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par Oh ! Deborah le 25 mai 2010
Comme toujours, les paroles écrites par Cocker sont dans le livret. C’est parce qu’elles sont capitales. On nous avertit même de ne pas les lire en même temps qu’on les écoute. Étrange. Les textes de Pulp, tranches de vie quotidienne, bribes de conversations, histoires simples aux détails complexes, qui mettent haut sur un piédestal tout ce qui est en rapport avec les sentiments, se lisent comme des petites nouvelles. Et qu’eux seuls, indépendamment de la musique, comptent. Jarvis peut tout se permettre. Y comprit verser dans le sentimentalisme et les paysages poétiques de David’s last Summer, la maturité de Dishes, les aveux sordides de Razzmatazz, la prise de conscience pathétique à l’égard des personnes agées dans Help The Aged, ou encore les aventures puériles de Babies. Il peut tout faire, à chaque fois, il transmet. Un espoir, un regard, une question, une leçon de vie.
Single sorti en octobre 1992 sur Gift Records, un des premiers succès britanniques du groupe, voici Babies, donc. Qui révèle une des plus grandes facettes de Jarvis : le monde de l’adolescence fantasmée, l’envie qu’il a de la vivre telle qu’il l’a présente et telle qu’on se la représente bien souvent. Lorsqu’on ne pense pas, bien sûr, à la réalité désarmante qui y ajoute une bonne dose de ridicule. Là, Jarvis en retient strictement l’innocence, le petit monde qui tourne autour des premiers contacts charnels et des femmes. Avec des histoires éphémères, des flirts, des secrets, des tromperies, des peurs et des frustrations. Des tromperies, parce que Jarvis ne cesse depuis le début de se déguiser en amant rusé qui s’infiltre dans la vie triste d’une femme qui toujours a du succès auprès des hommes. Ou en amant désoeuvré, qui rêve de rendre heureuse une personne, sans y parvenir et sans savoir comment. Ici, il se rappelle de ses amours d’enfance, des lieux (Stanhope Road à Sheffield). Et à l’entendre, tout ce qu’il s’est passé, même si on dirait pas sur la photo, dans sa tête, c’était magique. C’est là tout le contraste entre les quartiers post-indutriels de Sheffield et le monde édulcoré que Jarvis en fait.
Il était alors amoureux d’une fille qui habitait cette rue et dont la soeur (plus agée de deux ans) ramenait des garçons chez elle. Cette fille et lui s’amusèrent à les espionner, jusqu’au jour où Jarvis y alla seul, caché dans l’armoire, pour finir sur le lit avec la soeur, affirmant à celle qu’il aime : "Je sais que tu ne me croiras pas mais je suis sorti avec elle juste parce qu’elle te ressemblait". Un ton transporte ces paroles pour qu’on en mesure toute la portée. Commençant souvent ses phrases par "alors", "donc", "oh écoute", ... il écrit comme il parle tout en trouvant les mots justes, faisant en sorte de ponctuer ses phrases par des rimes, de les dynamiser et d’y ajouter profondeur, fluidité, subtilité, terminant son histoire dans une passion gigantesque, poussant les cris d’une conviction touchante. Car les chansons de Jarvis sont faites de mouvements, de passions, d’obsessions. Elles contiennent des hauts et des bas, pour finir, selon les sujets traités (et même les plus légers) en apothéose existentielle. Il prouve qu’il existe. Peu importe si c’est au travers de choses dont on se moquerait si elles avaient été écrites par n’importe qui d’autre. Il est amoureux de la maison de ses possibles conquêtes, de leurs robes et de leurs poitrines lorsque celles-ci sont précoces.
Comme toutes personnes intéressantes, Jarvis Cocker est fait de paradoxes. Issu de la working class, excité par la fille distinguée du coin, ne minimisant aucun des problèmes relatifs au gamin exclu de la bande, ni de certains vécus adolescents dramatiques de superficialité, il ne parle que de situations anodines racontées avec un sens inouï de vivacité voire de gravité. Il redonne vie à un détail adolescent qui est devenu dérisoire mais qui fut crucial. En grand frustré, ses chansons, jusqu’à His’n’Hers inclu, racontent les visions d’un ado ou d’un adulte immature qui a soif d’émotions fortes, de sensualité, d’amourettes romantiques, de fraîcheur juvénile, de souvenirs niais mais sublimes, et surtout, sublimés. Babies en est une des plus belles représentations et une des plus élégantes. Avec son refrain inoubliable, son air espiègle, son rythme stimulant et ses notes qui divaguent, elle fait partie des chansons les plus gaies de Pulp. Pourtant, elle peut faire pleurer. Mais déjà dans His’n’Hers tout comme depuis les débuts de Pulp, quelque chose d’autre pointait. D’autres façettes de la nature humaine. Plus tard, dans Different Class, il sera question d’adultère. Un Jarvis qui pique ou rêve de monter un plan pour piquer les petites copines de ses ex-faux-copains.
Plus intelligent que ces derniers, il devînt finalement, grâce à ses visuels luxuriants sortis d’un rêve aux milles couleurs, à ses tubes au charme pop inégalable, à ses textes mirobolants, l’icône anglaise la plus classe des 90’s. Et pourquoi pas depuis les 60’s.
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