Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Vyvy le 2 octobre 2007
paru en 1988 (Apple records / EMI)
Les Beatles, ont, à partir de 1962, pris le Royaume-Uni, puis le monde par surprise. À leurs pieds se trémoussaient et se pâmaient fans de presque toutes nationalités. Ce genre de chose, ça ne s’oublie pas. Surtout quand on a la chance de les avoir sur son label.
En 1988, les ventes de lecteurs CD dépassent les ventes de platines vinyles, la nouvelle ère s’ancre, et les maisons de disques sentent l’air tourner. Mais ce fichu air du temps les fait également tourner en bourrique. Ressortir les Beatles, la belle affaire ! Vous croyez que c’est facile ? Tous leurs tubes (I’m Down en tête) ne sont pas sur leurs albums anglais, les seuls qui ressemblent à quelque chose (les versions américaines étant des pot pourris touchant à l’immonde, que seul les collecteurs s’arrachent, et encore, pas férocement).
Deux options s’offrent à notre maison de disque (Apple Records). Mettre, à la suite des originaux, des « titres bonus », avec les singles (faces A et B), EP et autres rarities de l’époque correspondante, ou… sortir une compilation (et donc deux produits Beatles de plus). L’idée s’enracine. Un écrin pour un pot pourri mêlant les vrais tubes ; et aussi, pour rameuter le vrai fan des trucs introuvables (citons au hasard la version Ringo de Love Me Do présente sur les premiers pressages du single, avant que la version Alan White à la batterie/Ringo au tambourin ne la remplace, et à la fois sur les singles et sur l’album). Le kitsch des années 80 s’estompe. Il faut en appeler à la classe (ultime ?) des Fab Four. Un écrin donc, noir, blanc. Un nom, Past Masters. Un nom qui leur colle si bien…
Past Masters : quelqu’un qui a, il y a un temps, tenu une position de maître dans une catégorie. Quelqu’un qui est particulièrement doué et expérimenté dans un domaine particulier. Que dire de plus que : bin oui, les Beatles quoi.
Le Past Masters Volume 1, c’est surtout un paquet de tubes impressionnant. De She Loves You, single le plus vendu des Fab Four au royaume de sa Majesté (et qui fit beaucoup pour l’appellation yeah-yeah, qu’on retrouve en France avec nos Yéyés) à I Wanna Hold Your Hand single qui marque l’invasion britannique, sous couvert de « sortir les simples », la maison de disque nous fait une jolie compilation des tubes des Beatles.
Se laisser bercer par le mélancolique This Boy en regardant la pluie tomber, ou juste un ciel gris morne et monotone pourrait être tentant, les Beatles ayant déjà dans leurs premières années (le volume 1 recouvre la période 1962-1965) un don certain pour l’écriture. Mais voilà, le tracklisting est tel, qu’après la bluette, ce sont les titres allemands qui arrivent. Curiosité que tout fan des Beatles se doit d’avoir écouté au moins une fois, ils sont réminiscence d’un temps ou chanter du rock en allemand pouvait être tentant, pour mieux séduire le public germanique.
Nous sommes en 1964. Les Beatles sont en bonne voie de conquérir le monde (I Wanna Hold Your Hand est sorti en décembre 63 aux États-Unis). George Martin, convaincu par la branche allemande d’EMI, cède. Les Fabulous Four seront le temps d’une, enfin de deux chansons les Fabelvier ! On profite d’un séjour à Paris (ou les garçons s’épouvantent de voir une quantité importante de français de sexe mâle s’époumoner à leurs concert) pour enregistrer aux studios Pathé Marconi…
L’heure arrive, le producteur allemand est là. George Martin est là. Mais les gars ne viennent pas. On appelle leur hôtel. Le message est clair, ils ont laissé un message à Neil Aspinnal : ils ne viendrons pas, non mais oh, chanter en allemand ?!
George Martin et l’allemand arrivent excédés à l’hôtel, les surprennent en pleine tea party. Les liverpuldiens se cachent immédiatement derrière leurs fauteuils, ils lancent alors une série de « sorry George, sorry George », suivie de « sorry Otto, sorry Otto ». Ils iront et enregistreront Komm Gib Mir Deine Hand et Sie Liebt Dich. La prononciation est atroce, et le succès viendra, en Allemagne aussi, des versions anglophones. Mais ces deux titres rejoignent leurs essais hambourgeois dans le club très fermé des titres enregistrés hors de Londres.
Après l’excursion franco-germanique, c’est vers le Nouveau Continent que l’on se tourne. Long Tall Sally et l’EP éponyme se déroulent alors sous notre ouïe ébahie. Sortie en juillet 64, le cinquième EP des Beatles contient des chansons qu’on ne trouve alors nulle part ailleurs. Trois sont des reprises d’artistes de la première vague rock (Little Richard, Carl Perkins, et Larry Williams). Les chansons, qui ont habité les Beatles depuis des années, sont parfaitement rendues : Slow Down est un petit bijou. Matchbox est chantée par Ringo, apportant une petite touche d’originalité. Enfin, une chanson de John, originellement donnée à Billy J. Kramer I Call Your Name remplit, fort avantageusement, le EP.
Les cinq dernières chansons montrent l’évolution des Scarabées : notamment avec I Feel Fine qui, en pleine période Beatles For Sale amène son feedback, le premier couché sur une galette. Sa face B hélas, She’s A Woman, n’est pas d’un intérêt égal, se révélant être une chanson sympa sans plus bien qu’elle fut pour beaucoup dans la popularisation du son reggae au Royaume-Uni.
Le trio final est particulièrement agréable. Bad Boy de Larry Williams avec son génial Now Junior Behave Yourself suivi de quelques cris lennoniens, rappelle, si besoin est, que les Beatles sont certes de grands compositeurs (Ringo excepté), mais qu’ils savent aussi très bien s’approprier les titres des autres, leur redonner une chance, là ou souvent le succès n’a pas été franc. Yes It Is rejoint That Boy au panthéon des chansons légèrement déprimantes… et puis arrive l’apothéose : I’m Down.
I’m Down clôt la période (les titres étant agencés de manière chronologique). Macca s’y éclate. Après le spleen, c’est ici l’énervement canalisé How can you laugh when you know I’m down qui prend le relais. Et Macca énervé, ça vous réveille…
Après 1965, une page se tourne. Les Beatles vont après cela sortir moins de singles, mais aussi plus de titres qui ne se retrouveront pas sur leurs albums. Ce sera l’occasion de les regrouper dans un volume 2.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |