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mercredi 15 avril 2015
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par Psychedd le 14 juillet 2005
20 ans après la première édition, Bob Geldof nous refait le coup du concert caritatif géant. Et en matière de gigantisme, il a fait fort en cette année 2005. Le nombre record d’un million et demi de spectateurs à travers le monde a été atteint (sans compter les gens restés devant leurs écrans d’ordinateur ou de télévision), tous réunis contre la pauvreté en Afrique. Mais aussi tous réunis pour vibrer au son du vrai langage universel qu’est la musique...
J’avoue, avec un peu de honte, m’être bougée jusqu’à Londres pour des raisons de fanattitude aïgue... Mon vrai but ? Voir Pink Floyd reformé avec Roger Waters, le bassiste qui avait claqué la porte il y a 24 ans
Arrivée aux alentours de Hyde Park, je dois me rendre à l’évidence : je ne suis pas la seule à venir voir et écouter la machine de guerre floydienne. J’en regretterai presque de ne pas avoir mis un joli T-Shirt moi aussi. Les gens se regardent, se jaugent, veulent voir qui est avec eux. Moi, je me retrouve à côté d’un groupe de travestis fiers de l’être. J’ai raté mon atterrissage sur ce coup...
Première mauvaise surprise, pour accéder aux écrans géants, il faut un ticket. Nous pensons un instant à rester dehors avant de se rendre compte que le service de sécurité entoure tout le périmètre du parc et qu’il est impossible de capter le moindre "bzzzz" d’un ampli... Sans oublier que l’idée de payer un billet à 250 livres nous effraye quelque peu.
Une occasion en or s’offre pourtant très vite, 30 livres chacun (soit 50 euros pour plus de 10 heures de musique). Nous sommes fans, nous sommes des guedins, nous payons et nous finissons par pénétrer dans Hyde Park aux alentours de 14 heures (heure anglaise).
La foule est compacte et quand on vit ce genre d’événement pour la première fois, on se sent presque agoraphobe.
Il nous faut bien 5 minutes avant d’entendre les premières notes de musique et nous déboulons au deuxième morceau de U2.
Je boude, je viens de louper leur duo d’ouverture avec Sir Paul McCartney, mon autre héros. Je me renfrogne d’autant plus quand j’apprend qu’ils ont joué Sgt. Pepper Lonely Hearts Club Band.
Je passe un peu U2 sous silence, trop occupée à me frayer un passage dans le public massé devant l’écran. L’image est bonne bien qu’un peu pixellisée à l’endroit où nous sommes, mais c’est accessoire. Après tout, je suis là pour Pink Floyd qui va passer en fin de soirée, ça ne ma dérange pas vraiment de ne pas voir tant que j’entend...
L’ambiance est excellente, les spectateurs sont très réactifs et très vite, j’ai la sensation d’être dans la fosse, juste devant la scène.
Sauf que nous avons droit en bonus à un speaker de la BBC qui meuble entre chaque groupe et nous offre des images des autres concerts ainsi que des interviews des artistes qu’ils arrivent à déloger des coulisses.
Quand Coldplay monte sur scène, il n’y a pas de doute possible, ils sont de vrais stars chez eux. Je pense subitement à la France et à cette majorité de gens qui n’écoutent que du R’n’B FM et de la variété sans intérêt. Je réalise que l’Angleterre sera toujours mon Eldorado musical. Ici, on chie sur la mauvaise musique, 200.000 personnes qui aiment la pop et le rock de bonne qualité, ça fait du bien dedans son cœur... Je m’ancre dans le sol, je ne veux plus quitter cette île qui me fait rêver depuis tant d’années.
Et pourtant, je ne suis pas une grande fan de Coldplay (et encore moins de Gwyneth Paltrow qui se fait ovationner quand elle apparaît à l’image !), mais quand Richard Ashcroft les rejoint pour faire The Bitter Sweet Symphony, je m’incline, ils sont vraiment très doués et savent faire bouger leur audience.
Puisqu’on est dans les grosses pointures, c’est Sir Elton John qui enchaîne... Pourquoi faut-il qu’il joue des chansons qui sonnent très (trop) années 80. Je commence à sentir la fatigue poindre.
