Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Aurélien Noyer le 22 mai 2007
Arriver devant l’Elysée Montmartre, retrouver les gens que je connais (des rédacteurs d’Inside, des amis) venus eux aussi voir la bête, attendre à l’extérieur de la salle, rentrer, attendre à l’intérieur de la salle. Peu importe le temps à attendre. Ce soir, c’est le premier concert de la tournée des Queens Of The Stone Age et je suis là.
Dès les premiers coups d’oeil impatients à la scène, une question se pose : "C’est bien des platines, là-bas, dans le fond ?" Et effectivement, c’est bien des platines, comme en témoigne l’arrivée d’un DJ qui s’installe derrière les-dites machines. Et l’animal de commencer à se lancer dans un set "rock", consistant grosso modo à passer une chanson "rock" (?) en la bidouillant un peu et en y ajoutant un gros beat pour faire danser (du moins, je suppose que telle était son intention). Malheureusement pour lui, il est tombé sur le mauvais public tant les fans de QOTSA ne sont visiblement pas enclins à se déhancher face à un mec derrière ses platines.
Cela dit, l’accueil, dans un premier temps, n’est pas si glacial que ça. Après tout, un DJ, ça n’occupe pas beaucoup de place sur la scène, ça devrait permettre aux roadies de préparer le matos... Sauf que le set s’éternise, de Faith No More en Arctic Monkeys, en passant par Clash et Nirvana (Breed est la seule chanson qui produira un effet un tant soit peu positif de la part du public et encore... de la part de post-ados bloqués en 1994), on en arrive à 40 minutes de set... Et c’est long, les chansons commencent à être accueillies par des huées. Surtout qu’aucun roadie n’a pointé le bout de son nez pour s’occuper du matos de la bande à Josh Homme. Il faudra attendre donc la fin des soixante longues minutes de son set pour voir enfin le DJ s’éclipser... et les roadies commencer à préparer la scène.
D’où une bonne heure d’attente supplémentaire et une audience passablement énervée (le bordel pour choper des places pour le 15 juin, puis pour les échanger et récupérer celles pour le 9 mai, puis le DJ, puis encore de l’attente). Mais alors que le groupe arrive au son d’un vieux rythm’n’blues, tout s’arrête. Le temps pour Josh Homme d’empoigner sa guitare, de se fendre d’un "Bonjour Messieurs et Mesdemoiselles. We’re Queens Of The Stone Age" et Sick Sick Sick commence. D’emblée, la réaction du public montre que la plupart des gens présents ont passé pas mal de temps sur le site du groupe à écouter ce nouveau single. Et ils sont récompensés : en live, cette chanson se révèle être un mastodonte dont chaque pas est appuyé par un riff d’une lourdeur hallucinante. Mais comme souvent avec les Queens Of The Stone Age, le côté métallique des riffs ne parvient à masquer le côté mélodique, aussi le second guitariste Troy Van Leeuwen s’amuse-t-il à parsemer la chanson de sons étranges tirés d’on ne sait quelle improbable pédale d’effet. Mais on a à peine le temps de comprendre que Josh Homme nous ressort un classique de 2000, The Lost Art Of Keeping A Secret tirée de Rated R. Et la première partie du concert va ainsi alterner nouveautés (Sick Sick Sick, 3’s And 7’s et Misfit Love) et terra cognita (The Lost Art Of Keeping A Secret et Regular John, extrait du premier album éponyme de 1998).
Les anciennes chansons sont certes splendides, The Lost Art Of Keeping A Secret est sans doute une des meilleures chansons du groupe. Mais elles n’en sont pas moins sans surprises, alors que les nouveaux morceaux partagent le public entre circonspects et enthousiastes. C’est particulièrement flagrant pour Misfit Love qui commence avec batterie martiale, riffs mornes, agressifs et dissonances saturées, à la limite de l’indus pour lentement muter en chanson rock, rappelant certains morceaux de Songs For The Deaf (Do It Again ou God Is In The Radio), si bien que lorsqu’arrive la fin de la chanson, on se demande si c’est bien la même chanson et comment elle en est arrivée là. 3’s And 7’s est peut-être plus classique mais il n’empêche que les enchevêtrements de guitare de Josh Homme et de Troy Van Leeuwen catapulte la chanson hors des lieux communs et des clichés, bien loin des compositions de la plupart des groupes actuels.
Après Misfit Love, commence ce qui pourrait vu comme la seconde partie du concert : une fois que le public a pu se chauffer avec les anciens titres, les QOTSA se concentrent sur le présent et enchaînent morceaux de l’attendu Era Vulgaris et de son prédécesseur, Lullabies To Paralyze. Première remarque, les titres de Lullabies To Paralyze rendent particulièrement bien en live et ceux qui avaient pu critiquer l’album, le considérant un peu trop lent, en seront pour leurs frais. In My Head et Little Sister, sous leurs airs de fausses ritournelles pop, chargent comme un troupeau de bisons et le public ne s’y trompe pas : j’ai rarement vu l’Elysée-Montmartre dans un tel état. Les grands absents de la soirée étant les bobos attirés par la hype et les Naastillons poseurs, la foule s’en donne à coeur-joie, l’avant-centre de la fosse oscillant au gré d’un énorme pogo.
