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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 11 mars 2008
paru le 3 mars 2008 (Mute)
Illustrant à merveille l’article de ce cher Yuri-G sur la tendance actuelle à la surenchère journalistique, on a pu lire cette semaine dans un journal gratuit que ce Dig, Lazarus, Dig !!! était le meilleur album de son auteur. Alors pourquoi pas, quoi de mieux que de commencer ce mois de mars avec un chef-d’œuvre de notre australien préféré ? Mais bon, sans être difficile ou exagérément sceptique, cela semble un peu hâtif de se lancer dans une telle comparaison rien qu’en jetant un rapide coup d’œil en arrière. Parce que bon, ce 14ème (!) album arrive tout de même derrière Tender Prey, Let Love In, Murder Ballads et autres réjouissances, bref pas des petits gabarits ! Après écoute, le constat s’impose, on est bien sûr pas en présence du chef-d’œuvre annoncé, mais ça n’empêche pas le disque de tourner en boucle dans la platine. Ceci dit, plongeons-nous donc sereinement dans ce Dig, Lazarus, Dig !!! au titre évocateur et qui pour tout dire a quand même de la gueule (le titre comme le disque d’ailleurs).
Après l’escapade garage qu’était Grinderman, Cave semble vouloir poursuivre la voie de la simplicité. Ici pas de double ou de concept-album, pas de morceau de plus de 10 minutes, pas de démarche jusqu’au-boutiste. Sans revenir au minimalisme extrême des débuts, Cave et ses mauvaises graines évitent la surenchère et se baladent détendus et avec une certaine classe entre les sphères rock, blues, pop et country. Sûre de son art et de ses textes, la clique développe un tout homogène où l’on passe d’une ambiance tendue à une chanson sexy, avec peu de gras ou d’éléments qui font taches. Presque de l’épure, en tout cas une volonté de sonner pop comme en témoigne l’utilisation de la guitare sèche en fond sonore, qui ferait presque penser à du Cure période The Head On The Door.
Déjà, le morceau éponyme est ultra-efficace. Un trip redneck assumé, évocation moderne du Lazare ressuscité par Jésus mâtiné de Houdini, au refrain irrésistible où Cave exprime sa compassion pour les gens qu’on a ramenés à la vie sans qu’on leur ait demandé leur avis. Et en plus la chanson donne envie de danser. Puis çà et là on retrouve d’autres traces de l’aventure Grinderman via de l’orgue saturé (Today’s Lesson) ou des solos de guitares cradingues (Albert Goes West, Lie Down Here).
Des titres ouvertement débridés, contrebalancées par d’autres plus délétères voire mélancoliques de Jesus Of The Moon au très beau Hold On To Yourself. On aurait pu se passer de Night Of The Lotus Eaters qui rappelle les dernières BO concoctées par Nick Cave et Warren Ellis [1] dont l’aspect vaguement inquiétant manque d’intérêt. De même, Midnight Man aurait magnifiquement terminé cet album avec ses stridences de claviers et sa tension renouvelée, sauf que les bougres ont placé en dernière piste le longuet More News From Nowhere qui peine à captiver tout au long de ses huit minutes, malgré la maîtrise du phrasé de Nick Cave, toujours étonnant.
Au final une bonne moisson tout de même, manquant finalement juste d’un peu de personnalité. Cet opus fait partie de ses œuvres plus fédératrices et faciles d’écoute, comme l’ont été Henry’s Dream ou Let Love In, et qui, sans céder à la facilité, manie avec plus de nuances l’univers « cavien ». Il respire surtout la maîtrise d’un Nick Cave en pleine possession de ces moyens et qui va toujours de l’avant après des années de carrière déjà bien remplies. On n’en a donc pas fini avec cette bande d’Australiens, avec ou sans moustaches.
[1] pour The Proposition et The Assassination of Jesse James By The Coward Robert Ford, deux westerns crépusculaires et contemplatifs
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