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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 19 mai 2009
paru le 6 avril 2009 (Echo/EMI)
Dans l’univers de Bat For Lashes, les éléments et la matière dominent. L’or, la fourrure, le soleil, le cristal, la lune... Tous y stagnent comme autant de références à des cultes païens, enfouis sous l’obscurité des temps. Puis, il y a les sons. Magiques et ciselés sur son premier album, ils étaient enclins aux influences, elles, voyantes (Björk, Siouxsie et autres reines de la pop ésotérique). Mais le charme dominait, grâce à Horse And I, Trophy, What’s A Girl To Do ?, une poignée d’incantations comme il en manquait alors. Avec cet essai frappant (et cela malgré des facilités impossibles à ignorer), Natasha Khan soufflait une prophétie. Elle serait bientôt à la tête du royaume dream pop, déjà visité par d’autres nymphes à d’autres époques, et dont les noms sembleront évidents. Ce pressentiment nous gagnait à l’attente de son second album. Les quelques titres dévoilés en première partie de Radiohead à Nîmes avaient conquis.
Et le voici. Two Suns, œuvre élaborée qui, en même temps, creuse une réelle insatisfaction. Il est avant tout le fruit d’une personnalité en pleine expansion. Car Bat For Lashes impose une nouvelle fois un univers palpable. En son sein, les réminiscences 80’s s’allient, par miroitements de synthétiseurs et dentelles electro-pop, à des grondements de cérémonies ancestrales. C’est l’un des plus ensorcelants qu’on ait entendu ces derniers temps. En s’employant à redessiner la carte de son monde, Natasha Khan gagne encore en magnétisme. Ses nouveaux atouts sont nombreux. Une production brillante, pleine de relief, où s’entrechoquent l’organique et le synthétique. Les chansons, davantage portées sur la mélancolie, offrent quant à elles un vraisemblable périple onirique. Liées les unes aux autres, on les traverse comme un territoire de fantasmagories. Immersion dans la psyché trouble d’une sirène ? Songes chamaniques d’une divinité ? C’est, en tout cas, plutôt absorbant.
Mais, hélas, tout cela ne peut atténuer une certaine déception. En effet, si Two Suns réussit ponctuellement à nous enchanter, il peine sur la longueur à s’imposer comme un sommet incontestable. Niveau évidences, on chérira Glass sans hésitation, splendide ouverture. Dès les premières secondes s’échappe une mélopée étrange, comme émergeant des tréfonds de dunes antiques. Natasha Khan prend peu à peu son envol au rythme de saccades tribales ; sa voix onctueuse, cristalline, atteint des hauteurs surprenantes. Mauvaise stratégie : Glass est en fait trop belle, trop ébouriffante pour figurer en première piste sur l’album. Son onde de choc parcourt le disque sans que les autres morceaux parviennent à l’estomper. Bien sûr, on aimera beaucoup Daniel, pop-song irradiante, parfois kitsch et qui aurait pu dignement figurer dans un teenage movie de John Hughes, si l’un d’eux avait été peuplé de jeunes mordus au label 4AD. Et on en aimera d’autres. Mais du reste, celles-ci ne se distinguent pas vraiment par leurs mélodies, préférant jouer sur la profusion de détails electro, ou d’arrangements occultes - et au demeurant, réussis. Ce n’est pas suffisant. Et Bat For Lashes n’évite toujours pas l’écueil des ballades au piano où elle révèle souvent des compositions plates (Moon And Moon), au mieux convenues (Siren Song, on se laisse tout de même prendre au jeu). Même un duo avec Scott Walker, The Big Sleep, échoue à les racheter.
Il faut croire que Natasha est encore perdue dans ses sortilèges, hésitante du côté vers lequel incliner ses pouvoirs. Il n’y a pourtant aucun doute. C’est quand elle paraît danser aux vibrations du désert, avalée par le crépuscule, qu’elle sidère. Si ses prochaines créations passent entre les mollesses et les pièges du romantisme, elle sera reine.
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