J’ouvre un œil curieux quand Pete Doherty (Babyshambles, ex-Libertines) monte sur scène pour un duo sur Children of Revolution de T-Rex. Je connais la réputation du bonhomme. Il a l’air effectivement bien fatigué à en juger les cernes violettes sous ses yeux, certainement dues à ses différents excès. Je suis déçue, moi qui croyais voir le punk ultime, je me retrouve à écouter une version mo-molle qui n’aurait peut-être pas plu à feu Marc Bolan... Peut-être un effet secondaire de mon méga coup de barre.
Le speaker réapparaît et annonce qu’il a avec lui Nick Mason, le batteur de Pink Floyd. Je saute sur mes deux pieds et je jubile en écoutant le tonnerre d’applaudissements qui se lève à cette annonce. Ca ne dure pas assez longtemps à mon goût, mais de ce que j’ai retenu, Nick est un sacré plaisantin. quand on lui demande s’il y a eu des larmes pour ces retrouvailles inespérées, il répond ultra-sérieux : "Nous sommes anglais voyons, nous ne pleurons jamais...!". Je souris bêtement pendant 10 minutes...
... Et je me rendors au moment où Dido (attention, à prononcer Daïdo !) déboule pour faire tous ses plus grands tubes rabâchés à la radio.
Je prend en revanche beaucoup de plaisir lors de son duo avec Youssou N’Dour sur Seven Seconds (chanté à l’origine par Neneh Cherry), dont le refrain est repris par tout le public... Frissons dans le dos...
J’apprendrai plus tard qu’ils se sont tous les deux tapé un marathon européen qui s’est achevé à Versailles, avec un Youssou dégoûté et en rage d’être le seul africain invité à chanter pour un concert étant supposé concerner l’Afrique... Les voies du Rock’n’Roll sont impénétrables comme dirait l’autre !
Je m’endors définitivement pour le set des Stereophonics, qui ne m’ont jamais intéressé et qui ne m’intéresseront jamais je crois...
REM arrive et Michael Stipe s’est peint un masque bleu qui lui couvre les yeux d’une oreille à l’autre. Ils ne font que leurs tubes, repris en cœur par le public. Mon estomac semble lui aussi vouloir s’exprimer, tandis que ma cervelle bat le rythme contre les parois de mon crâne. Je zappe complètement Ms Dynamite et Keane, trop occupée à aller chercher un hot-dog ignoble et un thé anglais très fort, l’alcool ayant été interdit pour l’événement. Certainement la peur de voir des débordements éthyliques se produire...
J’en profite pour aller tâter l’ambiance avec mon copain et je découvre l’esprit festival qui m’obsède depuis mon premier visionnage de Woodstock. Je ne suis pas déçue, entre les toilettes portables prises d’assaut, les stands de fast food et les démonstrations de yoga transcendantal avec brassage d’énergie !
Nous décidons de nous expatrier à l’arrière, la visibilité de l’écran étant meilleure et le son tout aussi bon.
Pendant que Travis nous livre une reprise fort sympathique de Stayin’ Alive, nous allons chercher nos trois acolytes restés à l’avant.
Ce qui nous fait rater la prestation de Bob Geldof... Sa montée sur scène ne me laisse pourtant pas indifférente, tant il dégage une force tranquille. Les spectateurs l’acclament en héros. Il en est d’ailleurs un en ce jour de rassemblement mondial. C’est plus fort que moi, je le revois avec ses sourcils rasés dans The Wall. Fanattitude encore et toujours...
Il annonce une Annie Lennox radieuse et qui commence seule au piano. Envoûtante, elle a une classe et une présence incroyables. Derrière elle, un film sur la misère des enfants africains est diffusé. Ca jette un sacré froid dans l’audience, mais c’est un froid nécessaire pour réveiller à nouveau les consciences... Après tout, nous ne sommes pas que là pour faire la fête.
Puis, elle enchaîne sur un Sweet Dreams magistral, bien rock et qui prouve que quand ils sont bien arrangés, les morceaux connotés années 80 peuvent sonner étonnamment modernes.
Entre temps, nous perdons deux effectifs de notre troupe et nous nous retrouvons à trois, entre fans de Pink Floyd. L’idée de fonder la secte des floydiens me traverse l’esprit...
Sur un registre plus léger, UB40 monte sur scène et entonne un Red, Red Wine, choix que je trouve merveilleusement drôle et maladroit pour un concert où l’alcool est prohibé !
Je ne trouve pas la prestation particulièrement transcendante et je me surprend par contre à remuer sur Snoop Dogg. Situation bien étrange pour quelqu’un qui n’aime pas vraiment le rap, mais je dois admettre que le bonhomme a de la prestance et qu’il sait bien mener le public.
