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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 6 mars 2007
paru en 1967 (Epic)
Aujourd’hui, que reste-t-il de Donovan ? Un fils connu pour sa célébrité et célèbre pour sa notoriété, Donovan Leitch Jr., qu’on peut apercevoir de temps à autre dans la presse people. Une chanson, Mellow Yellow, éternelle et archi-connue, mais idéale pour coller la plupart des gens à un blind-test : "ha oui, c’est qui déjà ?" Une sale réputation, au mieux de Dylan british ou de réponse anglaise à Dylan, au pire de copie au rabais. J’ose le dire, tout cela est trop injuste. Je dirais même plus, c’est dégueulasse. Car Donovan a écrit certaines des plus belles ballades et des plus aériennes chansons pop des années 60. L’album Mellow Yellow en est la preuve irréfutable.
Cependant, pour excessive et réductrice qu’elle soit, cette réputation d’émule de Dylan contient une part de vérité, qui correspond aux débuts d’un jeune garçon de 18 ans naturellement influençable. Comme Dylan, Donovan chante donc dans des clubs folk, muni de sa seule guitare acoustique et d’un harmonica. Physiquement, les deux hommes partagent aussi quelques traits importants : ils cultivent la tignasse à boucles fofolles et portent souvent les mêmes vêtements, à savoir le jeans et la casquette à visière. Et ce n’est pas tout. Dylan est révélé par Blowin’ In The Wind en 1963, Donovan cartonne avec le single Catch The Wind en 1965. Dylan écrit des chansons anti-guerre, Donovan reprend The Universal Soldier. Bref, m’sieur, il fait rien qu’à copier ! En réalité, Donovan est surtout sensible à l’influence de la scène folk, très vivace au milieu des années 60. Il signe à l’époque des chansons qui, bien que inférieures à celles de Dylan, montre déjà un réel talent de songwriter. On songe à Colours, Hey Gip (Dig The Slowness), Jersey Thursday ou le jazzy Sunny Goodge Street. Cette dernière annonce d’ailleurs le virage que va prendre le chanteur écossais, qui en a sa claque qu’on lui rebâche les oreilles avec cette histoire de Dylan anglais...
Du coup, pour se démarquer de cette image trop collante, Donovan décide de... copier les Beatles ! Plus sérieusement, c’est en fréquentant ces derniers qu’il va embrasser le mouvement flower power et le psychédélisme, qui correspondent bien à son tempérament doux-dingue. Sur Yellow Submarine, Donovan pousse donc la chansonnette et écrit deux lignes des textes. Surtout, le songwriter va changer de producteur et de maison de disque autour de 1966, passant de Pye à CBS. Le nouveau producteur, Mickie Most (aucun de lien de parenté avec la souris qui parle créée par Walt Disney), vient de travailler avec les Animals et Herman’s Hermits, et il compte pousser Donovan vers d’autres horizons. Ce sera d’abord Sunshine Superman, puis Mellow Yellow et sa chanson éponyme passée à la postérité.
En effet, dès ces fameux premiers coups de cymbale, n’importe quel abruti tend l’oreille et fredonne dans un réflexe pavlovien "they call me mellow yellow" ! Tout et n’importe quoi a été écrit à propos de cette chanson, dont les paroles provoquèrent une frénésie d’exégèses. Ainsi, le titre, associé aux mots "electrical banana" dans un couplet, fit croire à certains que Donovan faisait référence à une rumeur lancée à l’époque, selon laquelle fumer des peaux de banane permettait de planer. La vérité est plus prosaïque, puisque l’expression "Mellow Yellow" ferait allusion à la jaunisse contractée par le chanteur quelques mois auparavant. Une autre explication donnée par Donovan voudrait que le jaune soit celui du safran, la couleur des robes que portent les moines bouddhistes (on est en pleine période hippie, souvenons-nous). La chanson commence d’ailleurs par ces mots : « I’m just mad about saffron ». Enfin, Il est à noter que la chanson doit beaucoup aux arrangements d’un certain John Paul Jones, futur bassiste de Led Zeppelin [1].
Eclipsé par ce phare qu’est Mellow Yellow, dont le single s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires aux Etats-Unis, le reste de l’album n’a pas à rougir. Mélange de ballades folk (Writer In The Sun, Sand And Foam, House Of Jansch, Young Girl Blues), de jazz (The Observation), de pop psychédélique (Sunny South Kensington, Museum) et de music-hall (Bleak City Woman), ces chansons représentent d’authentiques réussites. La production de Mickey Mouse, pardon Mickie Most, met en effet en valeur la voix et le jeu de guitare de Donovan en distillant au compte-gouttes une instrumentation raffinée et clairsemée. Cerise sur le gâteau, ce sont des musiciens de jazz réputés qui accompagnent Donovan, comme Spike Heatley à la basse, Tony Carr à la batterie, John Cameron au piano et Harold McNair au saxophone et à la flûte.
Loin d’être un artiste mineur, Donovan s’affirme avec cet album comme un véritable compositeur, capable d’inventer des mélodies subtiles et touchantes, aériennes, nostalgiques, aux textes étranges et poétiques. Un talent illustré dans toute sa splendeur par Sand And Foam, une ballade somptueuse de beauté trouble qui ne doit rien à personne. De plus, lorsque paraît Mellow Yellow, Donovan a seulement 21 ans, et sa musique fait pourtant preuve d’une maturité impressionnante. Voilà qui devrait balayer les préjugés néfastes autour de la carrière de ce garçon "jaune et doux", qui gagne à être (re)connu, quarante ans après. Et puis ce serait dommage de passer à côté d’un disque produit par Mickey Mouse en personne !
[1] Jimmy Page fut également guitariste de session pour Donovan, qui prétendit avoir provoqué la rencontre entre le bassiste et le guitariste de Led Zeppelin, alors que ces derniers se connaissaient déjà.
Vos commentaires
# Le 25 octobre 2013 à 17:29, par Babs En réponse à : Mellow Yellow
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