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par Emmanuel Chirache le 6 janvier 2009
Paru le 27 octobre 2008 (Discograph)
Co-fondateur du label berlinois Louiseville Records, Patrick Wagner définit les Puppetmastaz comme de "vrais rockers hors de tout contrôle, et fans d’AC/DC, qui font du hip hop faute de pouvoir jouer du rock avec leurs trois doigts". Il y a un peu de ça en effet. Le beat et l’attitude des Puppetmastaz conviennent parfaitement au public des rockers, un peu comme Cypress Hill et les Beastie Boys en leur temps. Pourtant, presque aucune guitare n’apparaît dans leur musique, ni aucun sample de soul, de rock ou de funk. On y entend plutôt du hip hop west coast mêlé à de l’électro berlinoise. En 2003, ce collectif d’une vingtaine de marionnettes (pour cinq MC’s) sortait Creature Funk, premier essai réussi d’un rap décalé et parodique à l’efficacité redoutable comme en témoigne le morceau Humans Get All The Credit. Le disque suivant, Creature Shock Radio, est un petit chef-d’œuvre de hip hop intelligent, racé, énergique. Les sonorités surprennent, le flow agresse, le rythme décape. Et les morceaux énormes s’enchaînent : Bigger The Better, Break A Bottle, Do The Swamp (titre à la perfection absolue), Puppetmad, etc. Sur scène, le groupe est représenté par ses alters ego en plastique, ce qui donne lieu à des shows particulièrement délirants.
Toujours emmenés par Mr. Maloke, une taupe qui porte un chapeau haut de forme, les Puppetmastaz reviennent aujourd’hui avec The Takeover. Comme à chaque fois, le disque est accompagné d’un discours conceptuel un peu vain autour de la notion de marionnette qui prend le contrôle de l’homme. Ou quand la créature à l’intérieur de nous se rebelle, enfin vous voyez le topo. Mais le plus intéressant réside ailleurs. Car les Puppetmastaz s’inspirent des codes du gansta rap commercial pour en livrer une variation européenne autrement plus riche et novatrice, dont le quartier général - Berlin - permet tous les métissages et toutes les expérimentations. Alors certes, les vingt-trois morceaux de ce nouvel opus ne sont pas tous impérissables, mais certains révèlent une imagination sans bornes et un style unique. A des années-lumière de ce qui se passe dans le même genre en France, ces marionnettes et leurs sales gueules parviennent à amalgamer un son mainstream avec une exigence de qualité inébranlable.
Dès le départ, le groove sans égal des Puppetmastaz fait des ravages sur l’excellent Take Me On A Ride, véritable road song avançant sur le tempo d’une autoroute, tout comme sur le formidable single Mephistopheles avec ses backing vocals chorales et son gimmick aux violons quasi classique. De facture plus conventionnelle, Reservoir Foxin et Exercize fonctionnent malgré tout parfaitement bien, tandis que suivent une tripotée de merveilles : Tropical Feed et sa flûte délectable, le très électro Animals, puis le génial Can’t Control It et ses breaks ragga sur fond de rythmique saccadée. Un peu plus loin, on se délectera du syncopé Permission To Freak et de We Get On It. Les idées originales, les trouvailles musicales, les textures sonores étranges, les beats énergiques abondent en permanence. Autre morceau de bravoure, Primeministaz Of Puppettry évolue dans un climat inquiétant, alors que l’excité Boots On The Ground possède indéniablement un esprit rock dans une veine Pharell Williams. Mention spéciale enfin pour le fabuleux Hallucinate, qui ferait danser plus d’une marionnette réticente. La farandole démentielle du groupe se clôt enfin sur le fantastique et sautillant Meet The Fablez.
Difficile à la première écoute de bien saisir toutes les nuances des morceaux, qui peu à peu se détachent les uns des autres et prennent vie sous nos oreilles, chacun révélant ses qualités propres. Dans la continuité des précédents albums, The Takeover tranche toutefois par des tons plus froids et plus calmes qu’auparavant. L’aspect parodique s’estompe pour laisser place à davantage de maturité. A l’exception de deux ou trois titres plus faibles et superflus, l’ensemble fascine toujours par son efficacité. Les assauts au micro des puppets ne souffre aucun répit ni aucune faiblesse. Et à l’intérieur d’une seule chanson, l’auditeur trouvera plus d’invention que dans tout le répertoire de Rohff ou Kanye West. A condition d’aimer le Muppet Show. Mais quand elle groove avec autant de bonheur, qui peut résister à une taupe en chapeau haut de forme ?
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