Si avec In My Head, Little Sister, Burn The Witch (une des chansons préférées de Josh Homme) et Tangled Up In Plaid, les QOTSA ont montré que leur précédent album n’a rien à envier au pourtant énorme Songs For The Deaf, il semble de plus en plus clair, au fur et à mesure que les chansons défilent que Era Vulgaris risque d’être une nouvelle étape dans la discographie du groupe. Misfit Love avait déjà révélé un côté sombre et martial assez étonnant, et Battery Acid vient renforcer cette impression. Véritable coulée de lave en fusion accompagnée de stroboscopes verdâtres, le morceau se situerait à la croisée du metal le plus vicieux et de l’expérimental le plus sombre. L’emploi du conditionnel est ici particulièrement recommandé, étant donné l’étrangeté de la chose. Toujours est-il que le titre est une excellente excuse pour que le groupe puisse littéralement se déchaîner, Josh et Troy alternant riffs matraqués et soli décalés alors que le batteur Joey Castillo martèle son kit comme un damné et que le nouveau bassiste, Michael Shuman, dont le look de caveman (cheveux longs et gras, gueule de troglodyte) n’est sans doute pas pour rien dans son admission au sein des Reines de l’Âge de Pierre, se lance dans des séances de head-banging tout en assénant des lignes de basses assez puissantes pour soutenir l’ensemble de la chanson. Tout ça sent le cheval de bataille scénique dès que l’album sera sorti et que le public connaîtra mieux la chanson.
Autre tube potentiel, le sexy Make It With Chu. Bluette pop un tantinet lubrique, sa dualité avec la violence de Battery Acid illustre à merveille l’ambition de Josh Homme pour qui "le rock devait être assez dur pour plaire aux mecs et assez doux pour plaire aux filles". Les refrains repris en choeurs par le groupe ("I Wanna Make It, I Wanna Make It With Chu"), les arpèges de Troy et du clavier-guitariste Dean Fertita, les soli reptiliens de Josh, ses petits déhanchés suggestifs (étrange de voir un rouquin géant de la taille de Josh, en chemise de bûcheron, osciller du pelvis au rythme syncopé de la chanson), tout a contribué à faire de la chanson un des grands moments du concert et sans doute du futur album.
Pour finir cette série de chansons récentes, Lullabies To Paralyze n’ayant que deux ans, on fait un petit bond dans le passé avec Go With The Flow. La chanson qui ouvrait les concerts de la tournée précédente clôt désormais les sets du groupe mais son efficacité reste sans faille et permet aux musiciens de se retirer sous les cris de joie des fans... avant de revenir pour un rappel court mais d’une intensité ravageuse. Feel Good Hit Of The Summer, ses lyrics droguées et son nouveau refrain ("Everybody knows you dance like you fuck") entraîne le public aux frontières de la transe. Ralentie, alourdie, alanguie, la chanson transforme le public en adeptes du culte des Reines de l’Âge de Pierre, psalmodiant les paroles jusqu’à l’explosion et au pogo général. Et pour achever le public, rien de tel qu’une "Chanson pour le Mort". A Song For The Dead sera donc l’orgie sonore finale, tellement violente qu’on en vient à se demander si cette chanson n’est pas un hommage aux mammouths et à toutes les autres espèces préhistoriques disparues. En tout cas, une chose est sûre, les Queens Of The Stone Age ne sont pas innocents dans l’affaire de l’extinction des dinosaures. Il n’y a qu’avoir avec quel acharnement ils s’obstinent à asséner de grands coups de riffs plombés à un public, certes à l’agonie mais qui en redemande...
Alors, on pourra certes regretter la courte durée du concert (1h15, montre en main), la première partie particulièrement hasardeuse et le temps d’attente entre cette dernière et le show des QOTSA, mais l’impression qui domine à la sortie de la salle est d’avoir vu un des plus grands groupes de rock du monde. Les sept Arcade Fire ont beau être très sympathiques avec leurs casques de motos et leur bric-à-brac musical, Radiohead reste un groupe que j’aime beaucoup mais si Era Vulgaris se révèle à la hauteur de ce que j’ai pu entendre ce soir (rappelons que c’est le premier concert de la tournée et donc à la fois un tour de chauffe et une façon d’introduire les nouveaux morceaux auprès du public), il y a de fortes chances que les Queens Of The Stone Age héritent du titre de meilleur groupe et meilleur album de l’année... En tout cas, c’est sans aucun doute le meilleur concert que j’aie vu cette année... en attendant leur concert aux Eurocks pour juger de l’effet des titres après la sortie de l’album.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |