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par Emmanuel Chirache le 18 décembre 2007
Paru en août 2007 (Virgin Records)
"La soul et le folk pour les nuls". Voilà comment aurait pu (dû ?) s’intituler le dernier album de Ben Harper. Ben Harper, c’est ce type qui a sorti trois excellents premiers albums, dans lesquels s’affirmait un style personnel brillant, avant de tomber dans le plagiat et la facilité en revisitant ses musiciens préférés. Dès l’honnête Burn To Shine, on entend de façon outrancière du Bob Marley, du Jeff Buckley, du Bob Dylan, du Rolling Stones, du jazz Nouvelle-Orléans. Ben Harper ose tout, même un couplet à la Gérald De Palmas sur un refrain grunge raté (Please Bleed) ou du Lenny Kravitz imitant du Hendrix (Less). A cette époque, Benny se trouve d’ailleurs un nom de groupe évocateur, les "Innocent Criminals", c’est-à-dire une bande de flibustiers bien décidés à piller les trésors soul, funk, folk et rock qui gisent par trois mille lieues sous les mers troubles de l’industrie du disque. Malgré tout, à l’époque le résultat tient encore un peu la route. Ce qui n’est plus le cas depuis longtemps.
Pourtant, Ben Harper avait ici tout réuni pour réaliser un grand album. Premièrement, il est entré en studio juste après une longue tournée, ce qui est toujours gage d’une bonne cohésion entre les musiciens. Ensuite, le disque a été eté enregistré à Paris, une ville qu’affectionne le chanteur, ce qui peut laisser penser que l’environnement lui était à la fois familier et exotique, en tout cas agréable. Enfin, la promo insiste sur le fait qu’il a été produit en analogique s’il vous plaît, sans ordinateurs ni Pro-tools ! A l’arrivée, cette panoplie ressemble davantage à des outils marketing qu’à de l’inspiration. Pro-tools ou non, comme dirait La Palisse une bonne chanson est une bonne chanson et une mauvaise une mauvaise.
Les premières secondes de Fight Outta You étaient à cet égard plutôt encourageantes. Le retour à l’acoustique, les tonalités soul et folk présageaient du meilleur, et le morceau fait partie des bonnes (mais rares) surprises de ce Lifeline. Dès le second morceau, Ben Harper retombe dans ses errements de parodie funk/soul à la limite du supportable. Une nullité comme le chanteur doit en pondre quatre tous les matins dans son paddock, entre deux tartines à la confiture de myrtilles. La suite ressemble à du mauvais Neil Young (et ce titre faussement poétique, Fool For A Lonesome Train...), à du Black Crowes sans inspiration (Needed You Tonight) ou à du Dylan période country-folk et Nashville Skyline (Having Wings), et enfin à du Allman Brothers Band sans génie (Say You Will). Il faut donc attendre Younger Than Today, une délicate ballade accompagnée par un piano, pour voir le chanteur changer un peu de registre et devenir moins horripilant.
Dans une veine fortement inspirée de Sam and Dave, Put It On Me s’en sort mieux que ses petits camarades et s’avère une chanson tout à fait potable, voire franchement sympathique. Ben Harper se lance ensuite dans un slow gentillet puis dans un hommage à la capitale de notre cher pays. Paris Sunrise #7 voit le guitariste revenir (enfin !) à son amour pour le blues et la slide, avec certes moins de talent que sur ses premiers albums, mais au moins n’entend-on que l’instrument et pas la voix du chanteur. Car il faut le dire : l’une des raisons pour lesquelles un album de Ben Harper ne peut s’écouter d’une traite sans que l’auditeur ne vire à la folie, c’est le chant de Ben Harper, dont la tendance à la complainte bêlante rend proprement dingue celui qui l’écoute trop longtemps. Le dernier titre, Lifeline, ne déroge pas à la règle, même si rares seront ceux à parvenir aussi loin dans le disque.
En réécoutant les débuts de Ben Harper, on se rend compte à quel point le compositeur a perdu de sa superbe. Aujourd’hui, où sont les Like A King, les I’ll Rise, les Ground On Down, les Excuse Me Mr., les Homeless Child, les Mama’s Trippin’ ? Pour ne citer qu’eux... Quand Ben Harper cessera-t-il de piocher dans sa discothèque pour nous sortir des ersatz un peu fumeux tirées de vieilles gloires passées ? Un jour, peut-être.
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