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par Antoine Verley le 2 juin 2009
La tournée de "La Musicale", l’émission de la plantureuse Emma de Caunes sur Canal+, avait une fois de plus choisi de faire étape en banlieue de Lyon. L’affiche était, comme à l’habitude, d’un hétéroclisme exemplaire : à quand Popol Vüh- Britney Spears- Les Wampas ? Certes, niveau célébrité, Placebo se démarquait franchement, et Placebo, c’est bien sympathique, mais, ça va mieux en l’écrivant, Ghinzu, ça nous pompe très vite le haricot... Et puis, on était surtout venu pour profiter de la seule date lyonnaise du cul d’affiche : les Jim Jones Revue. Les fans desdits tueurs londoniens sont quasiment inexistants parmi cette foule grouillante, et, en surprenant des conversations qui nous le rendent bien, on apprend que certains dingues sont même venus uniquement pour Ghinzu... Dès l’ouverture des portes, on sent que l’évènement ne se fera pas sous la traditionnelle forme dite "rock’n’roll" : Un appareillage de sécurité qui rappelle pêle-mêle Auschwitz et la Corée du Nord aura tôt fait d’ôter à quelques imprudents gouaille et appareils photos. Tout est calibré, les banderoles "Le Mouv’" et "Canal+" ont fleuri dans cette salle qu’on savait pourtant respectable. Lorsqu’on pénètre dans le naos, on remarque que, bizarrement, les gradins sont déjà remplis et la fosse à moitié vide. La programmation n’était pourtant pas conçue pour attirer autant de vieux…
Dès l’arrivée un peu trop ponctuelle des Jim Jones Revue, peu de cris emphatiques résonnent dans un public totalement inculte ! On parlait plus haut de cul de l’affiche, le groupe est bien traité comme tel… SAY YEAAAAAH ! Hurle un Jim Jones habillé dix-neuvième qui tente désespérément de motiver la foule. Puis c’est à l’intro de piano de Princess and The Frog qu’on laisse la parole, et c’est parti pour une intense et jouissive saturation, le tout avec un guitariste à la banane (dans les deux sens du terme), un bassiste aux lignes bluesy, un batteur qui donne généreusement de la Crash, et un pianiste, col ouvert sur un médaillon façon Vince Taylor, qui fait parfois voler les touches de son clavier, provoquant une hystérie générale plus que méritée. Les titres du premier album s’enchaînent : Hey Hey Hey Hey, Rock & Roll Psychosis, 512, Who’s Got Mine, Another Daze, Cement Mixer, etc. ont une forme incroyable en concert. Tout cela est plutôt extraordinaire, on jurerait voir des Cramps qui se seraient payé un look, des vraies chansons et des bons musiciens. En prime, le groupe se fend d’un inédit, Burning Your House Down, blues lascif très convaincant. Mr. Jones entame un strip-tease, case encore quelques "SAY YEAAAAAH !", le tout dans la simple demi-heure qui lui a été généreusement allouée par les organisateurs. "This is the last song, I’m sorry, I wish we had more time…" On comprend, on comprend… Il est temps de dire au revoir, et d’attendre Ghinzu.
