intégrale des Beatles :
« Revolution 9 n’est ni une composition de Lennon et McCartney, ni un enregistrement des Beatles. C’est un collage de 8’15" réalisé par John et Yoko. [...] Le morceau consiste en des hurlements et gémissements, accolés à une série de bruits discordants censés représenter le fracas d’une révolution. Puis d’autres bandes de brouhaha, de foule et divers bruits provenant de la sonothèque d’effets sonores de EMI furent apportés. [...] La bande la plus mémorable (et qui explique le titre de la chanson) est une voix puissante qui répète « number 9, number 9 ». Cette bande proviendrait des archives et semble avoir été extraite d’une question enregistrée pour un examen à l’Académie royale de musique ».
À propos des ingrédients composant le morceau, Jacques Volcouve, dans George Harrison - Anthologie 1943-2001, précise :
« Il se présente comme un collage de bandes magnétiques relativement hétérogènes, dont certaines sont à l’endroit et d’autres à l’envers. Ce 20 juin donc, Harrison s’est joint à Lennon et ils enregistrèrent des mots étranges comme The Watusi - The Twist - financial imbalance - take this brother, may it serve you well - Eldorado. Ce morceau devait être leur plus long [...]. Le mixage de Revolution 9 eut lieu le 25 juin et, pendant des jours, les techniciens d’Abbey Road déambulaient dans les couloirs en disant : « number 9, number 9 ! ». »
Volcouve ajoute que « Revolution 9 est enregistré les 6, 10, 11, 12, 20 et 21 juin 1968.
Les origines de ce morceau remontent au 30 mai 1968 au studio d’Abbey Road, pendant le fading de l’enregistrement de Revolution 1 (nda : morceau présent sur The Beatles). »
Bien... mais pourquoi un tel morceau ? Et puis, comment a-t-il été réalisé ?
Pour répondre à ces interrogations, voyons ce que propose John Lennon lui-même :
« J’ai passé plus de temps sur Revolution 9 que sur la moitié des autres chansons que j’ai composées (nda : pour The Beatles).
Comme la version lente de Revolution sur l’album n’en finissait plus, j’ai pris le passage avec le fade, et j’ai ajouté des couches et des couches par-dessus. C’est le rythme de base du Revolution original répété avec une vingtaine de boucles qu’on a ajoutées, des trucs tirés des archives EMI. Je trouvais des bandes classiques, je montais les découper, les passer à l’envers pour obtenir les effets sonores.
Il y avait une vingtaine de magnétos et des gens qui tenaient les boucles avec des crayons - certaines, longues de quelques centimètres, d’autres, d’un mètre. Je les ai toutes intégrées et mixées en direct. J’ai fait quelques mixes avant d’en obtenir un qui me plaisait. Yoko (nda : Ono, sa compagne de l’époque, elle-même membre du courant artistique fluxus) est restée là tout au long du travail. Elle décidait quelles boucles employer. Je suppose que j’étais un peu sous son influence.
Revolution 9 était un portrait inconscient de ce qui, je le crois vraiment, arrivera quand ça arrivera. C’est comme un dessin de la révolution. Ce n’était que de la musique concrète, abstraite, des boucles, des gens en train d’hurler... Je me disais que je brossais un tableau de la révolution à l’aide de sons. L’erreur, c’est que c’était anti-révolution.
C’est comme une peinture gestuelle. Le « number 9, number 9, number 9 », c’était la voix d’un ingénieur du son. Ils font des tests pour vérifier que les bandes sont bonnes et la voix disait : « this is number nine megacycles... ». J’ai aimé la façon dont il disait « number nine ». J’en ai fait une boucle et j’ai introduit ce son quand ça me chantait ».
Merci pour ces précisions John ! Il ne reste plus qu’à vérifier l’accueil réservé à la sortie du morceau sur l’album The Beatles :
« Pourquoi les Beatles ont-ils, en créant un superbe et unique double-album, gaché un tel chef-d’œuvre avec l’atrocité qu’ils appellent Revolution 9 ? En tant que fan des Beatles, je ne pense pas que je serai seul à exprimer ma déception face à l’inclusion de huit minutes d’abomination pour l’oreille. Pourquoi, pourquoi ? »
Et bien, à vrai dire, le morceau suscite toujours autant d’incompréhension :
« Revolution 9 constitue un bouton sur le visage de l’album. Ouais, très mystérieux, chéri. Pourquoi faites-vous cela ? »
Alan Smith, journaliste à NME
Le mot de la fin revient à Lennon :
« Je ne sais pas quelle influence Revolution 9 a eu sur les plus jeunes fans. Mais la plupart d’entre-eux ne l’ont pas aimé. Alors que faire ? »
Une solution ? euh... écouter le morceau, le réécouter encore et encore ! (je vous assure que c’est possible...)
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