Il est suivi du groupe Razorlight, dont je n’ai aucun souvenir. Je me rappelle seulement qu’ils semblent être très connus en Angleterre.
Plus les heures passent et plus le son des enceintes augmente et me vrille le crâne.
Quand Madonna vient chanter, elle me colle la migraine pour de bon, tant les aigus qu’elle balance saturent. Pour la première fois de ma vie, je me met des bouts de mouchoirs dans les oreilles, faute de mieux. Je reste tout de même attentive à sa prestation. C’est tout de même une star internationale et je suis curieuse de voir ce qu’elle vaut sur scène. Un constat : la madonne a une aura que nul ne peut réfuter... Elle réveille en trois chanson un public qui commençait à entrer en phase de coma, elle me fait groover sur Music et me surprend en faisant Ray of Light, qui ne doit pas être simple à faire en live.
J’éprouve le besoin de sortir un peu de la foule et je loupe Snow Patrol, The Killers et Joss Stone. Qui ils sont et ce qu’ils font ? Je n’en ai aucune idée...
Je reviens pour les Scissor Sisters, qui sont un peu mes chouchous, tellement kitsch, tellement disco qu’ils ne peuvent pas me laisser indifférente. Car j’ose le clamer ici, j’ai adoré leur reprise de Comfortably Numb.
Puis, je décide de m’endormir sur place... Je me couche par terre, une capuche sur la tête, les mains sur les oreilles toujours obstruées par mes bouts de mouchoirs forts élégants... Et j’en ai réellement besoin, parce que la prestation de Velvet Revolver (le groupe actuel de Slash, guitariste des Guns & Roses) est à la limite du supportable.
Sting passe sous silence et je subis avec horreur Mariah Carey qui m’achève définitivement tant elle hurle. Quant à Robbie Williams, je note qu’il reprend We Will Rock You et qu’il arrive à faire frapper 200.000 anglais dans leurs mains... Je le maudis intérieurement de jouer ce morceau maintenant, moi qui rêve depuis mes 14 ans de faire ça dans une foule.
Je me secoue quand même pour le groupe suivant, que je ne peux absolument pas louper. Quand les Who montent sur scène, je suis heureuse... Heureuse parce que j’aime bien les Who, mais surtout heureuse parce je sais que les prochains, ce sont mes héros !!!
Mais même sans Keith Moon et John Entwistle, j’ai un groupe mythique devant moi... Et en prime, nous avons droit au moulinage de bras de Townshend et au jeté circulaire de micro par Daltrey. Ils commencent par un Who Are You ? bien pêchu et qui fait un bien fou... Suivi par un Won’t Get Fooled Again, qui me plonge dans une semi-transe.
Le set s’achève et pendant une éternité, nous attendons... Guillaume, Cédric et moi commençons notre remontée de la foule par la face ouest. Nous ne devons surtout pas en louper une miette. La pression monte et je commence à trembler sous l’effet de l’émotion.
Retour sur le speaker, les yeux et les oreilles s’ouvrent toutes grandes. Fausse alerte, le groupe met du temps à s’installer. Je commence à me sentir fébrile.
Et d’un coup, ILS arrivent sur scène. PINK FLOYD !! Je fais un arrêt cardiaque et le public hurle. C’est de la folie et tout ce qui sort de notre bouche, c’est : "Oh mon Dieu ! Putain ! Ca y est", le tout en boucle.
Quand Speak to Me commence, je sens que mes larmes montent. Tout le public se retrouve plongé dans la même émotion, plus un son ne sort de nulle part, tous fixés que nous sommes sur cet écran géant.
Sur le même plan apparaissent ensemble David et Roger, je craque. Subitement, je n’ai plus vraiment mal au crâne, je retire les bouts de mouchoirs de mes oreilles et je sèche mes premières larmes. Cédric rit de bonheur et Guillaume est à peu près dans le même état que moi. Nous ajoutons "Oh ! C’est génial !" à notre vocabulaire.
Première surprise quand Dave commence à chanter, c’est beau à en pleurer, même que je pleure déjà ! Je lui trouve une voix claire et puissante, comme au bon vieux temps, Roger m’impressionne toujours autant, Nick joue sur une grosse batterie, tout seul et Rick semble avoir été oublié par les cameramen...
Fin de Breathe, le public est ravi et nous aussi.