Le gros du public, à peu près également composé de camionneurs gros pleins d’éthanol et de jeunes fashion victims, débarque dans cet intervalle assez long. Eh oui, nos Ghinzu ne sont pas à l’heure, eux. La faute à un matos énorme, des tubes néon dans tous les sens et trois synthés placés bien en évidence, pour montrer au public qui n’est pas totalement sorti des années 90 que la formation est des leurs. Mouche. Le public aime les synthés. A croire que la France est encore et toujours cet îlot protectionniste retardataire dans ce monde où "rock à guitares" est redevenu un pléonasme depuis des années ! John Stargasm, le chanteur à la tête de charcutier, se la ramène grave, et, tout orgasme que son nom puisse évoquer, ne fait pas décoller. Dès le premier titre, il joue la carte du charisme, devant son clavier au beau milieu de la scène : Une lumière tamisée fond sur lui, dans une atmosphère de recueillement intense, on se croirait à la messe. Puis c’est le grand trip techno qui commence, avec l’alternance de danses stupides et de poses messianiques assez assommantes. Certains, dans l’assistance, comparent le groupe à Muse, et, pour vous dire si vous avez de la chance de lire un webzine si peu langue de bois, on vous met en garde contre l’utilisation de cette comparaison, qui est comme les multiples bières posées bien en évidence sur le clavier médian (ça fait rock’n’roll, tu vois) : à consommer avec modération… Car le groupe, en plus, tire un peu trop sur la basse, qui aura raison de nos tympans emmitouflés dans des providentiels bouchons d’oreille. C’est aussi là que commencent quelques timides pogos, qui s’achèvent vite en bides magistraux. En clair, prestation sympathique, mais loin des épithètes ("génial", "transcendant") que l’on retrouve en masse dans la bouche des spectateurs. Quarante minutes largement suffisantes, donc.
Et Placebo, dans tout ça ? Ben oui, c’est quand même eux que le péquenot moyen est venu voir ce soir ! Retard. Attente. On bave en voyant des dizaines de roadies trimballant des pédales à effets sur des plateaux gigantesques. Fait assez rare dans cette salle : un écran est installé au fond de la scène. Puis les lumières s’éteignent, une lampe de poche s’allume du côté de la loge, et qui est ce samouraï qui en sort ? De loin, on dirait Brian Molko ! Ah, ben c’est lui. De loin, on l’aurait juré sorti d’un Kurosawa, avec sa queue de cheval et sa peau jaune qu’il doit à des éclairagistes particulièrement inspirés. Le groupe débarque sur Nancy Boy, sans plus faire attendre des fans affamés. Puis le Molko de présenter son dernier album, et un public en furie de scander stupidement sa date de sortie. Après Battle For The Sun, For What It’s Worth et quelques autres titres dudit album, le chanteur-guitariste déclare (ses propos seront retranscrits en italique, puisque c’est bel est bien comme cela qu’il parle) "On est super contents d’être au Transbordeur", et rappelle à qui l’ignore encore que c’est à Lyon que Placebo a fait ses premiers concerts. Mais si ! En première partie de Bowie. Car le groupe peut être qualifié de revival glam, si l’on considère qu’il suffit de n’avoir aucun goût pour le maquillage et la coiffure pour être ainsi étiqueté. Mais laissons là la forme et retournons sur le fond : l’on y aperçoit Steve Forrest, remplaçant du Hewitt du même prénom, préposé aux peaux tannées. Ce blondinet au torse nu tatoué sait taper, aucun doute là-dessus, et avec virtuosité. Certes, il n’est pas question de Keith Moon ou de Christian Vander, mais le brave homme impressionne tout de même. Il joue sans broncher sur tous les Every You Every Me, Sleeping With Ghosts (noyé sous les claviers et méconnaissable), Song To Say Goodbye, Special K et autres. Pour chacune de ces chansons, un fidèle roadie, sans doute pour obtenir un meilleur son (ou foutre les boules aux gibsonophiles pauvres), donne une nouvelle guitare à Brian. A la fin du concert, deux rappels sont suivis par des adieux déchirants, le leader maximo se rapproche finalement du public (malgré cette déplorable barrière de sécurité), et le beau gosse coincé derrière ses fûts pendant une heure dix a enfin l’occasion de montrer son affection au personnel féminin de l’assemblée. On n’ôtera pas à l’idée de l’auteur de ces lignes que l’ensemble fut un peu court, manqua quelque peu de Where Is My Mind et de Meds, et que Brian Molko n’est pas la définition du mot "loquace". Mais enfin, le show est de qualité, le public y participe bien : tout cela est de bon augure pour la suite… Retour réussi.
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