Enchaînement sur Money que tout le monde connaît forcément et même moi qui ne l’aime pas plus que ça, je me retrouve à la chanter, un sourire niais scotché au visage. Il me semble que c’est à ce moment qu’une caméra montre Rick en train de sourire derrière ses claviers. Cette image me fait tellement d’effet que je me remet à pleurer de bonheur. Wright qui a l’air heureux d’être là, avec Waters à côté, je suis en pleine dimension parallèle. Re-ovation quand ça s’arrête.
Gilmour s’arme d’une guitare accoustique... Ca y est c’est Wish You Were Here, c’est MA chanson, celle qui m’a fait aimer le Floyd. Roger la dédie à Syd Barrett, mais j’avoue que sur le moment, je n’ai rien compris à ce qu’il disait, l’émotion m’ayant fait oublier tout mon anglais... Hyde Park résonne de toutes les voix qui reprennent en cœur cette merveille. C’est la première fois que je vis ça et je ressens un vrai bien-être d’être mélangée à cette foule. Nous sommes tous sur la même longueur d’ondes, nous savons que nous vivons un moment unique. Surprise quand Waters chante le second couplet. Ca m’arrête dans mon élan, mais le symbole est joli alors je recommence à chanter faux. Mais je m’en fous...
Le dernier morceau arrive, Comfortably Numb résonne bizarrement en cette soirée. Derrière le groupe, l’image du mur qui apparaît, ce mur qui les avait séparés et qui fini par les réunir aujourd’hui. Et au dessus de la scène, un message adressé aux dirigeants du G8 "No more excuses" ... J’en tire des conclusions aussi parallèles que le monde dans lequel je suis plongée. Je commence à penser qu’eux non plus n’ont plus d’excuses pour continuer leur gué-guerre. L’image de Gilmour et Waters les bras en l’air à l’instar du public me fait éclater de rire, ce qui me change des larmes et ça fait du bien.
Quand résonne le solo de guitare toutes mes pensées s’arrêtent, je veux profiter de chaque note qui sort des enceintes, je sais que la fin est là. Il me semble que Gilmour improvise un peu et il maîtrise toujours aussi bien. Il fait durer le plaisir, le petit coquin ! Et j’aurai aimé qu’il le fasse durer beaucoup plus...
Quand tout s’arrête, le public est heureux et exulte. Et alors que Dave fuit vers les coulisses, nous voyons ce geste de Roger, qui le rappelle pour l’accolade finale. Les quatre compères réunis, bras dessus-bras dessous, l’air heureux... S’en est trop pour mes nerfs et je passe des larmes de bonheur à une vraie crise de pleurs.
Je m’écouterai, je traverserai le petit étang à la nage et je sauterai sur scène pour leur faire un câlin et en demander rien qu’une de plus... Mais je reste fixée à l’écran, je ne veux pas les voir disparaître et quand c’est fait et que le speaker enchaîne, je me retourne vers Cédric et je pars pour 5 minutes non stop de sanglots. Il n’a pas plu à Hyde Park et pourtant mon barbu était trempé.
Paul McCartney, mon autre héros, achève le Live 8, rejoint par George Michael pour Drive My Car, mais à vrai dire, je n’en ai rien à faire. Je remet mes bouts de mouchoirs dans mes oreilles et j’attend que tous les artistes remontent sur scène au moment du Hey Jude final, juste pour revoir un peu, et même de dos, un des Floyd.
Une semaine après, je me rend compte que je ne suis pas tout à fait revenue et que le retour sur Terre va être plus long et difficile que prévu... Et ce n’est pas que d’avoir vu les Floyd qui m’a mise dans cet état... C’est le simple fait de penser qu’un jour, je dirai "J’y étais" et parce que, tout comme le Floyd, nous étions réunis pour une cause importante...
Les jambes en purée et les yeux piquants, nous nous sommes dirigés vers la sortie, sans dire un mot, entourés de 200.000 personnes aussi heureuses que nous... Je me rappelle avoir fait le chemin de retour au radar, mes seules pensées allant à un endroit où dormir. J’ai tiré le rideau à ce moment, fin de la journée...
Excusez moi d’avoir occulté, oublié, exagéré des choses. Excusez moi si je me suis trompée dans certains détails de mon récit. Pardonnez ma fanattitude mais je ne suis pas la seule à considérer que le grand événement de ce 2 juillet 2005, ce sont les retrouvailles d’une bande de vieux potes qui nous ont donné ce soir là l’une de leurs plus belles prestations...
Et je suis prête à tout revivre, même la migraine.
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